Voici l'édito du 471e numéro de Première, qui sera proposé dans les kiosques dès demain, le mercredi 4 mai.
C’est un exercice courant en politique, dans les grandes entreprises, les institutions et même au Festival de Cannes. En général, on compte les femmes pour condamner unanimement leur sous-représentation, y compris ceux qui pourraient changer les choses. Mais si l’arithmétique est favorable, on décrète immédiatement qu’« elles prennent le pouvoir ». La présence des femmes sous-tend toujours un changement du rapport de force.
Alors on peut compter les forces en présence justement, ajouter les actrices, les réalisatrices, et conclure que, diable, en effet, Cannes 2016 sera bien l’année de la meuf.
Dans la première mouture d’un de ses articles, un de nos collaborateurs se demandait si cette 69e édition ne serait pas érotique. Ailleurs, dans ce numéro, un intervieweur joue le petit garçon devant une actrice maousse. La maman ou la putain, on n’en sort pas. On pourrait ajouter le faire-valoir, l’accessoire qui ne grandit que celui qui le porte, et lister un certain nombre de cinéastes phallos qui ne font tourner que des femmes.
Quoi de neuf là-dedans ? Pourquoi cette couverture alors ? Parce qu’en réalité, il se passe peut-être quelque chose. D’abord, c’est vrai, la Sélection officielle comptabilise pas moins de quatre réalisatrices (Nicole Garcia, Maren Ade, Andrea Arnold et Jodie Foster). Ensuite et, peut-être surtout, un certain nombre de cinéastes assument une vision plus féministe de leur représentation des femmes. Nicolas Winding Refn revendique un thriller féministe (qu’on n’a pas vu) ; plus ambigu, Paul Verhoeven a le mérite de mettre mal à l’aise les femmes aussi bien que les hommes avec sa représentation du viol, mais il réussit surtout à faire d’Isabelle Huppert moins une victime qu’une guerrière, un sujet qui agit et manipule plutôt qu’un réceptacle à fantasmes cradingues.
On n’a pas vu Juste la fin du monde, de Xavier Dolan, mais jusqu’ici on n’a pas rencontré une femme qui n’aimait pas la place faite aux actrices dans son cinéma. On dit du documentaire sur le féminisme radical de Sébastien Lifshitz (Les Vies de Thérèse) présenté à la Quinzaine, qu’il fait pleurer tout le monde – des hommes qui chialent, si c’est pas une année de gonzesses ça. On pourrait ajouter d’autres choses repérées à la Semaine ou à Cannes Classics, mais on ne compte pas les points, ni les raisons d’aimer ce qui se passe. On veut juste croire qu’il se passe quelque chose.
Daniel de Almeida, directeur de la rédaction
Cet édito était mon dernier (qui a dit : « ouf ! » ?). Une femme écrira-t-elle le prochain ? Vous saurez tout en suivant la nouvelle vie des équipes de Première, que je souhaite pleine de films inspirants et d’articles inspirés.
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