Les premières infos sur le Tintin de Spielberg sont enfin disponibles. En anglais, dans l’excellent magazine Empire. On débrief.Par Gaël Golhen.Bon, autant prévenir les tintinophiles hardcores dès le début. Vous ne verrez pas Tintin ! Parmi les 6 photos du Tintin de Spielberg proposées en exclu dans le magazine Empire, aucune ne montre le visage du petit reporter. Une manière de garder un peu de suspens, d’entretenir le teasing jusqu’au bout, de faire monter la pression... Pour le reste, ce papier de 10 pages est une mine d’info exclusives. Alors pour ceux qui ne lisent pas l’anglais ou qui ne veulent pas débourser 7,99 euros (plus le prix du ticket pour aller le chercher au kiosque de la gare du Nord), voici ce que vous devez savoir sur le Tintin de Steven Spielberg.“Pour ceux qui seraient a) américains ou b) traumatisés par une enfance culturellement dévastée après des heures de visionnages d’ITV...”. L’article revient d’abord sur la figure de Tintin. Une bio du personnage, quelques éclairages sur la vie d’Hergé (on s’adresse à un public anglo saxon donc moins connaisseur de la BD belge), avant de rentrer dans le vif du sujet. Ca t’emporte ! explique Peter Jackson, le producteur du film. Tintin vit les aventures dont tu rêves étant môme. Il se bat contre des crocodiles, des serpents, des momies et des malédictions égyptiennes. Ca fait écho avec l’esprit d’aventure qui sommeille au fond de chacun de nous. C’est l’un des sous-entendus explicite de l’article : du début du papier - qui fait référence à Indiana Jones - aux citations de Peter Jackson et Spielberg, tout donne l’impression que Tintin sera un gigantesque film d’aventure à l’ancienne. Du David Lean. Mais en mo-cap et en 3D : “le film sera un ride d’aventure !” s’exclame Spielberg.Les originesEmpire revient aussi sur les origines du projet. Il y a 30 ans, Spielby découvrait le personnage et achetait les droits d’adaptations. Depuis, il a multiplié les tentatives d’adaptations live (dont une écrite par la scénariste d’ET, Melissa Mathison, qui envoyait Tintin se battre contre les chasseurs d’ivoire), mais en vain : “Je ne trouvais pas de scénario qui rende justice à Hergé”. Jusqu’à ce qu’en 2007, Steven Moffat, le scénariste de la série anglaise Doctor Who, adapte Le Secret de la Licorne. Quand Moffat dut repartir sur Doctor Who, Spielberg demanda à Edgar Wright et Joe Cornish de prendre la suite : “Peter Jackson et moi voulions des scénaristes anglais, ils ont grandi avec”. Le choix d’un triumvirat de scénaristes britton est de fait assez malin : ils sont européens, donc plus proche de la sensibilité belge de la BD d’origine qu’un américain, mais restent proche des standards US de l’entertainment et de l’écriture. Un choix win/win en gros qui peut aussi promettre son lot d’humour un peu pincé, de décalage pop et rétro (Edgar Wright est assez bon dans ce registre) et de classe british. Qui est Tintin ? C’est évidemment LA question. Comment donner vie à un personnage qui n’a pas d’histoire, pas de nom, pas d’âge et pour tout bagage : une silhouette universelle ? Jamie Bell qui “joue” Tintin a donc dû créer de toute pièce un personnage. Il explique au journaliste d’Empire que dès le début, il s’est posé une question : qui est Tintin ? Qui sont ses parents ? Pourquoi a-t-il pour seul ami un chien ? Pourquoi est-il journaliste ? Qu’est ce qui le fait avancer ? Mais j’ai vite compris que ces questions m’emmenaient sur une mauvaise piste. Moins on en sait plus on peut se projeter. En fait, si Jamie Bell a été choisi, c’est surtout pour son passé de danseur. Parce que Tintin a une manière bien à lui de courir, de tomber ou de se battre, une grâce presque caoutchouteuse et surnaturelle... Mais surtout parce que, comme le confie Spielberg à Empire,chaque case d’Hergé est emplie d’une énergie kinétique (...). Hergé savait comment créer de l’action en un seul plan. Rien qu’avec le mouvement du corps et les poses. Un acteur danseur permettait donc de retrouver cette forme d’énergie pure. Et puis, on doit reconnaitre que la silhouette longiligne de Billy Elliot ressemble (un peu) à celle de Tintin...Empire s’attarde également sur l’autre personnage central de l’histoire, le capitaine Haddock qui sera joué par Andy Serkis. