Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
LES BONNES ETOILES ★★★★☆
De Hirokazu Kore-Eda
L’essentiel
Kore-Eda scrute de nouveau la question des liens familiaux dans un film tour à tour drôle, mélancolique et déchirant qui a valu à Song Kang- Ho un prix d’interprétation mérité lors du dernier festival de Cannes
Un soir d’été, une jeune femme abandonne son bébé sur le trottoir d’une église. Deux trafiquants le récupèrent et décident de le vendre. Ils ne savent pas qu’ils sont observés par deux femmes flics et sur leur chemin vont récupérer la mère prise de remords… Enfermé dans le van avec les « voleurs », commence alors un voyage à travers le pays pour essayer de refourguer le nouveau-né… Si l’aspect socio est au fond très rapidement évacué, si le vernis polar se craquèle rapidement il est bien question de parentalité, de la famille dont on hérite et de celle qu’on choisit (ou qu’on refuse). Pourtant Les Bonnes étoiles est d’abord un pur film de personnages, qui avance entre non-dits et silences, confessions chuchotées et déni. La mise en scène de Kore-eda, maître du cinéma miniature, fait éclore la vérité de ses héros dans des séquences tour à tour nocturnes ou lumineuses, drôles ou déchirantes jusqu’à une demi-heure finale irrésistible, submergée par une vague d’émotions qui éclabousse l’écran. Film après film, Kore- eda propose aussi un regard de plus en plus acéré, amer et puissant sur nos sociétés et la manière dont elles divaguent.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
LE CHAT POTTE 2 : LA DERNIERE QUÊTE ★★★★☆
De Joel Crawford et Januel Mercado
La franchise Shrek n’est pas morte, elle était simplement endormie. Et c’est donc le Chat Potté, dont la dernière apparition sur grand écran remonte à onze ans, qui est chargé de la réveiller. Cette suite inattendue, met le héros à coussinets face à sa propre mortalité : il a épuisé huit de ses neuf vies et est poursuivi par un loup sanguinaire bien décidé à lui faire la peau. Le temps est venu pour le Chat Potté de raccrocher la cape et l’épée et de végéter chez une vielle dame qui héberge déjà un nombre incalculable de chat errants. Mais la redoutable Boucles D’Or et son gang des Trois Ours débarquent soudainement, le forçant à délaisser sa litière pour se mettre sur la piste d’une mythique étoile … Visuellement ébouriffant et à rebours du photo- réalisme de Shrek, Le Chat Potté : La Dernière Quête est un film d’action/aventure à hauteur d’homme - enfin, de chat - mené tambour battant, qui épouse les clichés du conte de fées pour mieux les transfigurer. Un shoot de cinéma surexcitant, et le grand divertissement d’animation dont on n’osait plus rêver.
François Léger
Lire la critique en intégralitéLES PIRES ★★★★☆
De Lise Akoka et Romane Gueret
Lise Akoka et Romane Guéret - qui furent directrices de casting enfants - mettent en scène dans leur premier long le casting, la préparation et le tournage d’un film au cœur d’une cité de Boulogne- sur- Mer par le prisme de quatre ados aux caractères bien trempés repérés sur place, choisis pour en être les héros. Nulle trace ici de stigmatisation des quartiers populaires ou à l’inverse de glamourisation de la misère sociale. Maîtrisant leur sujet sur le bout des doigts, les deux réalisatrices questionnent la responsabilité du cinéma quand il déboule dans des lieux en souffrance avant d’en repartir comme ils sont arrivés. Les deux réalisatrices embrassent la complexité de ces questionnements dans une écriture toute en nuances des situations comme de leurs personnages, incarnés par des néo- comédiens qui crèvent l’écran. Parmi eux, une pure pépite : Mallory Wanecque. Une présence démente, une justesse insensée et une puissance de jeu inouïe. Cette première expérience ne restera pas, pour elle, sans lendemain.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéFALCON LAKE ★★★★☆
De Charlotte Le Bon
