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Même si le triomphe de Very Bad Trip milite pour le rire à trois (Stooges ?), le duo à la Laurel et Hardy reste l’alpha et oméga du comique US. La preuve dans Cyrus, joué par Jonah Hill et John C. Reilly, deux acteurs jusque-là abonnés aux rôles de sidekicks.En solo :John C. ReillyD’abord positionné en acteur sérieux, il n’a pas eu son French Connection, qui lui aurait permis de devenir Gene Hackman. Du coup, il a longtemps semblé abonné aux rôles dits "de complément", ce qui n’est pas un compliment. Même son pote et cinéaste fétiche P.T. Anderson, auteur du petit indéfilm Hard Eight avec John C. en vedette a dû, pour devenir grand, le rabaisser second rôle dans Boogie Nights puis le dissoudre dans la chorale Magnolia avant de le faire carrément disparaître de sa filmo depuis. Confronté aux limites de ses frisettes, de sa voix et de sa bille de clown, JCR a été sauvé par le triomphe mondial de Talladega Nights (rebaptisé Ricky Bobby roi du circuit dans le seul pays où il n’a pas marché), où il donnait la réplique à un autre Bozo rouquin rigolo, Will Ferrell. Succès, rires, révélation : John C. Reilly était un génie comique, c’est juste qu’il ne le savait pas. Deux ans plus tard, rebelote auprès du grand Will qui lui donne du galon en en faisant un des deux Frangins malgré eux, à (presque) égalité avec lui. Dans l’intervalle, sa seule tentative solo dans le rôle du chanteur country Dewey Cox (Walk Hard, parodie tordante de Walk the Line) a salement bidé. John C. Reilly serait-il condamné à rester un éternel second (rôle) ?Jonah HillLe gros frisé de Supergrave, c’était lui, parce qu’il a le physique de l’emploi. Mais le vrai héros, c’était le grand maigre, Michael Cera, parce que ça a toujours été comme ça depuis Stan Laurel, et qu’il n’y a aucune raison que ça change au 21ème siècle. Jonah devient dans la foulée du succès du film une sorte de sidekick ultime, trouvant le moyen de générer des duos comiques même dans les films où il ne fait que passer, comme avec Seth Rogen dans Funny People ou avec Russell Brand dans Sans Sarah, rien ne va. D’opportunité, cette aptitude à faire la paire n’a pas tardé à devenir son destin et bientôt, peut-être, sa malédiction. Spin off de Sarah Marshal, American Trip voit Russell Brand reprendre son rôle de rockeur anglais Aldous Snow et Jonah Hill reprendre sa place à ses côtés, mais pas dans le même rôle, signe qu’il est surtout là pour "accompagner" la vraie star du film et que son personnage à lui, on s’en fout un peu.En duo dans CyrusVous prenez deux mecs habitués d’être au mieux deuxième au générique et vous faites comme si ça donnait un duo de stars. Le gros coup de bluff : puisqu’il y a John C. Reilly, il y a presque Will Ferrell, puisqu’il y a Jonah Hill, il y a presque Michael Cera. Et qui n’aurait pas envie de voir un film avec Will Ferrell et Michael Cera ? Bizarrement, cette stratégie s’avère payante et crédibilise les deux comédiens dans un registre moins exclusivement bouffon que d’habitude. Le duo, en tout cas, fonctionne sur l’équilibre étonnant qui se crée entre deux types en manque d’attention, qui se battent pour attirer celle de Marisa Tomei (copine de John et maman de Jonah dans le film). La belle métaphore de leur condition d’acteurs dédaignés confère au film une sincérité brute, qui frise parfois une certaine glauquerie. Notons au passage que John C. Reilly a encore du chemin à parcourir, puisque le rôle-titre, Cyrus, c’est Jonah Hill qui l’a eu.Par Paul Firmin