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas Peter Jackson qui est à l’origine du casting de Serkis (qui a “joué” Gollum et King Kong pour le néo-zélandais), mais bien Spielberg. Il est brillant, explique le réalisateur de Jurassic Park. Il peut pousser jusqu’à la farce et le burlesque sans jamais franchir la ligne jaune. Il a eu le courage d’emmener Haddock là où nous voulions aller...” En direct du Volume Empire a surtout pu pénétrer le tournage en 3D et en mo-cap de ce projet révolutionnaire. Si cette technologie a été utilisée pour Tintin, c’est d’abord pour respecter le look d’Hergé. "Avec le live-action, explique Jackson, on aurait dû caster des acteurs qui ressemblent aux héros. Mais même comme ça, le film n'aurait pas été totalement identique aux dessins d'Hergé. Avec le CGI, on peut donner vie au monde d'Hergé, garder les visages stylisés, garder le style artistique d'Hergé tout en le rendant photoréaliste". Cette technique a surtout permis à Spielberg de contrôler TOUT et d’être encore plus présent : vous n’êtes plus face à un moniteur à des centaines de mètres de l’action, vous êtes dans le Volume”... Pour Peter Jackson, Spielberg est définitivement rentré dans l’hypermodernité : J’ai vu quelqu’un habitué à utiliser les techniques traditionnelles de filmage s’emparer de la mo cap et la posséder. Nous avons propulsé Steven dans le 21ème siècle”. Quand Jaws meets King Kong Le film marque la collaboration entre deux monstres sacrés du septième art mondial. A ma droite, le réalisateur d’Indiana Jones, des Dents de la mer et de ET, à ma gauche le cinéaste du Seigneur des Anneaux et de King Kong. Des poids lourds... Empire décrypte donc la relation entre Spielberg et Jackson, raconte leur première rencontre, la remise du César pour Le Retour du roi par Spielby à Jackson et revient sur leur première vraie séquence de travail. Hilarante selon Spielberg : pour le convaincre de la viabilité du projet, Peter avait mis le costume d’Haddock, une grosse barbe et jouait face à un Milou digital. Peter est un bon acteur. Il fait quelques passages à l’écran dans ses films... je n’en ai pas le courage. Je ne suis pas un bon acteur, beaucoup moins bon en tout cas que Peter. Ce serait une humiliation pour moi...”. “J’ai comme l’impression que cette scène sera sur un bonus DVD explique alors Jackson. Toujours est-il que ces essais séduisent Spielberg qui comprend que le numérique pourrait marcher. Mais au-delà de l’association des deux noms/marques, Empire propose une équation intéressante. Le classicisme et l’audace de Spielberg et la folie et l’énergie absurde de Jackson pourraient finalement se fondre pour donner une belle équivalence cinéma du travail d’Hergé. Equation intéressante on disait, parce qu’elle permet aussi de penser que les background cinéma et culturels différents des deux cinéastes (Hitchcock, Lean et le cinéma 60’s pour le premier; le gore et l’épique fantastique et numérique pour le second) peuvent fusionner dans un vrai bon film d’aventure. Surtout que comme le répètent les deux cinéastes, il n’y a eu aucun problème d’ego et que le travail commun fut un rêve ! Reste le problème de savoir si le public américain qui ne connait pas Tintin sera sensible au film. “Il faudra trouver notre audience” assure Spielberg. Ici, à Premiere.fr, c’est déjà fait !