-
Construit comme un triptyque, le film raconte ainsi comment la présentatrice d’un talk-show à forte teneur politique accepte, pour favoriser la promotion de son mari à la tête d’un grand quotidien proche du pouvoir, de tempérer la virulence antigouvernementale de son émission. Ce sera donc, en direct, trois inoffensives causeries entre dames, à ceci près que chacune débouchera, à la stupéfaction générale, sur une effroyable condamnation de l’intégrisme religieux et des préjugés dont les femmes sont victimes. En dépit d’un sérieux coup de mou à mi-parcours, l’ensemble, tour à tour subtil et violemment frontal, débouche courageusement sur un constat sans appel : si l’Égypte était une femme, ce n’est pas un voile mais une burqa d’acier qui la recouvrirait de la tête aux pieds.
Toutes les critiques de Femmes du Caire
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
-
Dans le contexte égyptien, Femmes du Caire est un brûlot politique et sensuel – politique parce que sensuel. A l’heure des débats occidentaux sur la burqa, c’est aussi un film qui résonne fort chez nous, offrant un regard arabe, laïque et féministe sur les relations homme-femme.
-
Femmes du Caire, c'est au fond le récit magnifique d'une émancipation valant pour toutes, celle d'Hebba, yeux sans visage, se découvrant une histoire personnelle, une vérité distinctive et les premiers contours d'une figure humaine.
-
Par le biais du mélo, il touche au cœur même du problème ("Cette société pue car la scène politique est pourrie"), et donne un film touchant, politiquement juste, acéré. C’est du cinéma de combat dissimulé sous des dehors de cinéma populaire : il fait mouche.
-
Femmes du Caire est aussi un beau film de cinéma, pour deux raisons. D'abord parce que Yousry Nasrallah joue délibérément avec les codes de la fiction populaire sans renoncer à la vigueur de son expression de cinéaste - c'est vrai tout au long du film, et particulièrement dans l'histoire centrale. C'est la seule à être située dans un milieu populaire, et elle met en scène trois soeurs orphelines que les règles sociales empêchent de vivre en paix. Héritières de l'échoppe de quincaillerie de leur père, elles sont forcées d'en laisser la gestion à un homme, et ne peuvent rester éternellement célibataires.
Leurs efforts désespérés pour se sortir de ce piège font la trame d'un récit très noir, une version méditerranéenne d'un roman de James M. Cain, où le patriarcat remplacerait le règne de l'argent. L'interprétation de ce segment est plus intense qu'elle ne l'est dans le reste du film, et Yousry Nasrallah trouve un rythme plus ample, plus sensuel pour mettre en scène ce drame aussi intense que bref. -
Si le sujet de la place de la femme dans la société égyptienne et de son évolution est parfaitement traité, celui de la violence ainsi qu'un discours éclairé sur la relation malsaine entre pouvoir et médias apporte encore plus de poids à ce film qui regarde les femmes droit dans les yeux.
-
Femmes du Caire se situe incontestablement dans une catégorie supérieure à la majorité de la production égyptienne d’aujourd’hui : alors que le cinéma égyptien a connu un véritable âge d’or jusque dans les années 1980, la création cinématographique a perdu de son aura et s’égare dans des comédies bas de gamme... De manière presque inconsciente, Yousry Nasallah semble avoir communiqué à ses personnages une sorte de nostalgie d’un cinéma mélodramatique et éloquent. Le risque dont l’ombre plane malheureusement pendant une grande partie du film est que l’éloquence confine ici à la grandiloquence : le mélo prend des allures soap, auxquelles le décor moderne du scénario n’est pas étranger. Il n’est du même coup pas tout à fait contradictoire que Mona Zakki, la star qui mène l’enquête médiatique et sociale, soit celle qui livre l’interprétation la plus hystérique et... la moins convaincante, quand le jeu des « vraies » femmes se révèle poignant. Malgré une charpente scénaristique solide, le cinéaste, à la filmographie jusque-là plutôt auteuriste, donne l’impression d’avoir été mal à l’aise avec un univers parfois artificiel, qui emprunte davantage à la comédie loufoque contemporaine qu’à Chahine, d’où un rythme curieusement discontinu.
-
Le réalisateur égyptien n'a certes pas toujours la maîtrise narrative ni l'habileté esthétique du maître espagnol. Le « sketch » central (trois soeurs amoureuses de leur jeune employé) écrase les deux autres en intensité dramatique. Et le dispositif ostentatoire de la mise en scène freine parfois l'émotion, notamment lorsque Hebba dialogue avec ses invitées face aux caméras. Le film, très sensuel, réussit toutefois à concilier la puissance romanesque de beaux portraits de femmes (magnifiquement incarnés) avec un discours offensif contre le machisme de la société égyptienne. Avec, fait exceptionnel et courageux dans une production arabe, une évocation sans fard de l'avortement...