C’est bientôt la fin de l’enfance. Falcon Lake, premier long-métrage de Charlotte Le Bon, veut saisir ce moment où un presque ado brise sa chrysalide. Bastien, un Français de 13 ans, vient passer les grandes vacances au bord d’un lac canadien avec ses parents et son petit frère, dans le chalet d’amis de la famille. Là, il retrouve Chloé, 16 ans, une beauté qui lui coupe le souffle. Ils ont trois ans d’écart ; à cet âge-là, c’est comme si elle habitait sur une autre planète. Adapté d’une BD de Bastien Vivès (Une sœur), Falcon Lake donne une fébrilité nouvelle au genre très rebattu du coming-of-age movie, en en soulignant la dimension mortifère, en l’envisageant comme un conte néo-gothique, spectral, fantomatique. Depuis les bords d’un lac de la région des Laurentides, au nord-ouest de Montréal, elle jette un pont vers les rives du mouvement Southern Gothic, illustré ces dix dernières années aux Etats-Unis par des cinéastes comme Jeff Nichols ou David Lowery.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
NOS FRANGINS ★★★☆☆
De Rachid Bouchareb
« Et puis ces déchirures à jamais dans ta peau. Comme autant de blessures et de coups de couteau. Cicatrices profondes pour Malik et Abdel. Pour nos frangins qui tombent... », chantait Renaud en 1988. Rachid Bouchareb a judicieusement placé cette chanson dans le générique de fin de ce nouveau film sur des images d’une jeunesse française dans la rue et révoltée. Malik Oussekine et Abdel Benyahia donc. Si le premier, tabassé à mort par des voltigeurs en marge des manifestations contre le projet de loi Devaquet en décembre 86, est devenu tout à la fois le symbole et le martyr d’un Etat français raciste et meurtrier, le second assassiné le même jour, a été oublié par l’Histoire. Abdel Benyahia, 20 ans, a été abattu par un flic en civil à la sortie d’un bar pour s’être interposé au milieu d’une bagarre. Le récit ambitieux de Bouchareb est de raconter en parallèle, cette double tragédie et d’en révéler à la fois leurs liens directs et leur singularité à travers le récit de l’intimité blessée de deux familles meurtries. C’est là où le film tire sa force et sort du cadre du film historique où les images d’archive apparaissent bien impuissantes face à la force de la narration cinématographique.
Thomas Baurez
LA (TRES) GRANDE EVASION ★★★☆☆
De Yannick Kergoat
C’est un sujet central dans nos sociétés. L’évasion fiscale et la lutte que les Etats assurent mener - mais d’une efficacité proche du néant - pour réduire ces dommages collatéraux d’un capitalisme tout puissant, où la liberté absolue des ultra- riches rogne sur l’idée de partage des ressources pour un mieux vivre (ou survivre) commun. Et avec Denis Robert, Yannick Kergoat réussit le même tour de force qu’avec Les Nouveaux chiens de garde, son docu sur les liaisons dangereuses entre classes médiatiques et politiques. Une pédagogie jamais professorale, un sens aigu de l’ironie, une capacité à prendre du recul tout en rentrant dans les détails. Le genre de film devant lequel on rit fort pour ne pas pleurer devant tant d’injustice souvent encouragée par les Etats, au nom de la fameuse et fumeuse théorie du ruissellement. Une œuvre d’intérêt public.
Thierry Cheze
SOUS LES FIGUES ★★★☆☆
De Erige Sehiri
Au commencement, il y a un jardin, serait-ce celui d’Eden, dans le nord-ouest de la Tunisie, ou plus précisément un verger. De longues feuilles vertes à la cambrure de trèfle et de fiers troncs abritent des figues. C’est l’été. Des jeunes, des aïeux, des femmes en foulard et des hommes (que des comédiens non professionnels) cueillent les figues. Et discutent de choses et d’autres. De leurs sentiments surtout. Plus loin, un jeune couple se courtise, puis s’aime en cachette, religion oblige. Mais le huis-clos se resserre vite. Le chef rode dans le verger comme un loup devant un troupeau. Sous les figues dessine ici les rapports de genre et de classe asymétriques dans la Tunisie d’aujourd’hui. Tout un vaste système de domination, patriarcal et capitaliste qu’il faut fuir, avant que les feuilles ne finissent par se refermer sur les protagonistes.
Estelle Aubin
MOURIR A IBIZA (UN FILM EN TROIS ETES) ★★★☆☆
De Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon
Quatre personnages – une fille et trois garçons – filmés par trois réalisateurs différents au fil de leurs aventures communes étalées sur trois étés, à Arles, Etretat et Ibiza. Ce projet atypique assume pleinement son statut d’héritier de Rozier, du Téchiné des Roseaux sauvages et du Rohmer de Conte d’été en proposant un marivaudage amoureux, traversé ici et là de séquences chantées, dans un geste tout à la fois extrêmement maîtrisé et infiniment libre. Une oasis de légèreté.
