Rabbi Jacob Première Classics
Première Classics/Impéria Films

Rabbi Jacob revient dimanche soir sur France 2.

Première collaboration avec Oury, Rabbi Jacob a fait monter le légendaire musicien Vladimir Cosma en gamme. Il nous en parlait justement au coeur du Première Classics n°6 (janvier-mars 2019), avec Louis de Funès en couverture. Nous republions cet entretien pour patienter jusqu'à la rediffusion du film culte, ce dimanche sur France 2.

Dans quelle circonstance Gérard Oury fait-il appel à vous et à quel stade de la production du film ?

Cela se passe via notre ami commun, François Reichenbach. C’est lui qui, un jour, est venu me dire : ‘Gérard Oury est en train de tourner un film, avec de Funès. La musique y est très importante et il n’y en a qu’un qui puisse la faire : toi ! Je l’ai prévenu et il va t’appeler.’ Mais Oury ne m’appelle pas. Jusqu’au jour où j’apprends que Gérard assiste à la première du Grand blond avec une chaussure noire, dont j’ai écrit la musique. Deux-trois jours passent, avant que la société de production du film ne me contacte : ‘Gérard Oury souhaiterait vous rencontrer sur son tournage, à Orly’ Je m’y rends et Gérard, lors de notre premier échange, me dit : ‘Il va y avoir un moment important : la danse de de Funès. Il faudrait que la musique soit enregistrée lors du tournage de la scène.’ Puis, il ajoute : ‘Je suis venu à la projection du Grand blond écouter la musique que vous avez écrite et ce n’est pas du tout ce que je recherche pour mon film. Vous avez fait une musique à effets. Je veux une musique qui vient du cœur. Il y a New York, une rencontre entre les religions. Il faut une musique de fraternité qui réunit. Pas une musique à gimmicks.’ Je le rassure en lui disant que ce n’est pas parce que j’ai mis de la flûte de pan dans le film d’Yves Robert que ne sais pas faire autre chose. 

Saviez-vous que d’autres compositeurs, prestigieux, avaient été sollicités avant vous ?

Je l’ai su quand je suis allé enregistrer au studio Davout. L’ingénieur du son m’a dit : ‘Mon pauvre ami, on a fait cela toute la semaine. Georges Delerue, Michel Polnareff, Norbert Glanzberg sont déjà passés.’ La bataille était rude. D’autant que je n’étais pas aussi connu qu’eux.

La musique de la danse s’appuyait sur un motif de base que vous a fourni le groupe Kol Aviv…

… Et que m’a apporté Philippe Gumplowicz, qui en faisait partie. J’ai rencontré, tout de suite, le groupe et son chorégraphe Ilan Zaoui. La scène de la danse devait être plus longue, avec une partie musicale, initiale, plus lente. Et ça a été raccourci pour le film. Les répétitions que j’ai faites, avec de Funès, suivaient les instructions d’Oury qui souhaitait que ce soit plus immédiatement nerveux. L’idée, quoi qu’il en soit, était d’avoir une musique dite ‘juive’. A mon sens, il n’y a pas de ‘musique juive’. C’est une question d’orchestration et de musiciens klezmer qui confèrent un caractère juif par leur interprétation, avec les glissandos, les vibratos.

C’est ce passage musical qui vous a valu d’être embauché ?

Cela s’est fait en deux temps. La maquette de la danse a plu à Oury qui m’a engagé pour écrire le reste de la partition. A commencer par le thème principal, qui est celui du générique. Cette fameuse ‘musique de fraternité’, très New York, pop, moderne. Il y a même un solo de guitare distortionné, une rythmique pour guitare avec pédale wah wah. Il y a aussi un mélange de voix et de cuivre pouvant rappeler l’orchestre de Ray Conniff. J’ai composé ce thème, puis je l’ai joué chez moi, à Garches, devant Gérard qui l’a aimé. Mais il devait plaire aussi à de Funès. Je l’ai donc réinterprété pour Louis aux studios de Billancourt, où il tournait. De Funès m’a écouté au piano et, ravi, m’a donné sa bénédiction. J’étais très ému ; c’était un musicien, un ancien pianiste de jazz.

Vous dites que chaque acteur a une couleur musicale. Quelle était celle de de Funès ?

Pour moi, de Funès c’est une couleur rythmique binaire. Alors que le ternaire permet des musiques jazzy et swing à trois temps, à la Gene Kelly, la musique binaire, très pop ou rock, offre une rythmique plus musclée. Pour Pierre Richard, personnage lunaire de comédie musicale, j’ai plutôt écrit des musiques ternaires. Pour Louis de Funès, et même s’il peut y avoir de l’émotion dessus, l’énergie du personnage m’a inspiré des musiques essentiellement binaires.

Louis de Funès vous a-t-il surpris entre les répétitions et le tournage, où vous l’avez vu danser face aux caméras d’Oury ?

Oui, à tout point de vue ! J’ai répété avec lui plusieurs semaines, chez moi, au piano. Je voyais un monsieur très sérieux, refaisant les pas de danse avec application, sans fantaisie. Je me demandais comment il pourrait faire rire. Le jour où je l’ai vu tourner la scène, je n’en revenais pas. Techniquement maître de ses pas, il se déchainait et apportait, à chaque prise, de nouveaux gags avec une incroyable spontanéité et fluidité. Il m’a bluffé !
Propos recueillis par Olivier Rajchman.

Bande-annonce des Aventures de Rabbi Jacob, diffusé dimanche à 21h sur France 2 :


Vladimir Cosma raconte cinquante ans de carrière