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Ancien détenu et écrivain, Abdel Hafed Benotman tient son premier rôle à l’écran dans Diamant noir. Il est malheureusement mort avant la sortie du film. Portrait.

Dans le très beau premier film d’Arthur Harari, portrait tendu et bouleversant d’un jeune homme décidé à se venger de sa famille de diamantaires anversois, Abdel Hafed Benotman incarne, pour ses grands débuts au cinéma, Rachid, le vieux chef d’un gang de cambrioleurs (auquel appartient le héros), à la fois implacable et philosophe. Son magnétisme et sa présence sont évidents : c’est un acteur né. Ou plutôt c’était. Il est mort le 20 février 2015, à 54 ans, et ne pourra donc profiter de la belle lumière que Diamant noir met sur lui.

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Ennemi public

Pour les amateurs de polars et de destins bigger than life, Abdel Hafed Benotman n’est cependant pas tout à fait un inconnu. Braqueur multirécidiviste, incarcéré une première fois en 1979 puis une seconde en 1990 (il passera en tout dix-sept ans derrière les barreaux), il aura cherché toute sa vie à obtenir la nationalité française, étant né et ayant vécu à Paris la plupart du temps. Devenu sans-papiers en 1996, en raison de la loi Pasqua sur la double peine qui lui retira tout droit à demander le renouvellement de sa carte de séjour, il réussit, grâce au concours de la Ligue des Droits de l’Homme, à ne pas se faire expulser vers l’Algérie, son pays d’origine qu’il ne connaissait pas. Voilà pour la face gangsta.

Ecrivain consacré

Car Abdel Hafed Benotman était mieux qu’un voyou. C’était aussi un artiste tourmenté, qui prit des cours de théâtre en prison puis devint auteur. À son actif, des pièces de théâtre, des recueils de nouvelles, des romans pour beaucoup publiés par la mythique maison d’édition Rivages/Noir. En 1993, son premier recueil, Les Forcenés, lui attira les louanges du milieu littéraire - Jean-Hughes Oppel préfacera notamment la réédition des Forcenés en 2000. Invité régulier d’émissions et de salons littéraires, il restera jusqu’à la fin de sa vie l’objet d’attentions d’un milieu qui l’avait adopté.

Un cœur fatigué

En 1996, lors d’un de ses nombreux séjours en prison, Abdel Hafed Benotman est victime d’un premier double infarctus. L’administration pénitentiaire tarde à prendre en charge son problème qui se transformera en nécrose du cœur chronique qu’il ne pourra jamais soigner convenablement : autorisé à ne gagner sa vie que comme auteur (son activisme d’extrême gauche ne le réconcilia jamais avec l’Etat qui demeura intraitable à son égard), il ne put jamais bénéficier d’une couverture sociale digne de ce nom. Il est mort en essayant d’attraper un train.

Diamant noir est déjà dans les salles.