Première
par Frédéric Foubert
Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, Nicolas Bedos refuse l’idée du brouillon, de l’exercice de style, du petit objet fragile qui s’excuse d’exister, et opte au contraire d’emblée pour l’idée du film-monde, de l’œuvre-somme. Monsieur & Madame Adelman est un trip à la Amélie Poulain où son auteur compile tout ce qu’il aime : la littérature, la mystique germanopratine, les femmes, lui-même, Woody Allen, les intellos qui s’engueulaient en fumant chez Michel Polac, tout ce décorum seventies dans lequel il a grandi. C’est un film looké “Schnock” (en référence à la revue “pour les vieux de 27 à 87 ans” qui réfléchit à la culture pop de l’ère pompidolo-mitterrandienne), une sorte de gigantesque boîte à fantasmes Trente Glorieuses. Une fresque-joujou où Bedos se fait plaisir en traversant les époques et s’imaginant un alter-ego à sa démesure mégalo (un écrivain génial et tyrannique), augmentée d’une love-story au long cours et d’une réflexion sur le thème de l’imposture intellectuelle. Une odyssée mi-Philip Roth mi-Claude Lelouch, filmée par un fan de Boogie Nights et d’Annie Hall. Tout ça, bien sûr, fait beaucoup pour un seul film : d’abord très séduisant grâce à son sens affûté de la vignette rétro et de la blague vacharde, Monsieur & Madame Adelman finit dévoré par sa propre ambition (la durée excessive, les ruptures de ton trop démonstratives, la grandiloquence) et donne parfois l’impression que Bedos et sa complice Dora Tillier nous ont convié à les regarder se préparer pour leur propre fête costumée (le film suit ses personnages sur cinquante ans et finit par ressembler à un festival un peu épuisant de perruques et de postiches). Ils s’amusent beaucoup – nous un peu moins. Le degré d’intérêt que vous pourrez avoir pour ce film hâbleur et sûr de lui dépendra en fait beaucoup de l’affection que vous avez, ou non, pour Bedos lui-même. Le film est tour à tour aussi attachant, brillant, irritant et épuisant que lui.