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La véritable héroïne de Toni Erdmann, c’est elle : Sandra Hüller, actrice allemande qui gagne à être connue.

Nous l’avons écrit ici-même : Toni Erdmann, portrait d’un père qui essaie de retisser du lien avec sa fille, working girl froide comme la banquise, est le petit chef d’oeuvre d’émotion de la première semaine cannoise. Il révèle au grand public le nom de Maren Ade, réalisatrice promise au plus bel avenir, mais aussi celui de Sandra Hüller que nous retrouverons peut-être au palmarès dimanche, tant sa prestation a marqué les esprits.

On ne vous connait pas en France. Pouvez-vous vous présenter un peu ?
Je suis allemande, je joue beaucoup au théâtre et je fais un peu de cinéma. J’ai 38 ans (ça intéresse les lecteurs français ?) et c’est ma première venue à Cannes.

Parfait. Votre interprétation d’Ines, cette trentenaire dépressive et misanthrope, est saisissante. Comment vous êtes-vous préparée ?
Merci. Il faut que vous sachiez que nous avons fait trente à quarante prises de chaque scène ! Maren avait tellement d’options pour raconter l’histoire à partir de cet énorme matériau que mon interprétation, d’une certaine façon, ne m’appartient pas totalement. Je ne peux donc pas vous dire précisément comment j’ai appréhendé cette Ines, puisque j’en ai joué plusieurs !

Avez-vous été surprise du résultat ?
Pas surprise, non, mais touchée par les éléments que Maren a conservés au montage. Elle a vraiment choisi les moments les plus riches. J’en suis vraiment contente.

Le film est assez particulier, il oscille en permanence entre réalisme et décalage total. Etiez-vous inquiète de ne pas arriver à tenir cette note tout du long ?
Pas du tout. Encore une fois, quand on tourne avec Maren, on ne sait pas quelle forme va prendre le film, quelle couleur il aura. On essaie des choses qu’on a travaillées pendant les répétitions, puis on voit ce que ça donne. Ma plus grande peur concernait mon personnage, cette cruauté qu’il renvoie. Je n’étais pas certaine d’avoir le courage de pouvoir aller aussi loin qu’Ines.

Maren vous a demandé de jouer des choses vraiment difficiles, je pense à la scène où vous chantez a cappella ou à celle où vous êtes nue pendant plus de cinq minutes. Lui en avez-voulu parfois sur le tournage ?
Pendant un tournage, ce n’est pas un secret, il y a des conflits, des petites brouilles. En l’occurrence, ce n’était pas forcément en lien avec ce que vous citez. C’était plutôt consécutif aux longues journées de travail que nous avions parfois.

On est obligé de vous demander comment vous avez vécu le tournage de cette longue séquence entièrement nue.
Maren l’a évoqué très tôt lors du casting. Il n’y avait pas de surprise. Bien qu’avertie, j’étais assez effrayée. Nous l’avons tournée sur deux ou trois jours, donc une forme de banalité a fini par s’installer. Je sais que sur ce genre de scène, certains cinéastes demandent à l’équipe de se déshabiller, ce que je trouve ridicule ! Maren ne l’a pas fait, heureusement.

Qu’avez-vous appris de ce film et en quoi cela peut-il influencer votre travail dans l’avenir ?
J’ai beaucoup appris d’Ines, qui exerce un métier très dur sans en retirer beaucoup de considération et qui accepte de passer par certaines épreuves, voire humiliations, pour avancer. J’aime aussi le fait qu’elle ne soit pas gentille. On n’a pas toujours besoin de l’être. C’est une bonne leçon.