Photocall Parthenope
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Paolo Sorrentino est de retour au Festival de Cannes aux côtés de Gary Oldman et d’une nouvelle révélation italienne : Celeste Dalla Porte.

Grand habitué de la Croisette où il présente régulièrement ses films en compétition, Paolo Sorrentino n’était pourtant plus revenu depuis 2015 avec Youth. Presque dix ans plus tard, son retour au Festival de Cannes est scruté par la presse friande de ses long-métrages emplis de poésie et d’amour pour sa ville natale : Naples. Combinant La Grande Belleza – Oscar du meilleur film étranger en 2013 – et La Main de Dieu – une autobiographie et son plus grand film - sa toute dernière lettre d’amour à la métropole italienne, Parthenope, a été présenté hier soir pour la première fois devant un public conquis par l’esthétisme et la poésie qui s’y dégagent, lui accordant neuf minutes de standing ovation.

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Lors de la conférence de presse suivant la projection, la magnificence de Parthenope embaumait la pièce et son aura divin donnait à l’ensemble un hymne lyrique évoquant la grâce et la philosophie du film, et des paroles sages.

Une allégorie magnifiée de Naples

Son nom est mythologique, il est celui d’une sirène souhaitant attirer Ulysse dans les tréfonds marins. Mais face à sa résistance, Parthenope se jette dans la mer, se noie et échoue à Naples. Elle est Naples. Dans ce film, Paolo Sorrentino fait le portrait d’une femme et d’une ville unies de manière intrinsèque : "Il s’agit d’une femme libre, spontanée, qui ne juge pas – tout comme la ville. C’est une réflexion sur la ville dans laquelle j’ai vécu."

Originaire de cette ville italienne, le cinéaste évoque la relation intime qu’il entretient avec celle-ci :

"Naples est une ville importante. On a l’impression d’être constamment dans un lieu de vacances (…) Mais il y a beaucoup de Napolitains qui ont un rapport de fuite constante avec la ville (…) Lorsque j’étais tout jeune, je n’attachais pas beaucoup d’importance à cette ville qui est extraordinaire. J’y suis revenu plus tard quand j’ai fait des films."

Beauté, mystère et liberté composent la joyeuse trinité de Parthenope. Dans ce décor onirique, on retrouve la fascination du réalisateur pour la beauté – incarnée à l’écran par la révélation Celeste Dalla Porta, la véritable sirène de ce Festival de Cannes – ainsi que par la grande actrice italienne Stefania Sandrelli. Celle que l’on surnomme la Catherine Deneuve italienne était venue à Cannes pour la première fois en 1961 alors qu’elle était à l’affiche de Divorce à L’Italienne dans lequel on retrouve également Marcello Mastroianni (dont le fantôme planait hier soir également sur le tapis rouge de Marcello Mio). 

"Je pense qu’il y a un moment de vie qui est présenté dans ce film, considère Stefania. Et j’ai vécu ce moment en tournant dans ce film. J’y ai perdu une part de jeunesse et d’innocence pour devenir quelqu’un de plus sérieux."

Mais cette beauté n’est pas une malédiction comme le déclare le créateur des séries The Young Pope et The New Pope. C’est un film sur la liberté, une odyssée temporelle qui se divise en deux temps et dans laquelle le spectateur suit la vie de cette déesse éprise de liberté de sa jeunesse dans les années 50 à nos jours où elle porte un regard plus critique et se retrouve désenchantée. Dans cette fresque humaine, Parthenope fait la rencontre d’un écrivain mélancolique, John Cheever, joué par le talentueux Gary Oldman (Dracula, Les Heures sombres) : derrière ses faiblesses et le chaos qui l’avoisine se cache la beauté, que seule Parthenope parvient à voir.

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"Il y a des similitudes entre moi et Monsieur Cheever"

L’acteur oscarisé a livré une réflexion quasi-philosophique sur lui-même, son métier et sa vieillesse. Mention d’abord quasiment impossible à échapper, celle de son rôle de Sirius Black dans la saga Harry Potter. Mémorable pour de nombreux fans et certainement aussi pour le journaliste qui a interrogé le Britannique sur sa récente déclaration dans laquelle il affirmait se trouver "médiocre" à l’écran dans ce personnage.

Gary Oldman se trouve "médiocre" en Sirius Black dans Harry Potter

"Je ne veux pas décourager les fans de Harry Potter (…) Ce que je voulais dire c’est que, comme tout artiste, on est toujours très critique de son travail. Si on ne l’est pas, et que vous êtes satisfait de ce que vous faites, cela signifie la mort de l’artiste pour moi."

Il a ajouté : "Si j’avais lu les cinq livres dès le début et vu l’évolution du personnage, j’aurais probablement approché le rôle différemment dans le film."

Son personnage et celui de Parthenope, souhaitant devenir aussi écrivaine, ont une forte relation platonique à travers laquelle l’acteur se retrouve :

"Pour Celeste, il s’agit de son premier grand rôle (…) Il y a là un dynamisme qui s’applique à notre relation que nous avons eu en tant qu’acteurs. Puisque moi j’ai une expérience, je suis un vétéran, je suis acteur depuis plus de cinquante ans, et Celeste est une actrice dont la vie va changer après ce film, et il y a une innocence, une pureté qui a disparu pour toujours (…) Elle s’expose à vous tous."

Y-a-t-il des similitudes entre lui et son personnage ? Gary Oldman n’a pas nié et s’est confié sur son propre rapport au temps et au chaos :

"J’ai un fils par alliance qui a seize ans et je crois qu’il est pressé d’avoir dix-huit ou vingt-et-un an parce que lorsqu’on est jeune, on veut que sa jeunesse soit finie et être adulte (..) On a un pied dans le passé et le futur, et on pisse sur le présent."

Il a continué en évoquant les problèmes de son personnage :

"Sa main tremble quand il veut appeler alcooliques anonymes, et moi j’ai connu ça. Je sais ce que cela signifie. Donc, dans ce personnage que j’incarne, il y a des choses que je comprenais instinctivement par expérience, une certaine mélancolie (…) Je sais ce que cela veut dire. On prend tous de l’âge et on est plus sage, espérons-nous."

Sous des applaudissements, il se félicite d’avoir réussi à résister à ses propres démons et d’être désormais sobre depuis vingt-sept ans.

Si l’intelligence artificielle pressent que Parthenope recevra la Palme d’Or cette année, il faudra attendre la fin de la semaine pour voir ce pronostic se réaliser ou non. Le film n’a pas encore de date de sortie prévue en France.

Parthenope
THE APARTMENT -PATHE