Première
par Thomas Baurez
Lorsque les deux pieds sont encore dans l’enfance mais qu’ils ont déjà la volonté secrète de sauter le pas, l’équilibre devient instable. Certains voient encore en vous « la petite nature », quand d’autres, forcément moins nombreux, mesurent déjà la puissance souterraine propre à une déflagration. Johnny (Aliocha Reinert, formidable), 10 ans, veut bondir, s’ouvrir, quitter la barre HLM où stagnent sa mère, son beau-père... C’est un garçon ultra-sensible aux cheveux blonds et longs mais ils pourraient être verts comme le héros du film de Joseph Losey. Tout le monde voit en lui un objet de curiosité, quand lui, n’aspire qu’à bouger de sa ligne (déterminisme social à plein tube). Son instituteur (Antoine Reinartz) voudrait accompagner cette mue. Mais là où ce récit autobio de Samuel Theis aurait pu devenir un anti-Quatre Cent Coups, célébrant les valeurs de l’école républicaine, il prend l’allure d’un survival à hauteur d’un enfant qui va finir par encombrer ceux-là même qui essayent de le porter. Johnny s’incruste, interprète à sa façon l’affection des adultes. Il a raison sans pour autant que les autres aient tort. Samuel Theis, déjà co- réalisateur de Party Girl (Caméra d’Or 2014 à Cannes) revient aux sources de son enfance dans la ville de Forbach en Moselle. Ici la part à priori documentaire (interprètes non professionnels…) n’est pas là pour valider quoi que ce soit. C’est bien la fiction qui prime. Un film touchant dont la justesse tient de la vérité qui émane de chaque morceau d’un film faussement fragile. « Nature », oui ; « petite », non, bien-sûr.