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Dolan filme en poète, et il y a dans son cinéma une urgence, un aplomb, une fraîcheur dans la façon de décrire les émois amoureux qui font de ces Amours imaginaires un objet volatil, aussi fragile que précieux. Ce cinéma-là n’est pas jeune : il EST la jeunesse.
Toutes les critiques de Les amours imaginaires
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Mais tout autant que l’amour, c’est le cinéma qui constitue un imaginaire chez Xavier Dolan. Certes, il répète à longueur d’interviews que toute ressemblance entre ses procédés d’écriture et ceux de cinéastes connus (les ralentis de Wong Kar-wai, le colorisme d’Almodóvar) est fortuite. Pourtant, Les Amours imaginaires habite totalement le pays du cinéma, et le film étonne par sa vitesse d’assimilation. Comme si pour ce très jeune homme (21 ans), In the Mood for Love, Almodóvar ou même Les Chansons d’amour (les amours à trois + l’apparition de Louis Garrel) appartenaient déjà à l’histoire du cinéma et étaient déjà disponibles en peer to peer cinéphile.
Le film y pioche des figures avec la même fraîcheur, la même désinvolture que celles dont usaient Kar-wai ou Honoré en citant la Nouvelle Vague. J’ai tué ma mère étonnait surtout par l’habileté de dialoguiste de Dolan, la fermeté de sa direction d’acteur (à commencer par celle qu’il exerce sur lui-même), son sens de la rupture de ton. Avec Les Amours imaginaires, il déploie aussi une étonnante virtuosité plastique. Le film est une irrésistible mosaïque de couleurs et de mélodies (le track-listing de la BO est impeccable) qui exacerbent tous les sens, une superbe étoffe soyeuse et chamarrée. -
(...) il parvient à renouveler avec une fantaisie toute personnelle le thème éternel du trio amoureux. On n'est jamais dans le drame, mais plutôt dans la douceur douloureuse de ces passions adolescentes qui font souffrir en silence. De rêverie poétique en confession intime, on partage leurs émois et on est déjà curieux de ce que la carrière de ce cinéaste en devenir nous réserve comme bonne surprise.
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Heureusement, il y a aussi l'incroyable euphorie distillée ça et là par le montréalais à houpette/lunettes. Usant et abusant des ralentis à la Wong Kar-Wai, avec volutes de fumée photogéniques et chaloupées sur fond de ballades enivrantes (de "Bang bang" à Fever Ray), le cinéaste-acteur rend beaux et sensuels des personnages plus grimaçants qu'attachants. Ainsi, par la grâce du savant collage pop-art de sa mise en scène, Dolan devient James Dean, Niels Schneider se change en David de Michel-Ange, tandis que l'élégante brune Monia Chokri, véritable révélation du film, épouse les poses d'Audrey Hepburn en conservant le bagout cynique de Daria. Alors oui, tout cela est bien évidemment too-much, hystérique, arrogant et hyper-sentimental... Mais cet excès émotionnel, cette surcharge de couleurs, ce trop-plein généralisé dans une temporalité dilatée, passant du sublime au grotesque en un battement de cils, n'est-ce pas cela aussi qu'on appelle romantisme ?
Copieusement applaudi à Cannes, Dolan est le genre de type qu'on aime ou qu'on déteste, diront certains. Pourtant son Jules et Jim fétichiste et baroque provoque en nous un sentiment ambivalent et instable, oscillant entre amour et haine sans que le curseur ne parvienne à se fixer. Reconnaissons que ses Amours Imaginaires ont pour elles la fougue et l'audace de la jeunesse, et déjà, le spleen des rêves adolescents. -
Xavier Dolan confirme les promesses de son premier film. En dépit d’abus de coquetteries de style, ce récit d’une double illusion amoureuse séduit par sa sincérité.
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(...) Les Amours imaginaires est tout sauf mauvais. On peut le voir comme la chambre d'appel qui précède l'administration à l'ANPC (l'Agence Nationale pour le Coeur/Cul). On peut aussi être très enthousiaste en le voyant.
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Thème classique de l’illusion amoureuse auquel Dolan insuffle une fraîcheur inédite. Il pointe avec acuité et drôlerie le désordre contemporain des sentiments, l’enrobe de sa mise en scène pop et maniérée, patchwork ultrastylisé en apesanteur entre ancien et moderne, romantisme et autodérision, pose érudite et esthétique de roman-photo, Musset et Dalida… Et nous offre un bonbon acide et coloré sur cette chose fragile qui s’écrit avec un grand A.
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Si Dolan choie ses deux personnages de complices largués face aux véritables intentions de l'objet de leur désir, il se perd un peu dans une mise en scène maniérée, à base de ralentis ultra-esthétisants et répétitifs dont il aurait parfaitement pu se passer.
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Placé sous le signe d’une citation d’Alfred de Musset, lorgnant ici vers Jean Cocteau et citant là (à deux reprises) le “bang bang” de Dalida, le film aligne confessions drolatiques de jeunes individus lambda en proie aux affres du désintérêt amoureux ou de la rupture, effets stroboscopes, ralentis, esthétiques de clips. Le gay rêve de James Dean en sourdine et se masturbe en reniflant le caleçon de son insaisissable proie, la romantique en robes vintages cache sa candeur derrière un masque agressif et un phrasé ultra snob (Monia Chokri possède un art de la roucoulade atonale à la Jeanne Balibar).
Xavier Dolan est habile à mixer images et sons, un savoir faire que l’on qualifiera de super mode, de signe d’instinct créatif ou de science de l’emprunt, selon son degré de connivence. Pour notre part, c’est plutôt le qualificatif de “Léos Carax du pôvre” qui nous vient à l’esprit. -
Xavier Dolan a certainement du talent, mais nous en profiterons quand il cessera de signer des films creux et poseurs.
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Les amours imaginaires semble d'une originalité très conventionnelle dès qu'on n'a plus 20 ans et qu'on a déjà vu quelques films dans sa vie.
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Pour donner le change, ici, les signes de la jeunesse sont partout. Par intermittence, Dolan les regroupe sous la forme de séquences faussement documentaires et assez piteuses, où un panel de jeunes québécois vient documenter la thématique à la manière d'un dossier du Nouvel Obs'. Pour dire quoi ? Que Dolan a un sujet, que la broderie pour cinéphile s'ancre en fait dans l'époque - qu'à travers lui c'est, littéralement, la jeunesse qui parle. L'artificialité absolue de ces moments dit bien combien Dolan est roublard et combien, décidément, il cherche à plaire. Il faut le voir aussi réciter, dans le dossier de presse du film comme dans les interviews, le précieux héritage littéraire dont il serait le dépositaire, Musset, Racine, Stendhal, Barthes, on en oublie. Cela dit, Barthes n'est pas une mauvaise piste pour éclairer le phénomène Dolan, à condition de viser le bon. Pas celui des Fragments dont Dolan se prévaut, plutôt celui des Mythologies, quand Barthes y disséquait le cas Minou Drouet, prodige littéraire qui, du haut de ses huit ans, mit en émoi la France des années 60. Tout y était dit, déjà, du mythe rassurant de la jeunesse, de celui bourgeois de l'enfant prodige qui vaut à l'œuvrette de Dolan l'accueil onctueux et disproportionné qu'on lui fait. Dolan a tout le temps de devenir le cinéaste en quoi aujourd'hui le déguise hâtivement, et même, on le lui souhaite. Mais restons pour l'instant sur le terrain qu'il s'est lui-même choisi, corrigeons la copie : Xavier, tu as fait un bel effort de présentation, mais il faudra veiller dans un prochain devoir à fournir un travail plus personnel.