On allait voir ce qu’on allait voir. Black Adam, nouvelle production DC, était censé remettre les pendules à l’heure, imposer un nouveau standard superhéroïque et faire table rase - permettant une reconstruction totale du concurrent direct de Marvel. Au bout d’une heure cinquante, pas sûr que cette promesse soit tenue. Black Adam n’est qu’un film spandex supplémentaire qui suit le cahier des charges DC et repose surtout sur le charisme de sa star, Dwayne Johnson, bien moulé dans son costume d’homme en noir, un peu vieux pour ces conneries, mais largement au-dessus de ses partenaires de jeu.
Dans un pays du Moyen-Orient, le peuple vit sous la terreur d’une force armée internationale. Une mère et son fils, un peu idéalistes, très têtes brûlées, réveillent Teth Adams, un surhomme enfermé depuis 5000 ans dans les sables du désert. Une bande de méchants tente de mettre la main sur une couronne maléfique. Et la Justice Society of America (composée de Cyclone, Atom, Dr Fate et Hawkman) cherche à préserver l’équilibre du monde et va tout faire pour empêcher Adam de provoquer un bain de sang…
Le principe du film est donc d’offrir à Dwayne Johnson son grand rôle de superhéros. De ce point de vue là, Black Adam se regarde sans déplaisir. Jeu de sourcil impeccable, muscles parfaitement taillés par ses costumes, uppercuts balancés avec décontraction et flegme… The Rock s’amuse et s’offre des plans scope impressionnants. Personne ne croira vraiment à sa tentative de creuser le côté obscur du personnage (et par là même de « salir » un peu sa propre personnalité de monsieur propre hollywoodien), d’autant que son héros est moins véritablement méchant que légitimement très en colère. Cette astuce de scénario empêche malheureusement la star de déployer son arme fatale : l’humour, sans doute ce qui manque le plus cruellement au film. Mais on le regarde malgré tout buter des miliciens ou castagner des zombies avec beaucoup de plaisir.
De manière surprenante, Black Adam offre surtout à la star la possibilité de creuser un peu plus son rapport à Schwarzenegger. On se souvient que dans une des premières scènes de Bienvenue dans la Jungle, la star autrichienne lui passait le relais d’un « have fun », faisant officiellement de The Rock le prince héritier des actioners. 20 ans après, Black Adam est construit sur le moule de Terminator 2. La dynamique entre le jeune ado idéaliste et le demi-dieu descendu sur terre reprend à la lettre la relation entre John Connor et le T 800. Volonté d’humaniser la machine, tentative de lui apprendre à « jouer » le héros et la star, à balancer une bonne réplique après une scène de baston, vertige méta… tout est là, inscrivant un peu plus Johnson dans les pas de son illustre aîné.
L’ennui c’est que face à lui c’est le désert. La Justice Society of America avec ses personnages sans background et ses acteurs sans charme (pardon à Pierce Brosnan qui se contente d’épousseter le masque de Dr Fate pendant deux heures) n’avait rigoureusement aucune chance de faire le poids. Les motivations de ces Avengers au rabais, leurs logiques d’action et jusqu’à leur présence sur le champ de batailles : tout reste inexpliqué et on comprend au bout de quelques minutes qu’ils ne sont là que pour faire de la figuration et offrir des répliques à The Rock. Le méchant sorcier qui arrive au bout d’une heure et demi de film ne vaut pas mieux… Au fond, face à la puissance de Dwayne Johnson tout (et tout le monde) doit s’incliner. Là réside le vrai problème du film : rien n’existe à part Black Adam. Tous les enjeux s’auto-détruisent, tous les arcs narratifs s’effondrent au profit de la seule mise en avant de la superstar…
Reste une étrangeté : l’horizon et le discours géopolitique du film. L’action se situe en effet dans un pays du Moyen-Orient où les hommes vivent sous le joug d’une force armée (américaine ? Internationale ?) et cherchent à se libérer de cette puissance exogène. Dénonciation des exploitations et des prédations, dérives des milices (russes ? américaines ?) dans les pays du Tiers-Monde… Black Adam s’aventure sur le terrain de la morale diplomatique, mais reste sacrément bas du front, comme si, dans une époque plus que troublée, Hollywood cherchait de nouveau à se donner une bonne conscience à moindre frais… On se prend à imaginer que The Rock (que la rumeur espérait voir concourir pour un poste de gouverneur) se taille un destin politique avant qu’une scène ne mette fin à ces divagations.
Réalisé sans beaucoup d’originalité (on oscille entre The Matrix et le style bourrin de Snyder - de 300 à Justice League), mais avec un certain savoir-faire, bardé d’effets spéciaux et de scènes apocalyptiques déjà vues, Black Adam ne révolutionnera rien, se contentant d’offrir la promesse (standardisée et de saison) de blockbuster superhéroïque.