- Fluctuat
Nouvelle baudruche qui cette fois explose en plein vol, "Mar Adentro" d'Amenabar laisse aussi froid qu'un macchabée alors qu'il voudrait nous tirer des torrents de larmes. Comment faire du mélo sur un sujet brûlant sans savoir trouver le ton et le style.
Comment échapper à soi-même et mettre fin à sa propre vie lorsque notre corps nous empêche de passer à l'acte et l'Etat de mettre fin à nos souffrances ? Tel est le point de départ de Mar Odentro, ou l'histoire (vraie, c'est tellement mieux) de Ramon Sampedro (Javier Bardem), cloué au lit depuis 26 ans suite à un plongeon à marée basse qui le laissa tétraplégique. Ne pouvant bouger que la tête, il est assisté par une avocate décidée à l'aider dans son « combat » pour l'euthanasie. Autour de lui, dans une ferme en Galice, s'agite un petit monde entre famille et proches dans lequel Ramon est l'attraction principale.Sur un sujet de société dans lequel l'Etat, la justice et l'Eglise s'embrouillent, où les militants manient un vocabulaire hasardeux (le « droit » de mourir, comme si le suicide était pénal), Alejandro Amenabar a choisi le parti pris de l'emphase. Débordant d'un sentimentalisme pompier où chaque scène se règle à renfort d'images léchées, de mouvements acrobatiques et aériens pour mieux exprimer le paradoxe entre la paralysie du corps et celle de l'esprit, Mar Odentro coule. Noyé par la panoplie d'une mise en scène aussi ostentatoire qu'impuissante, le film enchaîne avec une banalité triomphante son chapelet de vignettes pour sujet calibré. Etranger à l'art de l'ambiguïté, incapable d'une véritable confrontation au problème posé par l'euthanasie et la mort, Amenabar se contente de faire vivre autour de Ramon un petit monde qui lui est entièrement dévoué, en accords ou contradictions. Il est beaucoup question d'amour, de choix, de figures qui se renvoient les unes aux autres, mais tout est traité avec un art de l'approximation. La belle avocate malade qui se reconnaît en Ramon, la fille paumée trouvant en lui confident et amour à donner, la famille, tous ont autant de raisons personnelles de partager ou de refuser le désir de Ramon, mais jamais le film n'est capable d'en tirer un drame à la hauteur des questions exposées.S'il y a bien la volonté de tirer le film vers un mélodrame sans concession, lacrymal en diable, Mar Adentro franchit très vite la barre du fait divers pour pleurnicheuse émotive. Amenabar voudrait montrer que l'égoïsme, la lucidité et la confiance de Ramon peuvent poser problème, mais il se contente d'argumenter sa thèse acquise avec une caméra au sourire béat. Enchaînant les plans comme autant de métaphores emphatiques (la fenêtre, le plongeon, les cycliste et autres piétons lorsqu'il sort de chez lui), le cinéaste s'essaye enfin à un parallèle probablement audacieux (...) entre le cinéma et la fenêtre d'où Ramon observe le monde. L'écran d'où Ramon s'évade et échappe à cette vie condamnée devait-il être le même que celui qui, au cinéma, nous présente la mort au travail ? Rien de si profond ici, l'écran n'est qu'une simple surface où se projette les fantasmes de Ramon, une manière d'échapper à ce réel médicamenteux. La mort n'est qu'un aboutissement du scénario, et le film qu'une lente agonie sous perfusion stylistique. Long, ennuyeux, rarement émouvant et encore moins dérangeant, Mar Adentro finit par lasser et donner envie qu'on en finisse.Mar Adentro
Un film de Alejandro Amenabar
Espagne, 2004, 115 mn
Avec : Javier Bardem, Belena Rueda, Lola Duenas
Sortie Nationale le 02 janvier 2005[illustration : © Teresa Isasi]
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