Après une absence de vingt ans, il retrouve enfin le théâtre, où il met en scène et joue avec Elsa Zylberstein, Le temps qui passe, une pièce de Karine Silla-Perez. Un face-à-face entre un homme « spécialiste des abandons » et une femme en quête de son père.Propos recueillis par M.-C. NivièrePourquoi avoir mis tout ce temps pour revenir au théâtre ?Je me pose la question. Devant le plaisir que j’éprouve à être sur scène, je me dis que c’est du temps perdu. Mon retour est lié à ce texte qui m’en a redonné l’envie. Cela correspond aussi au désir de retrouver mes racines, mon métier d’acteur. Je veux m’occuper du Vincent comédien. Je veux retrouver des sensations, dépasser les trois minutes d’une prise, profiter de ce vaste champ que représente une heure et demi sur scène, être en liberté. J’ai besoin de cela, d’une nouvelle page et de ne plus lâcher la scène car cela fait partie de moi.Et du coup, de vous lancer dans la mise en scène.J’en ai toujours fait au cours de mes années d’école, le conservatoire de Genève, celui de Paris, l’école de Nanterre. Mon cours préféré traitait de la dramaturgie. On y arrivait avec nos convictions, nos visions, c’était formidable… Quand on travaillait des scènes, on se mettait en scène. Je peux dire que j’ai dirigé Pascal Bongard, Valeria Bruni Tedeschi, Muriel Mayette, Agnès Jaoui, tous ceux avec qui j’ai fait mes classes ! (rires)Vous connaissez bien l’auteur puisque c’est votre femme.J’ai toujours encouragé Karine dans l’écriture. Les scénarii de mon court-métrage Rien dire et de mon film Peau d’Ange sont d’elle. Elle évolue dans son écriture et vient de terminer son premier film en tant que réalisatrice, Un baiser papillon qui sortira en juin. Elle a écrit cette pièce en toute liberté. L’absent qui prend beaucoup de place est une thématique qu’elle connaît. Son père est parti quand elle avait 4 ans… C’est amusant, je me suis rendu compte que les femmes avec qui j’avais vécu ont toutes ce point commun de ne pas avoir connu leur père, ou d’avoir découvert que leur père n’était pas celui qu’elles croyaient…Par les nombreux thèmes qu’il aborde, ce texte éveille bien des choses…La problématique de cette femme et de cet homme nous parle dans l’intime. Et Le temps qui passe c’est aussi celui qui reste. Elle a peur de la mort et lui de la vie. Elle est terrifiée de ne pas être aimée et se protège par la colère… Mon personnage lui propose d’ôter la carapace qu’elle s’est forgée. Lui-même finit par déposer les armes. « Elle était désarmante… Et qu’est-ce qu’un homme quand il est désarmé ? Il ne peut plus protéger… Il ne peut plus rien proposer. » De cette absence, elle a créé sa souffrance, elle doit faire son chemin. Son père, en partant, lui a offert quelque chose. Quant à lui, c’est un handicapé de la relation intime. C’est pour cela qu’il vit avec les absents des autres.Comment avez-vous abordé la mise en scène ?Comme si l’on était dans un recoin du cerveau où l’on ne va jamais, parce que cela fait peur. Eux, ils y vont, et du coup s’ouvrent l’un à l’autre, se dévoilent, cessent de se protéger et vont jusqu’à prendre conscience de l’incroyable force du déni. Lui rêvait d’être danseur, mais ne voulait pas qu’on le regarde. Il est paralysé par le trac quand il n’est pas seul. Il a choisi de faire ce métier, spécialiste des abandons, pour comprendre ce qui lui faisait peur. « Une peur meurtrière qui assassinait tous mes rêves. » Elle est une femme qui a vécu et qui essaye de se construire. C’est une nécessité. C’est ça que je vais explorer. J’ouvre des portes, des fenêtres, j’aère. Et pour faire se répondre les dialogues ?Il faut imaginer des paliers. Ces deux personnes se rapprochent et à chaque mouvement reprennent des distances. A chaque palier, une couleur, une intention… Cela fait rire, cela émeut… Il faut donner du rythme à l’ensemble. Tout est une question de rythme. Entre eux, c’est une sorte de tango. Quand un inconnu entre dans un lieu, il fait connaissance. Le chemin pour aller vers l’autre est pavé de banalités, de mensonges, ceux que l’on se fait à soi-même… La disposition est simple, deux acteurs, deux chaises, et tout bouge tout le temps. Au Mathurins, nous sommes dans l’intimité du public, il est sur nous, au-dessus de nous, tout proche.Le choix d’Elsa Zylberstein est comme une évidence…Je la connais depuis longtemps, mais nous avons vraiment fait connaissance sur le film de Karine. Karine lui a donné à lire la pièce pendant le tournage. Elsa a eu un véritable coup de foudre. Et même si elle n’avait pas prévu d’être sur scène cette année, il n’était pas question de ne pas la jouer. Pour les répétitions, nous avons jonglé avec son emploi du temps, car elle tournait un film… Je la voyais dans le rôle, je trouvais que notre relation marchait bien. Pour illustrer l’article vous nous avez envoyé un autoportrait…J’ai demandé l’aide de ma fille. Je lui ai dit de se mettre là et de me prendre en photo. Mon premier métier était la photographie. J’expose dans le hall du théâtre une série de portraits que j’ai faits, Michel Bouquet, Gérard Depardieu, Jean Rochefort, Guillaume Gallienne… Je dévoile mon travail avant l’exposition à Moscou. Le Temps qui passe au Théâtre des Mathurins>> Réservez vos places pour le spectacle !
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