Spike se livre sur ses années vampiriques. Rencontre.
Invité ce week-end du Paris Manga Sci-Fi Show avec ses anciens collègues de Buffy contre les vampires (Anthony Head et Amber Benson), James Marsters revient pour Première sur la portée cette série culte, le rôle de Spike et la catastrophe Dragonball Evolution, dans lequel il jouait Piccolo.
Quoi que vous fassiez, on vous ramène toujours à Buffy contre les vampires et au personnage de Spike. Mais c’est aussi parce que vous cultivez ce lien, non ?
Tout à fait, car Buffy est une série dont je peux être fier. On a réussi à faire passer l’idée que la violence ne résout pas tous les problèmes et que les femmes peuvent botter des culs ! À l’époque, je produisais et je jouais dans des pièces de théâtre à Seattle et Chicago. Je venais d’avoir mon fils et je venais à Los Angeles uniquement pour gagner de l'argent. Le théâtre, c'est super marrant, mais tu ne gagnes pratiquement rien. Donc j'ai décidé de me vendre à la télévision (Rires.)
Vous aviez le sentiment de vous vendre ?
Ah ouais, complètement ! Je n'avais aucune illusion. On était vers la fin des années 90 et la télévision n'était pas aussi intéressante qu'elle l'est aujourd'hui, du moins de mon point de vue. Je me souviens avoir dit à mon agent que je n'étais pas là pour recevoir des prix puisque je les avais déjà eus au théâtre. Je n'avais rien à prouver et je ne respectais pas les gens de ce milieu de toute façon (Rires.) J'étais là pour le pognon ! Pour acheter des couches ! Et d'un coup, je me suis retrouvé dans une série qui diffusait un message subversif à plus de monde que je n'aurais pu l’imaginer. On traitait de sujets forts, comme la difficulté d’être homosexuel à l’adolescence. C’est plus commun à la télévision aujourd’hui, mais on était dans les premiers à en parler. Je crois qu'on a aidé à faire évoluer les choses, d'une certaine façon.
Vous avez tout de suite senti que Joss Whedon avait autre chose derrière la tête qu’une simple série sur les vampires ?
J'ai appris au fur et à mesure que Joss était un surdoué du storytelling. Je n'avais pas idée à quel point il était bon, même s'il semblait déjà talentueux. On avait très peu de budget et ce qu’il a réussi à faire est spectaculaire. Joss m'a expliqué que l'idée originale de la série lui était venue dans un rêve, où une adolescente apeurée courait dans une allée sombre, poursuivie par un vampire. Elle arrivait dans une impasse, se retournait et... surprise, surprise : elle sortait un pieu et lui bottait le cul. Quand il m'a dit ça, j'ai réalisé qu'il détournait l'idée répandue que les femmes sont des victimes. Et en même temps, il faisait une série sur le très compliqué passage de l'adolescence à l'âge adulte. Quand on se rend compte que le monde est un immense bordel et que vos parents ne savent pas toujours de quoi ils parlent. Comment traverser cette étape sans perdre espoir ? J'ai trouvé ça très intéressant et j’ai pensé que ça valait le coup de s'impliquer, en plus de l'incroyable salaire que je recevais (Rires.) Je ne savais pas encore qu'on allait toucher autant de monde dans l'avenir.
Mais les audiences américaines n'étaient pas phénoménales. La série est surtout devenue culte en s’important et au moment de la sortie des DVD.
Disons qu’on a mis un peu de temps à devenir vraiment populaires. Mais il est vrai qu’on était vachement plus connus en-dehors des États-Unis. Quand je suis venu pour la première fois à Paris, c'était dingue. Je me souviens avoir signé des autographes dans une librairie, et à l’extérieur il y a avait des policiers à cheval, avec des centaines de personnes autour. J'ai vu un flic se faire attraper par la foule et tomber de son cheval, pendant que les fans défonçaient les barrières métalliques et arrivaient devant les vitres du magasin en tapant dessus. Je voyais le verre bouger et je me disais : « Des gens pourraient mourir aujourd’hui ». Je crois qu'on a attendu six heures à l'intérieur sans savoir quoi faire. On a fini par m'exfiltrer par la porte de derrière. C'est là que j'ai réalisé à quel point j'étais populaire et comme la célébrité est toxique pour l'âme humaine. Et plus tu y es exposé, plus ça devient dangereux, c'est comme des radiations. Tu es vite tenté de te prendre au sérieux, et plus comme le clown sympa que tu es au fond. On peut se sentir très seul quand on est célèbre.
Vous avez vécu des moments difficiles ?
Oui. J’ai pris du recul avec la célébrité pendant un long moment. Je me suis caché en fait. Ma vie se résumait à traîner dans mon appartement, aller sur le plateau de tournage et parfois faire un détour par la plage. Pas plus. J'essayais de ne pas interagir avec les gens qui me connaissaient grâce à la série. Série dans laquelle j'adorais jouer par ailleurs, mais j'étais mal à l'aise avec la célébrité. Pas de bol : j'avais ces cheveux blancs assez courts, on ne pouvait pas me louper ! Et un jour, j'ai tourné un truc (Strange Frequency 2, NDLR) avec Roger Daltrey, le chanteur des Who. Il n'arrêtait pas d'être reconnu et il gérait les demandes d'autographes et de photos avec une facilité déconcertante. J’étais fasciné. Il m’a dit : « Tu es célèbre, ça ne va pas changer. Donc tu peux gérer ça tranquillement, ou bien te prendre au sérieux et devenir le genre de personne qu'on ne souhaite pas être ». Grâce à lui, j’ai choisi d'être aussi cool que possible vis-à-vis de ça. Parfois c'est un peu frustrant, parfois c'est marrant. C'est comme ça.
