Vingt et un ans qu'elle est fidèle au poste, c'est une incroyable longévité pour une présentatrice du JT. Avec une passion intacte, Claire Chazal se réjouit des évolutions prévues à la rentrée. Pour Télé 7 Jours, elle se confie sans tabou.
Comment expliquez-vous votre longévité à ce poste?Au-delà de la journaliste que je suis, les téléspectateurs, doivent se sentir proches de ma personnalité avec mes forces et mes faiblesses. J’ai toujours essayé de renouveler l’exercice de mon métier. Je n’ai pas connu de lassitude. J’ai dû aussi faire preuve d’une certaine résistance et le public semble toujours avoir envie de me voir. Cela me fait très plaisir.Jamais aucune lassitude, en deux décennies?Certes, il y a eu des périodes moins intenses, mais depuis quatre ans, avec l’arrivée du rédacteur en chef Germain Dagognet, j’ai retrouvé un second souffle. J’adore ce garçon! Nous avons noué des liens d’amitié très forts. C’est rare de travailler avec des gens avec qui vous pouvez partir en vacances.Un grand défi vous attend à la rentrée…TF1 réfléchit au contenu des JT et au fonctionnement de la rédaction. Je ne peux vous détailler ces changements, qui restent confidentiels, mais vous les découvrirez dès septembre, portés par notre trio de présentateurs : Jean-Pierre Pernaut, Gilles Bouleau et moi-même. Je me sens bousculée, mais positivement.En mai dernier, Laurence Ferrari a quitté TF1. Vous êtes-vous sentie menacée?Non. Je suis là depuis longtemps et les audiences des 5 JT du week-end sont restées bonnes. Mais je ne me sens jamais assurée de garder mon poste, il ne m’appartient pas.Durant la campagne présidentielle, France 2 a battu TF1 en audience. Qu’avez-vous ressenti?Ca m’a beaucoup attristée. D’autant que j’ai connu de grandes périodes de leadership, y compris pendant les soirées électorales. Mais nous avons retrouvé la première place pour la spéciale du 14-juillet. C’est très encourageant.Laurent Delahousse a été approché pour succéder à Laurence Ferrari, mais il est resté sur France 2. Auriez-vous préféré l’avoir comme collègue, plutôt que comme concurrent?C’est un confrère sérieux et talentueux. Ensemble, nous avons déjà interviewé Nicolas Sarkozy, et le président François Hollande lors du 14-jullet. Laurent est un ami -pas intime- mais on se croise pendant les vacances. TF1 a fait un très bon choix en confiant le 20 heures de la semaine à Gilles Bouleau, dont le sérieux et la crédibilité portent déjà leurs fruits.Vous avez interviewé de nombreuses personnalités. S’il fallait retenir une belle rencontre?En janvier dernier, j’ai reçu Meryl Streep pour La Dame de fer, où elle incarne Margaret Thatcher. C’est la première fois que je rencontrais cette grande actrice, que j’ai toujours admirée. Elle a immédiatement établi un rapport facile et sincère. En coulisses, elle a parlé enfants, famille, bref, des choses de la vie.Et une entrevue compliquée?Dominique Strauss-Kahn, en septembre 2011. C’était sa première interview depuis son arrestation à New York. Nous étions contents d’avoir ce scoop mondial. Si c’était à refaire, je ne changerais pas grand-chose.Votre style, c’est d’annoncer les nouvelles, souvent angoissantes, avec empathie pour rassurer le public?J’en parlais avec Anne-Claire Coudray, mon joker. C’est une alchimie compliquée. Je n’ai pas de recette. J’essaie d’adapter le ton, le regard et le sourire à ce que je ressens. Par nature, je n’aime ni les conflits ni les aspérités. Je préfère adoucir et réconforter. A l’écran, j’exprime ce que je suis et le public doit le percevoir. Il faut rester sincère et naturel.