Waterworld
Universal

L'odyssée démente de SF maritime de Kevin Costner et Kevin Reynolds est diffusée à 21h10 sur NRJ12. C'est l'occasion de revenir sur le naufrage de ce Mad Max aquatique.

Le projet mégalo de Kevin Costner a refait surface en mars 2019 dans un magnifique Blu-ray anglais, avec un montage événement de trois heures réalisé par un fan. Revenons sur l'histoire compliquée de ce film monstrueux signé Kevin Reynolds.

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C'est l’histoire d’une destruction. D’une démolition qui a commencé avant même que le film ne sorte. Dès son entrée en production, les journalistes, appâtés par la perspective de chroniquer un désastre, ont surnommé Waterworld, "Fishtar" (en référence à Ishtar, gouffre financier et four historique). C’était sans doute injuste, mais en cette année 1994, les infos en provenance du Pacifique n’étaient pas très rassurantes. La production a choisi de tourner toutes les scènes de ce film d’aventure maritime sur les flots, pour de vrai. Et de construire à taille réelle le monstrueux "Atoll", une cité flottante métallique grande comme un stade de foot. À quelques encablures de Hawaï. Une cité circulaire hétéroclite de mille tonnes d’acier sur laquelle allait se tourner une grosse scène de bataille inspirée de l’attaque de la raffinerie de Mad Max 2 : Le Défi voit donc le jour sur l’océan. En termes logistiques, forcément, la mer rendait tout compliqué et surtout plus cher. Mais si le budget du film a littéralement explosé, c'est aussi parce que Waterworld est devenu au fil de l’eau le projet mégalo (les Anglais disent vanity project) de sa star, Kevin Costner. À l’origine, son scénariste, Peter Rader, proche de Roger Corman, l’a écrit au milieu des années 80 en pensant le tourner pour une somme modeste. La singularité de son script tenait dans l’action qui se situait sur une Terre futuriste, entièrement recouverte par l’océan, à la place d'un grand désert brûlant comme tous les films postapocalyptiques de l’époque. Mais Rader sous-estime le coût du projet et celui-ci prend la poussière, malgré l’intérêt qu’y porte le Norvégien Nils Gaup (nommé à l’Oscar du meilleur film étranger pour Le Passeur en 1988). Il faut attendre 1991 pour que Kevin Costner et Kevin Reynolds tombent sur le scénario du film, chacun de leur côté.

Alors que Waterworld aurait dû être tourné comme une série B modeste, l’arrivée de Costner qui capitalise le succès de Robin des bois (deuxième plus gros hit de l'année 1991 derrière Terminator 2 – Le Jugement dernier) transforme le film en machine de guerre. Universal, à l’origine simple distributeur, doit prendre en charge tout le budget du film, estimé au départ à 100 millions de dollars. "Le studio connaissait les risques et assumait les coûts", affirme Kevin Reynolds dans Maelstrom, le formidable documentaire consacré au tournage et disponible dans la superbe édition Blu-ray sorti en mars 2019 chez l’éditeur anglais Arrow. Dès le début, des vents contraires soufflent sur le projet. "Ne tourne pas sur l’eau", aurait conseillé Steven Spielberg à Reynolds qui s’embarque mal- gré tout pour Hawaï. Et les coûts enflent immédiatement. La construction de l’Atoll prend sept mois, il faut acheter deux trima- rans à un million de dollars chacun pour construire le vaisseau du héros... Du côté du script, c’est la même chose : le scénario de Rader, largement réécrit par David Twohy (futur auteur de Pitch Black) et Marc Norman (futur coauteur de Shakes- peare in Love), débarrassé des références mystiques et religieuses, ne satisfait per- sonne. La star et la production ne sont visi- blement pas d’accord. Quand Costner veut "une fable écologique", les producteurs réclament un film "plus cyberpunk". Au dernier moment, il faudra faire venir Joss Whedon à la rescousse. Le créateur de Buffy contre les vampires réécrira les dialogues du méchant Deacon (Dennis Hopper). Mais le résultat est implacable. Avant même la fin du tournage, les rumeurs désastreuses parviennent à la presse hollywoodienne. Un premier teaser est monté un peu trop vite avec le matériau existant, et projeté à Noël 1994 avant Street Fighter avec Jean-Claude Van Damme. C’est une catastrophe annoncée.

La fin du tournage ne signifie pas la fin des embrouilles. Le montage va s’avérer particulièrement pénible, l’ampleur des rushes étant monstrueuse. Fatigué de se battre avec le studio pour imposer sa vision du film, Reynolds finit par lâcher l’affaire et, comme pour Robin des bois dont on murmure que Kevin Costner aurait supervisé le montage final, l’acteur prend les rênes. Il met notamment au panier la musique de Mark Isham jugée trop sombre, pour la remplacer par une par- tition de James Newton Howard. Le montage cinéma de Waterworld, qui arrive dans les salles américaines le 28 juillet 1995, dure 2 h 16. Et le film sera bel et bien rentable : il rapportera 264 millions de dollars dans le monde pour un coût estimé à 175 millions. Pourtant, il ne marche pas aux États-Unis, où l’été est largement dominé par Apollo 13 de Ron Howard. Comme d’habitude outre-Atlantique, une version plus longue de quarante minutes est diffusée à la télé en 1996. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En 2005, un internaute surnommé McFly89 se lance un drôle de défi : éditer la version la plus complète de Waterworld. Grâce à une copie correcte du montage télé, il rassemble un montage de 2 h 51 qu’il nomme Ulysses Cut, rétablissant la violence et les jurons absents de la version TV. Les trois montages, cinéma, télé et Ulysses Cut, sont proposés sur ce Blu-ray. Et si ce "montage Ulysse" (dont le nom fait référence à la jolie scène finale originelle, rétablie pour l’occasion) ne change pas grand-chose au film, il lui donne cependant un autre rythme, plus riche, plus lent, et finalement plus épique.


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