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Madagascar 2 revient ce soir sur C8, avec José Garcia au doublage du lion Alex.

En 2014, Première avait rencontré plusieurs doubleurs phares de chez DreamWorks (le studio fêtait alors ses 20 ans. Alain Chabat (Shrek), Eric Judor (Gang de requins) ou José Garcia (Madagascar) avaient notamment répondu à nos questions. Ce dernier était revenu sur son expérience au sein du studio, et ça tombe bien, car Madagascar 2 reviendra à 21h sur C8.


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José, avec les trois films Madagascar à ton palmarès plus La Route de l’El Dorado, est-ce que tu as l’impression de faire partie de l’écurie DreamWorks ? Je ne sais pas si je suis un DreamWorks guy, parce que si tu regardes ma filmo, tu verras que j’ai bossé autant chez Disney que chez DreamWorks. J’ai parfois l’impression d’être un mercenaire du doublage. Mais j’ai un rapport un peu particulier avec DreamWorks parce qu’il y a Alex. C’est super d’être attaché à un personnage pareil, et de s’identifier aussi à des acteurs américains…. Je suis hyper fier de travailler avec cette major, c’est très valorisant….

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Qu’est-ce qui te plaît chez eux ? Leur ambition. La qualité de leur travail. C’est délirant, et en même temps tu sens le boulot dans chaque plan… Dès La route d’El Dorado, tu voyais que DreamWorks cherchait à faire autre chose, qu’ils voulaient créer un autre genre de dessin animé. On n’avait pas l’habitude de voir des mayas à l’écran, et les héros étaient deux branques, pas les personnages de dessin animé qu’on voit partout. Ils cherchaient à mettre tous les compteurs dans le rouge. Même question doublage : regrouper Antoine (De Caunes), Victoria Abril et moi… fallait avoir des couilles quand même (rires). Ca correspond finalement bien à leur humour. Regarde Shrek, Madagascar… Le 3 surtout…

Pourquoi « le 3 surtout » ? Ce qui m’avait scié sur ce film, c’est qu’ils passent en 3D et qu’ils y vont à fond. Ils nous projettent dans un environnement qui est déjà en 3D. Monaco, c’est un rocher, c’est hyper découpé, hyper spatialisé, en surplomb. Et ils utilisent cette géographie pour faire un truc de fou. Pareil avec le passage du cirque du soleil, les trucs dans l’espace… Les animateurs se sont éclatés avec le relief et ça se sent constamment. C’est une vraie proposition de cinéma, ça pulse, ça utilise la technologie de manière canon et le délire des personnages est super. Et puis ils font ça sans jamais sacrifier les personnages.

Tu sens que c’est important pour eux ? Dans notre travail de doublage, il y a une attention au détail qui te montre bien que DreamWorks paie un soin de maniaque à la caractérisation de leurs personnages.  

Quand j’ai découvert le premier Madagascar je me souviens m’être dit que je ne t’aurais pas forcément imaginé en lion… Ca m’a toujours plu ça… Regarder l’image qu’on projette pour les directeurs de casting (et pour le public aussi j’imagine). Au début de ma carrière, j’ai joué un petit Dragon (Mushu dans Mulan). A l’époque, on me percevait comme le trublion, le petit sidekick qui fait des vannes, ce qui correspondait bien à Mushu. Et puis quand DreamWorks m’a proposé Alex, je me suis dit que pour les gens j’étais devenu plus tendre, plus gentil… plus humain aussi.

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On t’aurais appelé pour Gloria tu l’aurais mal pris, non ? Je me serais posé des questions (rires). Tu déconnes mais pour moi, c’est vraiment le reflet de ce que l’on est aux yeux du public, dans l’esprit des gens à un instant T. Et l’intérêt du doublage c’est de jouer avec ce que tu projettes et avec ce que le personnage est dans l’esprit du studio et du réalisateur…

Tu trouves toujours un espace de liberté ? Oui. Même si les contraintes sont énormes on a la possibilité de s’amuser un peu. A force, je me suis rendu compte d’une chose : le problème au fond, c’est qu’on est des latins. Les dessins animés sont fait par des Américains et calés sur la gestuelle et l’intonation d’acteurs finalement vachement moins expressifs que nous. Ils sont hyper réguliers dans leur débit. Nous, ça déborde, ça enfle, ça diminue. C’est les montagnes russes. Sur Madagascar, à part Chris Rock qui peut vite monter dans les tours, les voix sont assez plates en terme de scope… Ben Stiller par exemple a une énergie très régulière. Eddie Murphy, malgré tout ce qu’on peut penser, pareil. Même quand ils jouent l’hystérie, ils sont très relax. Nous faut que ça claque, on fait des piques…. C’est explosif. Du coup, dans le travail, on se sent parfois freiné, un peu retenu, précisément là où tu voudrais ajouter de la démesure.

