Comme dans son précédent film, le beau À perdre la raison, Joachim Lafosse s’empare d’un fait divers pour déconstruire les évidences de la folie ; Les Chevaliers blancs s’ouvre sur une nouvelle procession de boîtes. Au début d’À perdre..., les cercueils des enfants roulaient vers les entrailles d’un avion-cargo, ici, les malles de l’ONG sont débarquées sur un nouveau continent. Le parallèle est soufflant et dit bien que les deux films, malgré leurs différences et leur parcours inversé, explorent des idées similaires. Si un Hermès (dieu des médecins et des voleurs) a remplacé la Médée belge, il est une fois de plus question de filiation, de parenté, mais ratée ou sacrifiée... Au fond, ce que cherche à mettre en crise Lafosse, c’est cette société qui ne peut plus être unie que dans la contemplation de ses monstres, tueurs ou marchands d’enfants. Mais il le fait sans jamais tomber dans le sadomasochisme moral ou la sanction. Ici, personne n’est jugé. Tout se passe à la lumière, celle de l’Afrique qui brûle, révèle et rend fou. La mise en scène limpide, sans jeu d’ombre ni suspense, Lindon (époustouflant dans le rôle de ce sauveur qui se transforme en voleur, épris de bonté et surtout de lui-même), le script à l’écriture blanche et sèche... Tout obsède, fascine. Et on regarde ce qui se trame là comme les personnages, persuadés que les monstres n’ont finalement rien d’inhumain.