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Rencontre avec Vince Gilligan et Peter Gould.

Lundi prochain, Jimmy McGill va reprendre le chemin qui le conduit tout droit à Saul Goodman. La saison 3 de Better Call Saul sera lancée sur la chaîne américaine AMC et en France sur Netflix. Alors qu'est-ce qui nous attend ? Et comment expliquer le succès du spin-off de Breaking Bad ? Rencontre avec Vince Gilligan et Peter Gould, l'inséparable duo qui se cache derrière la série.


Comment travaillez-vous ensemble ? Écrivez-vous ensemble ?
Vince Gilligan : Oui, on écrit ensemble. Et ça marche très bien comme ça depuis 10 ans. Il est vrai que le gros de notre travail se passe dans une salle d'écriture, avec 5 ou 6 autres auteurs. On discute. On discute énormément. Un peu comme un Jury. On essaye de dessiner les contours de l'histoire. Mais avec Peter, on se retrouve ensuite ensemble en salle de montage. On écoute ensemble la musique de la série. On analyse ensemble la lumière, les images... Après, pour ce qui est de l'écriture en tant que telle, quand on tape sur notre clavier d'ordinateur, on est chacun de notre côté. L'écriture, en soit, reste un job de solitaire. Pareil pour la réalisation. Lorsqu'on réalise un épisode, on le fait en solo.

Comment avez-vous abordé cette troisième saison à venir ? Que pouvez-vous nous dire sur la direction que va prendre Better Call Saul ? Et plus spécifiquement, comment va évoluer la relation entre Jimmy et son frère ?
Peter Gould : Clairement, la fin de la saison 2 lance le début de la saison 3. Parce que dans le final, Chuck a piégé Jimmy. Il s'est même révélé un meilleur escroc que Jimmy ne l'a jamais été. Il a réussi à le faire se confesser ! Et il l'a enregistré. Alors notre histoire, c'est celle de deux frères qui se battent. Et au début de la saison 3, Chuck a clairement un plan en tête, qui n'est pas favorable à Jimmy... Cela va donner un peu plus de drama et faire avancer l'histoire. Surtout dans la première partie de cette saison 3.
Vince Gilligan : Je crois qu'on ne divulgue pas grand chose, si l'on dit que les choses ne vont pas bien se passer entre ces deux frères. Il y a beaucoup d'amour refoulé entre eux. Et puis toute la tragédie du show, c'est que Jimmy McGill, ce type appréciable, qu'on respecte encore, va doucement devenir Saul Goodman.

Voyez-vous Chuck comme LE vilain de votre histoire?
Vince Gilligan : Personnellement, je plains Chuck. Ce ne serait pas juste de le considérer comme le vilain de l'histoire. Déjà parce qu'il y a plus qu'un méchant dans Better Call Saul. Alors même si ça risque de ne pas beaucoup plaire aux fans de la série, j'ai pitié de Chuck, plus que je ne le déteste. C'est un personnage très pathétique. Il est très orgueilleux et totalement jaloux de son frère et ça me rend triste de voir ce qu'il fait subir à son propre frère.

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Nous savons que Gus arrivera cette année. Est-il déjà le type que nous connaissons dans Breaking Bad ?
Peter Gould : C'est une bonne question ! Evidemment, Better Call Saul se déroule des années avant Breaking Bad. Lorsque nous rencontrons Gus dans Breaking Bad, il a déjà un empire ! Et on va voir comment il a construit ça. Dans Breaking Bad, il était un peu au bout du roulot. Mais dans Better Call Saul, les choses sont différentes pour lui.
Vince Gilligan : Ceci dit, lorsqu'on le retrouvera, ce ne sera pas totalement le début de son ascension. On a déjà vu dans Breaking Bad une version jeune et plus innocente de Gustavo. Là, il ne sera déjà plus innocent. Il sera déjà impliqué dans le business du Crystal meth. Il sera déjà initié. Mais comme le disait Peter, il n'aura pas encore son empire...

