Inoubliable dans le film culte de Ridley Scott, l'évanescente Sean Young a depuis lentement disparu. Où en est-elle aujourd'hui ?
Il existe de nombreux artistes qui connaissent un immense succès pendant une courte période. Ce succès peut se caractériser par exemple par quelques films qui ont triomphé à une certaine époque, une couverture médiatique énorme à un moment donné, ou un Oscar de la meilleure actrice pour un rôle isolé. Et puis soudain, plus rien (ou presque), ces artistes tombent subitement dans l'oubli et l'anonymat aussi vite qu'ils ont attiré la lumière. Ils disparaissent de l'écran radar sans rien laisser d'autres que des souvenirs plein la tête, des souvenirs nostalgiques de cinéphiles.
Parfois dû à un retrait choisi, tout simplement pour changer de vie, élever des enfants, ou évoluer vers d'autres sphères. Ou à l'opposé, ce retrait peut être provoqué à cause du vieillissement, du temps qui passe, et donc, du manque d'intérêt des studios et des productions. Ces disparitions soudaines sont d'autant plus surprenantes qu'elles se développent d'une façon exponentielle avec le temps. En effet, aujourd'hui, combien de Mary Elizabeth Mastrantonio, de Meg Ryan, ou de Rebecca de Mornay presque oubliées pour une Meryl Streep toujours au sommet ? Une carrière est un travail de longue haleine, un investissement perpétuel. Et il faut compter sur une bonne dose de chance aussi.
A travers cette rubrique baptisée "Mais qu'est devenu(e)... ?", nous vous proposons régulièrement de vous replonger dans une époque, une période, une filmographie, une histoire. Celle d'un comédien ou d'une actrice qui aura marqué le septième art de son empreinte avant de disparaître aussi vite qu'il ou qu'elle était venu(e).
Mais qu'est devenue... Sean Young ?
En à peine cinq ans au milieu des années 80 et en (surtout) quatre rôles - la réplicante fumeuse dans Blade Runner, l'impératrice Chani dans Dune, la femme de Gordon Gekko dans Wall Street, et la maîtresse du politicien dans Sens Unique -, la superbe Sean Young a marqué à jamais les cinéphiles et laissé son image sensuelle et élégante dans l'inconscient des spectateurs.
Et depuis cette période faste ? Pas grand chose. Alternant les années suivantes des parodies ratées, des comédies sans saveur ou des rôles de guest dans des séries, Sean Young a aussi raté quelques rôles devenus mythiques et connaît depuis un quart de siècle une longue traversée du désert d'où émerge parfois un rôle qui nous la rappelle à notre bon souvenir. Mais rien, naturellement, qui puisse rivaliser avec l’ambition ou la force créatrice de ses débuts.
Née le 20 novembre 1959 à Louisville dans le Kentucky, Sean se tourne très tôt vers le milieu artistique. Elle danse depuis son plus jeune âge et fait des représentations en public dès l'adolescence. En parallèle, elle devient mannequin à l'âge de 17 ans et vit de ces deux passions avant d'être remarquée par un agent de cinéma au détour d'un casting.
Avec son charisme, son allure chic et sa beauté classique, Sean débute avec un petit rôle dès 1980, à l'âge de 20 ans, dans Jane Austen in Manhattan de James Ivory, suivi l'année suivante de la comédie Les Bleus, de Ivan Reitman, avec Bill Murray et Harold Ramis.
Après ces deux premiers films remarqués, Sean explose auprès des studios et deux des plus gros projets du moment vont lui être proposés. Son agent se retrouve en effet avec entre les mains le script des Aventuriers de l'Arche Perdue, un film d'aventure que Steven Spielberg prépare avec Harrison Ford dans le rôle principal, ainsi que celui de Blade Runner, un étonnant script de science-fiction adapté de Philip K. Dick avec Ridley Scott derrière la caméra et là aussi, Harrison Ford en tête d'affiche.
La jeune femme, âgée de 23 ans à cette époque, privilégiera le film visionnaire et culte de Scott, offrant sur un plateau le rôle de Marion Ravenwwod dans Indiana Jones à Karen Allen.
Tourné en 1982 par le cinéaste britannique qui sort du succès d'Alien, Blade Runner est une libre adaptation de Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, la fameuse histoire de Philip K. Dick. Le film se déroule à Los Angeles en 2019 et l'on y suit Rick Deckard, un ancien policier qui reprend du service pour traquer un groupe de réplicants, robots créés à l'image de l'Homme, menés par l'énigmatique Roy Batty (Rutger Hauer). Dans sa quête, il sera notamment aidé par Rachel, incarnée par la ténébreuse Sean, qui marquera à tout jamais les cinéphiles à travers ce rôle, dont son image en train de fumer reste éternelle.
Même s'il n'a pas été un succès immédiat, plus de trente ans après la sortie du long métrage, Blade Runner est devenu culte, une référence absolue, et fait partie de ces films dont les thématiques et l'esthétique ont révolutionné la façon de faire des films. A 23 ans, Sean se retrouve alors au sommet et tous les projets les plus alléchants des années 80 vont lui être proposés.
Ainsi, après Blade Runner, l'actrice se laisse enrôler dans un autre projet pharaonique, également adapté d'une oeuvre culte de la littérature SF : Dune.
Pour adapter le pavé de Frank Herbert qui se déroule en 10 191 et qui dépeint la lutte sans fin des Atréides contre les Harkonnens pour s'emparer de la fameuse Épice, le producteur Dino de Laurentiis embauche le maître du bizarre David Lynch (qui sort du succès de Elephant Man).
