Tout juste sacrée aux César, Nina Meurisse replonge et s'invite dans l'univers des marins, rejouant le drame du Bugaled Breizh dans une nouvelle série Arte épatante. Rencontre.
37 secondes, c'est le titre de la série. Et c'est aussi le drame vécu par cinq marins le 15 janvier 2004 au large du Cap Lizard. "Le naufrage du Bugaled Breizh a eu lieu en 37 secondes. Il a fallu 37 secondes pour que leur bateau finisse au fond de la mer..."
Nina Meurisse avoue humblement qu'elle ne connaissait pas l'histoire du chalutier, mystérieusement envoyé par le fond par un événement difficilement explicable il y a 20 ans.
L'actrice césarée fin février (pour L'Histoire de Souleymane) incarne Marie Madec, employée au mareyage local, dont le beau-frère faisait partie de l’équipage du Bugaled Breizh. Marie vit avec la mer, les marins, la pêche, et elle va porter le combat de la vérité devant la justice. Si les personnages ont été inventés, pour garder une part de fiction, toute l'affaire du Bugaled Breizh a réellement eu lieu. "Je ne connaissais absolument rien à cette histoire et j'ai été sciée par sa complexité. Je peux même dire admirative devant l'endurance des familles pour découvrir la vérité, des gens qui n'avaient pourtant pas les codes, ceux de la justice, pour bien comprendre tous les tenants d'une telle affaire. Ils ont eu un courage fou !"
Au fil des six épisodes signés Laure de Butler, réalisatrice de Syndrome E, et couronnés Meilleure série française à Séries Mania il y a quelques jours, Nina Meurisse mène donc la bataille des tribunaux pour comprendre ce qui est arrivé au bateau en ce jour tragique, et raconte en filigrane l'univers des marins, de la pêche et de tout cet écosystème de ce coin de Bretagne.

Car le tournage a eu lieu sur place, au Guilvinec, à la pointe sud-ouest du Finistère Sud, là où était immatriculé le vrai Bugaled Breizh avant le drame. "On a été chaleureusement accueilli sur place. Ils étaient très heureux qu'on puisse ainsi filmer la mer, les marins, sans dédain" se souvient l'actrice originaire de Normandie. "On a passé quatre mois en tournage là-bas, avec eux. On a fait du surf, on a mangé des langoustines, je suis vraiment tombée amoureuse de la Bretagne et on a pu sentir qu'ils étaient heureux qu'on parle de cet événement."
Ce qui a aussi convaincu Nina Meurisse d'accepter la série, c'est justement cette idée que 37 secondes ne soit pas qu'une histoire judiciaire. C'est aussi un drame social qui "met la lumière sur le milieu des marins qu'on ne connaît pas vraiment. C'est un milieu pas souvent dépeint en série, de gens passionnés, sur lequel on a souvent des idées reçues. Malheureusement, les drames font partie de leur métier. Je n'avais pas du tout conscience du danger de travailler sur un chalutier comme ça." Et pour la comédienne qui a cartonné dans La Fièvre l'an dernier sur Canal +, c'est aussi le genre de série qui permet de remettre la figure ouvrière au centre du récit télévisuel. "Et pas de manière caricaturale. Ce ne sont pas des gens qui veulent changer de milieu social. On montre souvent cette classe ouvrière comme voulant absolument grimper à l'échelle sociale, alors que la question ne se pose pas pour eux. Ils sont très bien où ils sont, mais ils demandent seulement la reconnaissance de leur souffrance et une forme de considération, face au mépris qu'ils peuvent ressentir. Je crois que leur bataille était autant pour la vérité que pour être justement considérés."

Reste cette question qui va hanter encore longtemps toute une région : comment le Bugaled Breizh a-t-il pu couler aussi rapidement ? Le jour du naufrage, des sous-marins de l’OTAN étaient en exercice. Alors, le chalutier a-t-il été entraîné par le fond de manière accidentelle ? L'affaire judiciaire a pris fin en 2021 par la justice britannique, qui a conclu à un tragique accident de pêche.
Mais après avoir travaillé sur cette histoire pendant de longs mois, entendu divers témoignages, les scénaristes Anne Landois et Sophie Kovess-Brun se disent convaincues par la thèse du sous-marin, celle que défendent la plupart des familles de victimes. Nina Meurisse, elle, ne prend pas position et estime que "faire une série sur cette histoire, c'est déjà donner à ces gens-là une forme de reconnaissance qu'ils n'ont pas eue à l'époque."
37 secondes, en 6 épisodes, à voir sur Arte.tv et le 3 avril sur Arte.
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