Thierry Cheze
SAMHAIN ★★★☆☆
De Kate Dolan
C'est fou comme un titre peut vous induire en erreur. En VO, le film s'intitule You Are Not My Mother -un titre qui apparaît en lettres enflammées au bout de sa glaçante séquence d'ouverture. Et qui est beaucoup plus adapté au film, qui interroge plutôt la relation entre une ado brutalisée (Hazel Doupe, excellente) et sa mère à la folie borderline. Oh, rassurez-vous, c'est aussi un film fantastique un peu horrifique, mais si vous vous attendiez à du gore putassier sur fond de citrouilles, de folk horror et de « véritable histoire d'Halloween », vous risquez un peu de vous ennuyer. Par contre, si vous voulez voir un drame psychologique étouffant plutôt bien mis en scène par une réalisatrice dont on ferait bien de retenir le nom (Kate Dolan), vous êtes dans la bonne salle et vous ne vous êtes pas trompés de titre.
Sylvestre Picard
IL NOUS RESTE LA COLERE ★★★☆☆
De Jamila Jendari et Nicolas Beimaert
Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert ont suivi pendant 4 ans le long combat des ouvriers de Ford à Blanquefort, emmenés par Philippe Poutou, contre la fermeture de leur usine. Les voix des syndicalistes s’y révèlent plus douces et interrogatives qu'imaginées alors que les hommes de la direction de Ford, presque invisibles, deviennent de lointaines voix robotiques, échappées du bout du fil. Un documentaire aussi sensible que passionnant.
Estelle Aubin
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
MAESTRO (S) ★★☆☆☆
De Bruno Chiche
Arrivé au terme de sa carrière, un chef d’orchestre touche au Graal en étant choisi pour diriger la Scala de Milan… sans se douter qu’il y a eu une erreur de prénom et que c’est son fils, lui aussi chef d’orchestre prestigieux, qui a été retenu. Ce remake de Footnote de Joseph Cedar souffre du même défaut que l’original : un scénario trop programmatique autour d’une rivalité père- fils en mode choc des générations mais le duo Pierre Arditi- Yvan Attal y apporte du souffle et de la puissance.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
KANUN, LA LOI DU SANG ★☆☆☆☆
De Jérémie Guez
Lorik, un gangster albanais de Bruxelles, tombe raide dingue d'une serveuse-étudiante en arts plastiques lors d'un raid dans un bar. Ils sont jeunes, très beaux (mention spéciale à Waël Sersoub, sorte de sosie de Pablo Schreiber de la saison 2 de Sur écoute) et Jérémie Guez (Bluebird, Sons of Philadelphia) ne fait pas grand-chose de ce sujet vu, revu et sur-revu. On sent que l'objectif est de faire une grande tragédie dans un micro-décor (l'underworld de Bruxelles, qui se résume à un bar obscur, une camionnette à friture et une galerie d'art cliché), mais il n'y a même pas assez de nerf pour satisfaire les accros du thriller post-Nicolas Winding Refn -clairement, Pusher est le modèle inaccessible de ce Kanun malheureusement pas très « gang », comme disent les jeunes.
Sylvestre Picard
PREMIÈRE N’A PAS DU TOUT AIME
LE TEMPS DES OVNIS ☆☆☆☆☆
De Georges Combe
Pourquoi perdre son temps devant ce documentaire qui égrène les clichés les plus éventés du complotisme ufologique ? Peut-être parce qu’il représente au moins un aspect intéressant : celui d’associer la quête des soucoupes volantes à celle d’une recherche esthétique, son réalisateur annonçant en voix off sa volonté de se mettre au niveau de Spielberg ou Kubrick, en recréant en images numériques les événements importants de son « histoire secrète », comme s’il s’agissait d’une énorme avancée technologique, d’une nouvelle manière de voir. Une ambition pompeuse à la hauteur du point de vue du film, illustré par une galerie d’intervenants soi-disant experts mais très souvent bidon. Soit parce qu’ils parlent en-dehors de leur domaine de compétence, soit parce qu’ils ne sont que d’obscurs auto-entrepreneurs vendeurs de trucs bidon. Un exemple ? Ludovic Chapier, présenté comme « économiste et chercheur indépendant », très disert sur la mystique OVNI, est en réalité l’auteur de Faire fortune en vendant des livres en ligne !, sous-titré « quelques trucs pour générer du cash à partir d'une boutique virtuelle en prenant un minimum de risques ». Rien à voir avec la quête d’une quelconque vérité, donc, mais plutôt à celle de continuer à prendre le public pour des gogos.
Sylvestre Picard
Et aussi
Archipel, de Félix Dufour- Laperrière
Commune, commune, de Dorine Brun et Sarah Jaquet
Naai Sekar returns, de Suraj
Le Royaume des étoiles, de Ali Samadi Ahadi
Soutien de famille, de Maxime Berthou et Mark Pozlep
Les reprises
Cluny Brown, de Ernst Lubitsch
Lost Highway, de David Lynch
La Poupée, de Wojciech J. Has
Pourquoi pas !, de Coline Serreau
La Souris du Père Noël, de Vincent Monluc
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