Malgré un budget de 45 millions de dollars (énorme pour l'époque), un casting de stars et un matériau culte, le Dune de Lynch est un four monumental au box-office - incompréhensible pour bon nombre de spectateurs et raillé par les fans de Frank Herbert -, mais n'empêche pas Sean Young de briller dans le rôle de l'impératrice Chani, aux côtés de stars comme Kyle MacLachlan, Brad Dourif, Linda Hunt, Freddie Jones, Virginia Madsen, Silvana Mangano, Jurgen Prochnow, Sting, ou Max Von Sydow.
Après les tournages de ces deux films de SF qui deviendront légendaires, Sean souhaite se tourner vers des films plus ancrés dans le présent et la réalité et, après deux années à trouver le bon projet, elle se voit proposer le rôle de Kate Gekko, la femme du cultissime Gordon Gekko, dans le Wall Street de Oliver Stone.
Ce qui aurait dû être alors le rôle de la consécration et lui valoir une nomination à un Oscar programmé (Michael Douglas fut de son côté couronné) gardera comme un goût d'inachevé. En cause ? Une relation catastrophique et conflictuelle avec Oliver Stone qui coupera 80% des scènes de l'actrice lors du montage final, réduisant le rôle de Sean à de la figuration alors que plusieurs scènes-clés tournaient autour de sa relation avec Gordon.
Toujours est-il que malgré cette "revanche" stonienne, on ne peut penser à Wall Street sans avoir en mémoire la belle Kate Gekko, figure emblématique des années 80, de son capitalisme et de ses excès.
La même année, Sean Young est enrôlée par Roger Donaldson pour incarner la maîtresse du Ministre de la Défense (Gene Hackman) mais aussi d'un commandant de l'US Navy (Kevin Costner) dans le thriller Sens Unique. En femme fatale incandescente à qui rien ne peut résister, la magnifique brune impose sa grâce et sa beauté venimeuse comme jamais auparavant.
Alors sur la A-List des actrices les plus demandées d'Hollywood, la carrière de Sean semble être sur les bons rails et partie pour durer. L'avenir en décidera autrement.
Deux ans après les succès de Wall Street et Sens Unique, Sean Young est choisie par Tim Burton pour incarner Vicky Vale aux côtés de Michael Keaton et Jack Nicholson dans l'adaptation de Batman que le réalisateur américain prépare pour la Warner.
A quelques semaines du tournage, lors d'un week-end à la campagne, Sean fait une mauvaise chute de cheval et se casse le bras (double-fracture radius-cubitus). La Warner ne pouvant décaler le tournage de plusieurs mois (durée de la convalescence de l'actrice), le studio incite Burton à choisir une autre comédienne pour camper la photo-reporter du quotidien de Gotham City. Ce sera Kim Basinger.
On connaît la suite, Batman devient l'un des plus gros succès de l'histoire du cinéma et Sean Young se retrouve sur le bord de la route.
Après s'être remise de sa blessure, Sean se retrouve en short-list pour incarner Tess Trueheart dans Dick Tracy, l'adaptation de la célèbre BD que s'apprête à mettre en scène Warren Beatty. Alors que le rôle lui est promis, deux versions s'opposent alors quant à sa non participation finale. La première, officielle, émanant de Warren Beatty, affirme que lors des derniers essais, il se serait rendu compte que Sean ne dégageait pas cet instinct maternel indispensable au rôle (son personnage recueille un orphelin, le Kid). La seconde, officieuse, est rendue publique par Sean Young, folle de rage d'avoir vu le rôle lui passer sous le nez, et qui confie qu'elle a été refoulée parce qu'elle a refusé les avances de Warren Beatty.
Quelque soit la réalité de son éviction, là encore, on connaît la suite, le film avec Warren Beatty, Al Pacino, Dustin Hoffman, Madonna, James Caan, Paul Sorvino et Glenne Headly (qui décrochera finalement le rôle au nez et à la barbe de Sean) est un carton et se trouve couronné par trois Oscars.
Encore un ratage pour Sean. Le ratage de trop.
Par la suite, Sean Young se marie avec Robert Lujan, en 1990. Une union qui durera douze ans et qui donnera naissance à deux fils, Rio Kelly et Quinn Lee, avant que le couple divorce en 2012. Depuis 2008, Sean est tombée dans l'alcoolisme et des tensions sont nées au sein de son couple. Elle enchaîne alors les passages en rehab pour soigner son mal mais replonge régulièrement.
Depuis deux décennies, la belle brune des années 80 n'a plus jamais eu l'occasion de briller. On a pu la voir dans des films indignes de son talent comme Ace Ventura Détective Chiens & Chats ou Fatal Instinct (pour ne citer que les plus célèbres), des téléfilms ou des direct-to-video, et quelques apparitions dans des séries comme Les Experts ou Urgences.
En 2010, elle est même apparue dans Skating with the Stars (équivalent sur glace de Dancing with the Stars), émission durant laquelle elle a été la première éliminée, avant de tomber encore plus bas et de s'afficher dans le show de téléréalité Celebrity Rehab en 2011 pour soigner son problème d'alcoolisme et en parler devant des millions de téléspectateurs.
Dis, Quentin, tu n'aurais pas besoin d'une charmante comédienne culte de 56 ans dans ton prochain western ?
Please ?
Commentaires