Première
par Isabelle Danel
Ce qui est parfois beau au cinéma, c’est de voir grandir des personnages et les acteurs qui les incarnent. Xavier et ses amis avaient 25 ans lorsque nous les avons rencontrés dans L’Auberge espagnole, ils approchaient de la trentaine dans Les Poupées russes et, aujourd’hui, la quarantaine les guette. Cependant, on ne change pas les rayures du zèbre, et l’âge ne nous transforme pas. On évolue, on s’habitue. En rassemblant des morceaux épars de son existence, Xavier se lance dans un nouveau roman qui est aussi la trame du film, avec flash-back et flash-forward. Les femmes de sa vie (Isabelle, Martine, Wendy) sont toujours là, avec leurs hauts et leurs bas. Dans ce melting-pot qu’est New York, en plein coeur d’un quartier chinois très cinégénique, Cédric Klapisch recrée une mosaïque humaine bigarrée, attachante, et aborde de nombreux sujets de société (procréation médicalement assistée, mariage blanc, famille recomposée...) à travers une vraie comédie. Il retrouve les formes et les gimmicks de mise en scène qui parsemaient les deux premiers films et parvient à les renouveler, à les réinventer. Il introduit aussi des séquences qui apportent une certaine distanciation – une rencontre avec Schopenhauer ou Hegel, les commentaires via Skype de l’éditeur, joué par Dominique Besnehard. Grâce à ce dernier et à sa remarque sur « l’atroce happy end », on accepte une fin à rallonge. Mais avant cela le film est vif, drôle et enlevé de bout en bout. Les évolutions des comédiens collent parfaitement et sans artifices à celles de leurs doubles à l’écran, et cette réussite est belle à voir.