Votre rapport aux fans a dû beaucoup évoluer avec le temps.
Disons que la question de la sexualité est moins prégnante aujourd’hui (Rires.) Parce que c'est là que ça commence à partir en vrille, quand des fans arrachent vos vêtements... Ou font tomber des policiers à cheval. Une forme d’hystérie collective. Aujourd'hui il ne reste que de l'excitation et parfois du respect. Ce que je trouve d'ailleurs assez marrant, parce que respecter un acteur, c'est étonnant (Rires.)
Vous trouvez ça bizarre de respecter un acteur ?
Hum. Ouais, un peu. J’ai décidé de faire mon métier quand j'étais très jeune - et je crois que je le fais très bien -, mais ce n'est pas le boulot le plus important du monde. Par contre je peux rendre la vie des gens un peu plus marrante. C’est déjà ça.
Que vous inspire le reboot/suite de Buffy qui a été annoncé ?
C’est super, il reste un paquet de démons à tuer ! J'étais très content quand j'ai appris que ce n'était pas un remake, puisqu’on y suivra une nouvelle génération de personnages. Le monde a bien changé et on a besoin d'une tueuse pour se battre contre ces partisans de l’autorité, à la pensée limitée. C'est la bonne période pour une série fun et drôle, un truc subversif, qui puisse évoquer ces sujets. La SF et le fantastique permettent de parler de tout sans en avoir l'air, et c'est une arme incroyablement puissante.
Pourquoi n’avez-vous jamais vraiment fait carrière au cinéma ? Vous devez avoir eu de nombreuses propositions après Buffy.
Quand la série Angel (spin-off de Buffy, NDLR) s’est terminée, je suis allé dans un talk show à télé américaine et je me suis rasé la tête, pour montrer que j'étais brun sous mes cheveux teints. C'était ma façon de dire aux fans que c'était fini. Tout le monde me voyait comme ce vampire cool, et rien d'autre. Donc je suis reparti de zéro mais j'ai eu de la chance qu'on me propose de nombreux rôles à la télé après Buffy. Concernant le cinéma, je pense que je n'ai pas su capitaliser sur mon succès. Mais j'aurais dû mentir et faire semblant d'être quelqu'un d'autre. Je trouvais l'idée ridicule.
Parce que les directeurs et directrices de casting cherchaient à embaucher Spike ?
Ouais, et quand ils se rendaient compte que je n'étais pas lui, c'était fini. Mais je crois que j'ai fait le bon choix au final, sinon je n'aurais joué que des drogués ou des rockstars (Rires.)
Désolé de mettre ça sur le tapis, mais vous avez tout de même joué dans Dragonball Evolution...
(Rires.) Non, non, ça va, je veux bien en parler !
Quel est votre souvenir de ce tournage ?
D'avoir eu le coeur brisé (Rires.) J’étais un grand fan de Dragon Ball et Dragon Ball Z et quand on m’a approché pour jouer Piccolo, on m'a dit qu'on aurait un budget de 130 millions de dollars. Ce qui semblait tout à fait suffisant pour faire une belle adaptation. Le film devait être produit par Stephen Chow, dont j'avais beaucoup aimé Shaolin Soccer et Crazy Kung-Fu. Sauf que quand je suis arrivé au Mexique pour le tournage, je me suis rendu compte qu'on nous avait menti : le budget n'était que de 30 millions de dollars et Stephen Chow n'était qu'un nom sur un bout de papier. Il ne travaillait pas du tout sur le film. Avec Chow Yun-fat, on se sentait trahis. L’histoire derrière est que 20th Century FOX allait perdre les droits de Dragon Ball un an après, et ils voulaient se faire un peu de fric avant la date d’échéance. C'était perdu d'avance, mais s'ils avaient mis le budget qu'il fallait, ils auraient pu lancer une super franchise.
Vous avez pas mal souffert alors ?
Je partais à la guerre. J'étais déterminé à faire de Piccolo un personnage super cool, vraiment proche du dessin animé. Au premier essai maquillage, je n'arrêtais pas de demander qu’on me vieillisse, parce qu'on était dans une adaptation de Dragon Ball et pas de Dragon Ball Z : au début de l’histoire, Piccolo est un personnage très âgé. J'avais un contrat pour trois films et dès le deuxième, on devait entrer dans l'histoire de Dragon Ball Z, là où je devais me transformer et « rajeunir », en quelque sorte. Mais ça n'aurait eu aucun sens si j'étais déjà jeune dans le premier ! Du coup j’ai refusé de sortir du maquillage, j'y suis resté quatorze heures. Je m'engueulais avec le producteur et le réalisateur, qui voulaient que Piccolo ait la peau grise, et pas verte comme dans le dessin animé ! On marchait sur la tête. Le réal était très sympa mais il ne connaissait pas du tout Dragon Ball. Je lui ai dit : « Tu sais que si je ne suis pas vert, nos carrières sont finies ? » Il m'a répondu : « Ah bon, tu crois ? » (Rires.) C'était vraiment un film médiocre au final. Sans avoir vu Dragon Ball c'était nul, en l'ayant vu c'était encore pire !
Je regardais votre filmographie sur Wikipedia tout à l'heure, et quand on met la souris sur Dragon Ball Evolution, il y a écrit "Ce film n'a jamais existé..."
(Rires.) Celui qui a fait ça a eu 100 % raison, c'est comme ça que je veux me souvenir du film : en l'oubliant (Rires.)
James Marsters interprète Victor Stein dans la série Marvel’s Runaways, diffusée en exclusivité sur SYFY, le mardi à 21h.
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