Première
par Christophe Narbonne
Zonca signe un film chaotique mais passionnant, dominé par la composition bigger than life de Vincent Cassel.
Serait-ce le passage de la cinquantaine ? Après Gauguin – Voyage de Tahiti et avant Le monde est à toi, deux films dans lesquels il assume son âge en exagérant le trait (fatigué), le flamboyant Vincent Cassel est méconnaissable dans ce polar du revenant Erick Zonca : légèrement bossu, le cheveu gras, la barbe sale, les yeux bouffis, il campe un commandant de police alcoolique et cradingue (François Visconti, quel nom !) à côté duquel les antihéros dépressifs d’Olivier Marchal feraient presque figure d’anges. Cassel bouffe l’écran quitte à en devenir l’objet principal et à reléguer le reste au second plan. C’est la singularité, assumée, d’un film mal aimable dans lequel tout le monde tire la gueule et porte un masque plus ou moins opaque : celui de la mère en souffrance pour Kiberlain (elle a signalé la disparition de son fils sur laquelle va enquêter Visconti) et celui du voisin envahissant pour Romain Duris (l’ex-prof particulier du disparu).
Ambigu à souhait
Comme Marchal, mais en moins caricatural, Zonca privilégie les récits basés sur les personnages au détriment de l’intrigue, un peu flottante -certaines pistes narratives comme la plongée du fils de Visconti dans le trafic de drogue ne sont pas résolues. Le risque de décrochage est grand mais la relation de plus en plus complexe entre Cassel et Kiberlain nourrit une fascination croissante pour ce polar brinquebalant dont le dénouement, assez vertigineux, vient à point nommé récompenser le spectateur assidu.