Surtout que c’est une de tes trademark, le spectre de voix qui va du grave au haut perché… Ouais, ça m’amuse. C’est une question de culture. J’ai du sang méridional et ça doit jouer je suppose. Ceci dit, on a une vraie liberté chez DreamWorks. On peut apporter des trucs en argot, on peut jouer sur le ton, sur les sonorités…. En face, ce qui les intéresse, c’est que ça fasse mouche. Que ce soit débridé !

Pour avoir travaillé chez les deux studios, tu sens une différence entre Disney et DreamWorks ? Clairement. Disney, tu restes dans la fantasmagorie et à l’époque, quand j’ai bossé sur Mulan, on était encore dans la tendresse. Leur domaine, c’était le mignon, le familial tout doux. Chez DreamWorks, dès que tu poussais la porte tu étais dans le trash. D’ailleurs ça a changé la donne pour toute l’animation. Quand ils ont vu ce que Katzenberg faisait, Disney s’est rendu compte qu’il fallait que la famille se marre pour que ça marche, qu’il fallait qu’il y ait des choses un peu plus décalées, un peu plus irrévérencieuses…

Comme ? Les pingouins de Madagascar : ils se foutent des baffes, conduisent comme des dingues, sans ceinture. Parfois, quand je regarde les dessins animés DreamWorks, j’ai l’impression que les mecs se permettent des trucs que plus personne n’ose faire au ciné… Et ce côté sale gosse on le sentait dès le début. Regarde La Route de l’El Dorado, les deux héros sont chauds bouillants sur la petite inca et il y a tous les sacrifices dingos…. DreamWorks a compris le premier qu’un dessin animé hollywoodien avait trois étages, comme les fusées, : 1/ ce que les enfants comprennent et qui ne les choquent plus 2/ la deuxième lecture pour les ados avec des dialogues savoureux et 3/ la troisième lecture que les parents vont adorer.

Dit comme ça c’est un plan marketing. Pas du tout. Ils se posent juste les questions que n’importe quel scénariste de comédie se pose devant sa page blanche. A qui je parle ? Comment ? Et puis j’ai toujours aimé le fait que DreamWorks se concentre sur les kids, sur l’humain mais en transposant les émotions ou les questions existentielles sur des animaux.

Tu les a vu bosser ? Jamais ! Je sais qu’ils ont une énorme pièce où ils mettent l’intégralité de leur story board et regardent ce qui marche, ce qui marche pas… C’est un taf de malade… Nous, quand arrive notre partie, on bosse sur le film quasi-fini. Il n’y a pas la couleur, le mix n’est pas déf, mais on a une bonne idée de ce à quoi va ressembler le film.

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Concrètement c’est comment ? On attaque scène par scène, on est tout seul et on se retrouve dans une cabine face au dessin animé en noir et blanc avec des stries bizarres. C’est pas très glamour, mais ça te permet d’avancer.

T’es seul dans la cabine ? Oui, parce que si tu es a deux ou à 3 tu vas perdre du temps, tu vas être déconcentré ou déconcentrer ton partenaire et quand on double, on est dans une logique de rentabilité….

Tu as rencontré les équipes américaines ? Oui, un peu. Le mec qui m’a le plus bluffé c’est Katzenberg. C’est un fou furieux. Un dingue. C’est l’égal de Bronson ou Steve Jobs : il a une vision claire. Et de la racine jusqu’aux ongles de pieds il sait ce qu’il veut. Mais c’est un type hyper prévenant, très bienveillant et très reconnaissant. Et un vrai passionné. Il regarde tout, supervise tout et il a une vraie vision de ce qu’il veut faire. Souviens-toi, quand il est arrivé pour développer la 3D dans les dessins animés, tout le monde le prenait pour un fou. Je me rappelle encore sa tournée France où le mec vantait les mérites du relief et les gens le prenaient pour un malade, limite se foutaient de lui… Bon, le temps lui a donné raison. C’est un croisé quand il a une idée de cinéma. Et il raison. Il est entouré des meilleurs et quand il prend une direction il y va à fond.

Quitte à se planter. Avec Spirit il avait voulu revenir au dessin animé à la main et ça, ça avait été un bel échec… Oui, mais il tente. Il a peur de rien. Et puis c’était le début Spirit non ? Y avait encore un côté recherche et développement dans le studio… Aujourd’hui DreamWorks est incontournable.

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