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Le souci, c'est que Chéreau est un cinéaste bavard dont les dialogues sont souvent redondants avec ce que l'image, à elle seule, pourrait ou devrait exprimer. Or, c'est quand il fait profondément confiance à son pur talent de filmeur que Chéreau montre la puissance de son univers. (...) Persécution conserve l'essentiel de sa force noire grâce à ses comédiens qui se livrent tous corps et âmes à la caméra et aux tourments d'un Chéreau définitivement immense directeur d'acteurs.
Toutes les critiques de Persécution
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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La violence de cette scène inaugurale donne le ton du film de Patrice Chéreau, âpre et dénué de complaisance, en même temps qu'elle cerne le profil du personnage - témoin de la scène - dont Persécution est le portrait : un type irascible, brutal, agressif, magistralement interprété par Romain Duris. Le cinéma est affaire de regard, et celui de Patrice Chéreau est à la fois compatissant et sans concessions. Rares sont les cinéastes qui se livrent autant dans un film. Il a osé peindre à l'écran une "façon d'aimer que je connais bien, quelque chose que je déteste en moi". Inconfortable, Persécution limite les tentations de l'identification. Ce qui ne l'empêche pas de diffuser une sombre beauté.
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Persécution est une eschatologie mais sans que cette étude des fins de l'homme soit gâchée par la religiosité. (...) Persécution est le portrait d'un jeune homme, une toile de style cubiste car visible sous plusieurs angles à la fois.
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Dixième long métrage de Patrice Chéreau, Persécution est avant tout le beau rendez-vous de deux acteurs: Romain Duris et Jean-Hugues Anglade, qui fut jadis en 1983 L’homme Blessé du cinéaste. Anglade est inquiétant à souhait dans le rôle de ce persécuteur malade, délirant et obsessionnel, personnage qui évoque les fantômes de Robert Le Vigan ou de Jean Vilar, chers aux films de Marcel Carné. C’est cette histoire entre deux hommes, dont l’un aime et l’autre pas, ce voyage au bout de nos nuits que filme le mieux Patrice Chéreau, même si, en suivant parfois d’autres pistes que cette relation, il égare un peu le spectateur. Il reste que Jean-Hugues Anglade est merveilleux de trouble et de noirceur dans l’interprétation de cet homme malade d’un autre homme.
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Persécution est un film nerveux, nocturne, hivernal. Le nouveau film de patrice Chéreau se voit à la fois comme une interrogation autobiographique et une déclaration d'amour à ses acteurs, notamment à Romain Duris qui sait changer de visage et d'émotion en un quart de seconde, et qui a rarement eu l'occasion d'affronter un personnage aussi complexe et déchiré.
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(...) Chéreau flirte alors avec l'esthétique du vide et un certain ennui existentiel, Persécution ne se limite pas à une adaptation du théâtre de l'absurde sur grand écran. Le réalisateur à troqué les effusions sentimentales pour un dépit amoureux, une lassitude que traînent les personnages.
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Le long-métrage s’ouvre sur une séquence dans un métro, à heure de pointe. Une sans domicile fixe quémande quelques pièces de monnaie, dans l’indifférence générale. Indignée, elle gifle une femme et personne ne réagit là non plus. Daniel, le personnage incarné par Romain Duris, présent dans la rame, rattrape sur le quai la personne agressée et, au lieu de la réconforter, la questionne sur les défauts de sa personnalité qui ont pu provoquer la colère de son agresseur ! Le héros fonctionne ainsi : très entier, il croit aux vertus de l’honnêteté et se permet de refaire le portrait de tout le monde, avec une acidité parfois effrayante. Toute vérité est bonne à dire, selon Daniel. Néanmoins, l’intransigeance avec laquelle il juge autrui est valable pour lui également et le pousse régulièrement à se remettre en cause, le rendant pour le moins malheureux.
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Avec ce film, ardent et terrible, Chéreau fait tout sauter. La distance qu'il s'obstinait à maintenir - et Dieu sait que certains le lui reprochaient - entre lui et ses personnages. Leur noirceur excessive, aussi, proche, parfois, d'un nihilisme salonnard. Il y a, évidemment, dans ce film superbe - le plus beau de Chéreau -, des lueurs et des abîmes dostoïevskiens chez les personnages, qui, tous, foncent dans la nuit pour trouver une possible lumière.
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(...) Persécution doit à son intensité de ne pas toujours entrer en résonance avec un spectateur tenu à distance par la perfection de ce malheur. Même si le film laisse dans son sillage une profonde sensation de tristesse.