Il y a quelques semaines, Aaron Paul a suggéré qu'il apparaîtra cette saison. Est-ce que c'est vrai ?
Vince Gilligan : Ah bon ? Il a dit ça... Écoutez, on attend avec impatience le jour où Aaron Paul retrouvera notre petite famille. Mais je crois que les téléspectateurs ne devraient pas retenir leur souffle, en espérant le voir dans la saison 3 de Better Call Saul. Parce que franchement, il n'y sera pas. On l'a dit dès la saison 1, il ne faut pas s'attendre à voir beaucoup de Walt ou de Jesse. On ne veut pas vendre des chimères aux gens. On veut être honnête, sans les appâter avec ça. Après, s'il n'est pas encore réapparu, ce n'est pas un manque d'intérêt de son côté ou du nôtre. C'est surtout parce que ce n'est pas facile de réintroduire un personnage. Quand les personnages de Breaking Bad réapparaissent, on veut que le fans soient sur le cul. Alors je peux vous dire qu'Aaron a très envie de retravailler avec nous. Et nous aussi. Il faut juste qu'on trouve un moyen pour que ça colle avec l'histoire. Ce qui est sûr, c'est que ce serait vraiment dommage, si Jesse n'apparaissait pas un jour dans la série.
Peter Gould : On veut que Jesse Pinkman revienne à Albuquerque, là où il a sa place. La question c'est : comment on y va ?

Diriez-vous que Better Call Saul est toujours profondément connecté à Breaking Bad ? Ou le show a-t-il réussi à s'éloigner de la série originelle, pour être désormais totalement indépendant ?
Vince Gilligan : Je crois que c'est un peu des deux. Indéniablement, Better Call Saul est encore connectée à Breaking Bad. Mais dans le même temps, elle a réussi à trouver sa propre voie. Et je suis très fier de ça. On a travaillé dur pour ça. Pour que la série ait sa propre identité, sa propre iconographie. Maintenant, dans la saison 3, on verra aussi de plus en plus de crossovers avec des personnages de l'univers Breaking Bad

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Combien de temps la série peut-elle continuer ? Vous prévoyez déjà une saison 4 ?
Peter Gould : On y pense beaucoup, mais on ne peut répondre aujourd'hui. Ce qui est vrai, c'est qu'à la fin de la saison 3, il y a encore beaucoup d'histoires à raconter avec ces personnages. 
Vince Gilligan : Et puis on travaille encore sur le montage de la fin de la saison 3, donc on n'a pas encore eu le temps de se pencher sur la saison 4.

Avez-vous déjà la scène finale de la série en tête?
Peter Gould : Bien sûr, on y a déjà pensé. Mais le fait est qu'au fur et à mesure, il y a toujours une meilleure idée qui finit par germer. Mais tout se mérite. C'est comme ça qu'on voit les choses. On prend l'histoire épisode par épisode, scène après scène. On construit d'abord sur quelque chose de solide. Et ça a bien marché comme ça, jusqu'à présent. Mais c'est vrai qu'on spécule entre nous sur ce que sera la fin de la série...

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Vous avez réussi à faire quelque chose de très rare à la télévision : un bon spin-off ! Pourquoi avez-vous réussi, à votre avis? Et pourquoi les autres spin-off ont tendance à échouer habituellement ?
Vince Gilligan : C'est gentil de dire ça ! Ce qui est vrai, c'est qu'on était très nerveux, quand on a commencé Better Call Saul. Alors on a bossé très dur, pour faire le meilleur show possible. On avait en tête de faire quelque chose de différent de Breaking Bad, tout en utilisant les mêmes outils, le même matériel, le même procédé. AMC nous a laissé du temps et une vaste liberté créative. Mais une fois qu'on a dit ça, on ne pouvait pas savoir que ça allait plaire au public. Parce que c'est vrai que la plupart des spin-off ont tendance à se vautrer. Peut-être parce qu'ils essayent trop souvent de se calquer sur la série originale. Qu'ils essayent d'y mettre les mêmes ingrédients. Et au final, c'est trop similaire. Nous, on a justement essayé de tout faire pour que ce soit très différent.
Peter Gould : J'insisterai aussi sur le facteur chance. Notre chance à nous, c'est qu'on a pu caster Bob Odenkirk dans Breaking Bad. Parce que pour que Better Call Saul marche, il fallait que Jimmy soit assez intéressant, pour qu'on le suive durant toute une série. Et je crois qu'on ne serait pas là aujourd'hui, si n'importe qui d'autre avait tenu ce rôle.