Alpha de Julia Ducournau
Diaphana

Après Titane, Ducournau revient avec un body horror sur une maladie qui transforme les corps en marbre. Evitant les pièges du cinéma à message, elle offre une descente onirique dans la douleur des traumas.

Julia Ducournau abandonne la provocation frontale de ses précédents films pour explorer des territoires plus profonds. Au milieu des années 80, dans une ville de province, une mystérieuse maladie transforme progressivement les corps en statues de marbre. L'adolescente Alpha (Mélissa Boros, regard de feu) voit débarquer dans sa vie son oncle toxicomane Amin (Tahar Rahim, magistral), tandis que sa mère médecin (Golshifteh Farahani) tente de sauver les malades face à l'indifférence générale…

De ces prémisses cronenbergiennes, la cinéaste tire son film vers une émotion inattendue. Les corps marbrés deviennent des statues vivantes, filmées avec une délicatesse et même une tendresse inouïes. Une scène montre Amin, peau craquelée, tandis qu'Alpha trace des constellations entre ses taches sanguines. "C'est plus joli comme ça". Tout est là, résumant le geste de Ducournau qui transfigure l'horreur en beauté. Mais la cinéaste évite les pièges du cinéma à message, offrant plutôt une descente onirique dans la douleur des traumas. Pour preuve, cette virée nocturne hallucinée entre l'oncle et la nièce, baignée de lumière bleue électrique qui structure le dernier acte du film.

Plus qu'un film concept, Alpha est d'abord une histoire d'amour, multiple. Celui d'une sœur pour son frère junkie, celui d'une ado pour cet oncle qu'elle découvre, ou celui plus furtif d'un prof pour son amant statufié. Mais c'est aussi une histoire de fantômes - ceux qui nous empoisonnent ou nous font grandir, ceux qu'on tait et qui réapparaissent. Film sur la peur de perdre ceux qu'on aime, sur les corps qui nous trahissent, sur les traumas qu'on transmet, Alpha résonne fort.

De Julia Ducournau Avec Mélissa Boros, Tahar Rahim, Golshifteh Farahani... Durée 2h08. Sortie le 20 août 2025