Ce nouveau chapitre de la saga arthurienne voit Alexandre Astier se confronter pour de bon à ses envies de comédie d’aventures grand format, mi-Gérard Oury, mi-Peter Jackson.
Le premier film Kaamelott, sorti à l’été 2021 dans le chaos covidé des salles de cinéma soumises au pass sanitaire, avait laissé aux fidèles de la saga un goût d’inachevé. L’attente avait été longue (12 ans !) depuis la fin de la série télé, mais le film paraissait néanmoins "rushé", inabouti, comme sorti trop vite de la salle de montage. Quatre ans plus tard, on y repense comme à un apéritif, une mise en bouche, un petit échauffement avant que les choses sérieuses ne commencent vraiment. Et les choses sérieuses, c’est là, maintenant, avec ce Kaamelott – deuxième volet (partie 1), début du volet central de la trilogie ciné Kaamelott, avant une partie 2 qui sortira en novembre 2026.
Si vous êtes fan, vous savez très bien où on en est. Sinon, personne ne vous en voudra d’être un peu paumé… Pour résumer, disons que c’est le moment où, selon les tables de loi des trilogies ciné édictées par George Lucas, le ton se fait plus sombre, et les héros s’éparpillent aux quatre coins de l’univers pour vivre des aventures parallèles. Ici, en l’occurrence, il s’agit pour les chevaliers de la Table Ronde de partir accomplir une quête, afin de prouver leur bravoure.
Mais avant qu’Alexandre Astier (scénariste, réalisateur, tête d’affiche, producteur, monteur, compositeur et homme-orchestre absolu de tout ce barnum) ne montre réellement de quel bois il se chauffe, il s’agit, comme souvent dans Kaamelott, de tourner un peu autour du pot. La Table Ronde est en train d’être reconstituée, tout le monde est chaud pour partir chercher le Graal, mais le Roi renâcle. Arthur est déprimé et, les rares fois où il quitte son lit, c’est pour traîner en pyjama en maugréant. On se croirait revenu au temps du Livre V, en 2007, quand le thème de la dépression s’invitait dans Kaamelott, et démontrait au passage que l’auteur Astier n’avait peur de rien.
La différence, c’est que du temps a passé, que les cheveux des comédiens (et d’une partie des spectateurs) ont blanchi, et qu’on redoute logiquement l’effet de redite, de ressassement. Pourtant, très vite, comme toujours dans Kaamelott, les comédiens vont balayer les réticences dans un élan de plaisir contagieux. Ils sont heureux, ça se voit, ça s’entend. Christian Clavier a une scène face à Arthur où éclate toute sa verve flagorneuse et "de-funésienne", rappelant quel géant comique il peut être quand un auteur attentionné lui a confectionné un texte aux petits oignons. Idem pour les nouveaux venus Haroun, Redouane Bougheraba ou le grand Daniel Mesguich, qui joue avec une gourmandise évidente un mage énigmatique, donnant la tonalité résolument magique de cet épisode.
Puis, une fois Arthur enfin remotivé, et passé une formidable séquence de prise de bec autour de la Table Ronde, il est temps de partir à l’aventure. Le film prend alors la forme d’une épopée chorale, soumise aux lois du montage parallèle. L’envie de confronter enfin Kaamelott à son ADN "épique" (généralement laissé hors-champ dans la série) est louable, mais ne convainc qu’à moitié. On ne ressent jamais totalement le frisson de danger, de péril, de suspense, que le film voudrait nous communiquer. L’aventure reste une idée, plus théorique que vraiment incarnée, malgré le fait qu’on voit les persos se balader dans des contrées franchement hostiles.
Les passages d’une séquence à l’autre sont parfois laborieux, créant un faux rythme qui donne à la deuxième moitié du film un aspect un peu boiteux. C’est le paradoxe Kaamelott : on aime quand la saga grandit et s’invente de nouveaux horizons, tout en se disant qu’Astier n’est jamais aussi bon que quand il filme des chevaliers empêtrés dans des problèmes prosaïques, au ras des pâquerettes. Par exemple, quand, face à un embranchement, ceux-ci dissertent sans fin pour savoir s’il vaut mieux prendre à droite ou à gauche. Il y a de belles idées visuelles néanmoins, une imagerie parfois frappante quand elle plonge véritablement dans la noirceur et le fantastique – voir toutes les séquences impliquant Lancelot aux prises avec le spectre de son père et ses idées noires.
Au fond, les qualités et les défauts de KV2 – partie 1 pourraient être résumées à la façon dont est traité le personnage de Perceval – ou plutôt son absence. Le départ de l’acteur Franck Pitiot de la saga a été abondamment commenté, vécu par les fans comme un crève-cœur. Kaamelott 2 sans Perceval, c’est un peu comme si R2-D2 avait refusé de rempiler pour L’Empire contre-attaque. Comment faire sans l’un des personnages phares de la série, son plus attachant comic relief ? L’option choisie – faire intervenir Perceval par des lettres que lisent d’autres personnages – résume les sentiments ambivalents qu’on peut avoir devant ce Kaamelott qui expérimente, casse les codes et refuse de regarder en arrière. Dans les lettres de Perceval, on entend le talent de dialoguiste intact d’Alexandre Astier. Mais la "musique" du personnage, hilarante et si familière, nous fait aussi mesurer à quel point son interprète nous manque. Il faut se faire une raison : la raison d’être de Kaamelott, c’est de brûler les vaisseaux, d’aller de l’avant, sans jamais se retourner. Et de toujours renvoyer nos jugements définitifs au prochain épisode, à la prochaine métamorphose de la saga. On ne pourra raisonnablement juger ce film que quand on aura vu la deuxième moitié du puzzle. Un an et un mois d’attente, c’est long. Mais on sera là.
De Alexandre Astier. Avec Alexandre Astier, Anne Girouard, Jean-Christophe Hembert… Durée : 2h36. En salles le 22 octobre 2025







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