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Réactualisation du samedi 6 septembre à 19h58 : A Pigeon Sat on a Branch Reflecting on Existence de Roy Andersson a remporté le Lion d'Or du 71ème festival de Venise succédant ainsi à Sacro GRA couronné l'année dernière. 

Roy Andersson est-il un cinéaste qui tourne des pubs pour financer ses films ou un publicitaire qui fait des films pour échapper à sa routine mercenaire ? En tout cas, depuis son premier long-métrage A swedish love story (1970, inédit en France) il n’en a tourné que quatre autres, les trois derniers au rythme tranquille d’un film tous les 7 ans. Celui-ci est le troisième volet d’une trilogie commencée avec Chansons du deuxième étage (2000) qui lui a permis de mettre au point un cinéma indéniablement original caractérisé par une narration fragmentée, un humour froid, une inspiration surréaliste, et surtout un style visuel obéissant à des règles strictes et invariables  : tournage en studio, caméra fixe, plans séquences, composition asymétrique mettant en valeur les perspectives, photo à la profondeur de champ infinie (tout est net jusqu’à l’arrière-plan), couleurs désaturées avec une dominante de beige.

Le résultat est si singulier qu’il faut un temps d’adaptation au spectateur vierge, mais  Un pigeon… est probablement son film le plus accessible. Il commence par une série de 3 courts sketches sur le thème de la mort, dont le dernier, situé dans le restaurant d’un paquebot où un passager vient de mourir subitement, est franchement comique. Au fil des sketches, une sorte de fil rouge se dégage à la suite de deux personnages récurrents, un duo de tristes VRP spécialisés dans les farces et attrapes. Derrière l’humour poker face, ils finissent par révéler des bribes d’humanité à l’occasion de disputes qui ressemblent à celle d’un vieux couple, mais ils sont aussi touchants lorsqu’ils se confient mutuellement leurs angoisses métaphysiques.

A défaut de continuité narrative, le film trouve une sorte de rythme dans les ruptures de ton et les changements de décors et parfois d’époque, comme dans cet épisode surréaliste qui débute dans un bistro contemporain lorsque surgit le roi Charles XII partant en guerre avec son armée. L’ensemble relève du collage, et il faut reconnaître à Andersson un talent véritablement poétique pour trouver de l’harmonie dans la monotonie, des variations dans la répétition, et des résonances dans les leitmotiv. 

Gérard Delorme