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On s'ennuie ferme. Les hommes chez Chéreau sont toujours pleins de tourments. Les questionnements existentiels de Daniel ne parleront pas à beaucoup. Au milieu de ces deux longues heures culminent une scène de sexe et une autre de séparation douloureuse sur un trottoir (...)
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Le plus étrange dans le cinéma de Chéreau est que sa grande perméabilité au présent prenne souvent la forme de la convoitise. Il louche du côté de ses plus jeunes voisins. Et s’il y a dix ans l’émergence de la génération Desplechin avait un peu reconfiguré son cinéma, Persécution évoque plus d’une fois le cinéma de Jacques Audiard. Outre la présence d’un Romain Duris fébrile, comme dans De battre mon cœur s’est arrêté (mais c’est dans la sauvagerie et les crocs apparents que le comédien est le meilleur), la très explicative scène de confession finale sur le désamour paternel, le personnage de Gilles Cohen et même le thème du double (dans Un prophète, le héros est pareillement hanté) sont autant de réminiscences de l’univers d’Audiard-le-Fils.
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Le réalisateur s'est inspiré de l'histoire vraie d'un jeune homme qui le harcelait pour bâtir cette intrigue diabolique, servie par d'excellents comédiens. Le film communique parfaitement le malaise qui habite ses personnages, notamment le jeune homme perpétuellement inquiet joué par Romain Duris. Ses rapports avec sa compagne débordée, qui peine à comprendre son constant besoin d'être rassuré, sont particulièrement bien montrés, tout comme les apparitions surprises d'un Jean-Hugues Anglade au meilleur de sa forme. Mais il est dommage qu'un certain maniérisme torpille une réflexion brillante sur des êtres qui aiment trop ou trop mal, faisant osciller le spectateur entre envoûtement et agacement.
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Ce cinéma psychologique inauguré dans les années 80 n'a plus que la peau sur les os ; de la persécution ne subsiste que le spectacle de corps d'acteurs pris dans les rets d'un dialogue bavard.
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Le personnage de Duris visite à plusieurs reprises, dans une maison de retraite, des petits vieux auxquels il tient compagnie. Cela donne lieu à quelques beaux plans, dans le corridor de l'hospice, sur les visages muets d'une poignée de figurants. Mais quand il faut faire des scènes, quand le récit revient à la charge, les vieux anonymes sont remplacés, dans les chambres, par des acteurs, Michel Duchaussoy et Tsilla Chelton, déguisés en grabataires, pas crédibles une seconde. C'est terrible parce qu'alors, le soupçon de vie qui s'invitait juste avant, s'éteint aussitôt, écrasé par le « jeu » et la psychologie - en cela, Chéreau reste bien, quoi qu'on en dise, un indécrottable théâtreux.
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Ce cinéma de l'hyper sensibilité qui autrefois a pu donner quelques belles fulgurances, s'enlise alors dans son procédé et cette vision des rapports (amoureux ou non) que le film a bien du mal à déplacer vers un champ plus large, que pourtant sa scène inaugurale réclame.
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Romain Duris, Charlotte Gainsbourg et Jean-Hugues Anglade font leur boulot, en bons professionnels, mais ne jouent que du texte ou bien alors des scènes dont on n'entrevoit ni la tête ni la queue. Persécution se veut une sorte de pendant à L'Homme blessé, que Chéreau réalisa en 1983. On a souvenir d'un film autrement plus physique.
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Tout est à vif, éviscéré. Il passe, dans "Persécution", de beaux moments de grâce où, ainsi à nu, chacun révèle la misérable condition qu’est l’incapacité à aimer, et d’autres scènes, moins convaincantes, brouillonnes, à l’image même des protagonistes, entre fureur et apnée, dans les limbes.
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Patrice Chéreau («La Reine Margot», «Intimité») le dit lui-même, il signe un ici un film personnel, puisant sa source dans sa propre vie. Dommage qu'il suive (et brouille) autant de pistes à la fois, entre amis, amour et emmerdes. Sacrifié, le fou persécuteur qu'interprète Anglade demeure assez abstrait, tandis que le personnage de Duris s'enlise dans la colère. On peine à les comprendre, mais, plus grave, on finit presque par en perdre l'envie. L'émouvante Charlotte Gainsbourg, heureusement, vient illuminer (un peu) ce drame si sombre.
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Durant presque une heure, on se demande quel titre de gloire Chéreau cherche à conquérir sinon celui du cinéaste le plus antipathique. La sobriété n'a jamais été la tasse de thé de Chéreau. Il lui faut de la complication. Pourquoi pas : on peut-être baroque sans être emphatique. La preuve, dans le dernier tiers du film, la caméra se pose enfin, la durée s'installe, on souffle davantage, même si on souffre toujours.