Êtes-vous la force tranquille derrière une apparente fragilité?De nature, je suis plutôt inquiète.La force inquiète, alors?La force qui doute, mais ça ne m’empêche pas d’avancer. Je me dis toujours que je pourrais faire mieux, d’où mon apparente sérénité.Paris Match a titré sur vous : "Reine et sereine"…Reine, ça me vieillit, je préfèrerais être désignée comme princesse (elle rit). Mais si c’est une allusion à la "reine Christine", j’en suis ravie, car j’admirais énormément Christine Ockrent.Avez-vous un rituel quand vous arrivez à la rédaction?Pas vraiment. Mais Germain Dagognet a instauré les conférences de rédaction autour d’un petit déjeuner. Donc, avec toute l’équipe, nous discutons des sujets dans une ambiance conviviale et chaleureuse. Et, vers 18 heures, on prend souvent un verre. Pour nous, ça compte beaucoup de travailler dans le plaisir, tout en étant sérieux quand il le faut.Vous astreigniez-vous à une hygiène de vie?C’est indispensable : je pratique la danse classique, jusqu’à quatre séances par semaine de cours collectif, avec une quarantaine d’élèves de tous les âges. C’est un moment merveilleux de dépassement de soi.D’autres recettes?Pour moi, garder une certaine fraîcheur repose davantage sur la curiosité intellectuelle que sur l’absence de rides. Je me nourris de culture.Comment sera votre vie après le JT?J’y pense, tout en ne me projetant pas car j’ai envie de continuer. Mon métier et le statut de personnage public me plaisent. Ce sera sans doute difficile de les abandonner. Après, je ne suis pas sûre de m’accrocher à la télévision. Je chercherai un autre mode d’expression.Les Français ont suivi votre vie de femme libre : un enfant "toute seule", un mariage, un divorce, une histoire d’amour avec un homme plus jeune… Ca rend populaire?Ca compte, oui. Cela dit, je n’ai rejeté ni mon éducation ni mon milieu familial. Mes parents (un père haut fonctionnaire et une mère professeur de lettres, ndlr) m’ont appris l’autonomie. J’étais une adolescente sage, ils n’avaient pas besoin de me discipliner. Du coup, je me suis sentie libre et j’ai mené ma vie de femme comme tel. J’ai peut-être vécu légèrement en avance sur mon temps.Parmi vos proches, qui regarde le plus vos JT?Sans doute ma mère. Et j’ai la chance d’avoir des amis pas du tout complaisants, qui me critiquent ou se moquent, mais avec bienveillance et humour.Et votre fils, François, 17 ans?Moyennement. Il s’intéresse beaucoup à l’actualité, moins au journal que sa mère présente.Est-il intéressé par le journalisme?Ca l’intéresse, il a un regard critique, une vraie analyse, mais la politique, l’écriture le passionnent aussi.Il a fait de la figuration dans le téléfilm de France 3 Mon frère Yves, réalisé par son père, PPDA…François apparaît brièvement dans la scène de banquet du baptême. Il a été très intéressé par ce tournage, où il a passé plusieurs jours : voir comment on fabrique un film, la direction d’acteurs, le travail des costumiers…A-t-il eu de bons résultats au bac de français, qu’il vient de passer?Oui, mais je ne vais pas vous les dire, ça lui appartient.Depuis huit ans, vous faites des lectures publiques au Festival de la correspondance de Grignan. Avez-vous envie de devenir comédienne?Si je peux approcher cet univers, j’en suis très heureuse, mais je n’en ferais pas mon métier. J’admire les acteurs. J’en connais beaucoup.On vous a dit séparée d’Arnaud Lemaire, votre compagnon, puis de nouveau avec lui. Vous confirmez?On dit tellement de choses sur moi depuis vingt ans… J’ai pour principe de ne jamais les commenter.Votre plus grande qualité?(Long silence). La fidélité à ceux qui me sont chers et à mes convictions.Votre plus grand défaut?Une forme d’égoïsme : ça va avec l’exercice de la liberté.Interview : Emmanuel Ducasse du magazine Télé 7 Jours
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