Première
par Thierry Chèze
Carburant au rythme d’un film par an, François Ozon n’aime rien tant que butiner de genre en genre. Mais depuis 8 femmes, il prend plaisir à revenir régulièrement à ce type de comédies, tirées de pièces de théâtre, et portées par des personnages féminins aussi puissants que hauts en couleur, qu’il adapte dans une mise en scène à l’hyperstylisation assumée. Ce fut le cas de Potiche et donc de cette libre adaptation d’une pièce de Georges Berr et Louis Verneuil (dont Wesley Ruggles s’est emparé en 38 avec La Folle Confession). L’histoire, dans les années 30, de deux amies en galère, Pauline et Madeleine – l’une jeune actrice sans grand talent, l’autre avocate débutante – qui se retrouvent propulsées sous les feux des projecteurs quand la première s’accuse du meurtre d’un producteur puissant aux mains baladeuses et quand la seconde obtient son non- lieu dans un procès retentissant. Mais dont la gloire soudaine se révèle fragiles car la vraie coupable rode et va vouloir récupérer sa part du gâteau. Dans un geste savoureusement ludique, Ozon parle ici de condition féminine et de déboulonnage du patriarcat dominant en traçant des parallèles entre les années 30 et aujourd’hui mais sans verser dans le discours verbeux. Son ode à la sororité vaut d’abord et avant pour la malice de sa mise en scène, l’amoralité joyeuse des situations et sa capacité à mêler les familles de comédiens (Luchini, Dany Boon, Huppert, Laspalès…) sans esprit de chapelle. Le résultat, vif, coloré permet à Rebecca Marder et Nadia Tereszkiewciz de confirmer qu’elles sont deux des plus passionnantes et douées comédiennes de leur génération