L’héroïne d’Un divan à Tunis - à voir sur Arte – raconte sa relation à un genre dans lequel elle a jusqu’ici trop peu évolué.
Golshifteh Farahani, au coeur de l'actualité ces derniers jours pour sa défense des manifestants iraniens, reviendra en ce mercredi soir sur Arte dans Un divan à Tunis. Un film réussi de Manele Labidi, qui avait conquis Première à sa sortie, en février 2020, et qui est déjà visible gratuitement sur le site de la chaîne. Nous republions à cette occasion cette interview de la comédienne.
Golshifteh Farahani sur la crise en Iran : "Personne ne m'a soutenue. Pas même le réalisateur Asghar Farhadi..."Est-ce le fait que ce soit une comédie qui vous a donné envie de tenir le premier rôle d’Un divan à Tunis, cette psy qui quitte Paris et retourne dans sa Tunisie natale pour y exercer son métier ?
Golshifteh Farahani : Cela faisait longtemps qu’un scénario ne m’avait fait autant rire. On y retrouve à toutes les pages ce sens de l’humour si particulier à la Tunisie. Et la rencontre avec Manèle (Labidi) n’a fait que confirmer cette première impression. Un divan à Tunis est son premier film mais on dirait qu’elle a fait ça toute sa vie. Dans mon parcours, il y a souvent eu des jeux de destin favorables donc je me fie toujours à lui. Et là je sentais que c’était un film que je devais faire. C’est difficile à expliquer mais c’est comme ça. Comme si une force extérieure à moi me dirigeait vers lui
On vous voit peu jouer dans des comédies. C’est parce qu’on ne vous en propose pas ?
Le premier à m’avoir dit que je j’étais faite pour la comédie, c’est… Ridley Scott en 2007 sur le plateau de Mensonges d’Etat. J’avoue que, sur le moment, je ne l’ai pas vraiment pris au sérieux. Mon désir d’évoluer sur ce terrain n’est venu que plus tard. Tout simplement, parce dans la vie je suis un vrai clown ! (rires) Mais cette envie- là a mis du temps à trouver un écho chez des réalisateurs. Alors certes, dans Un divan à Tunis, je ne suis pas le clown mais le réceptacle de la comédie et de mes partenaires qui ont à jouer des partitions souvent burlesques tandis que finalement je reste très sage. Mais qu’importe, être baignée dans cette énergie- là m’a ravie. J’ai en moi des montagnes de drame qui permettent des profondes vallées d’humour. Or si la montagne a été souvent explorée par les cinéastes, les vallées ont été finalement peu visitées. Et je le regrette. J’ai envie de lâcher cet animal de comédie en moi, de lui donner un peu d’espace
On dit pourtant souvent que la comédie est plus dure à jouer…
J’ai joué tellement de drames et de tragédies que finalement je finis par me glisser aujourd’hui naturellement dans ces personnages- là. Les Médée, les Antigone, les Bérénice… C’est dans la vie que la comédie me vient plus spontanément. Je fais rire tout le monde tout le temps et c’est cette humeur- là que j’aimerais emmener de plus en plus dans les films.
Qu’est-ce qui vous fait rire au cinéma ?
Récemment, j’étais découvert la série des Mon beau- père et moi et ça m’a énormément fait marrer. Mais la personne au monde qui me fait le plus rire dans la vie, c’est Alain Chabat. On a, je crois, un sens de l’humour très proche. Ce côté enfantin qui ressort en permanence, teinté d’une pincée d’ironie. On peut vraiment rire de choses vraiment nulles, des trucs de gamins qui passent par-dessus la tête de la plupart des adultes qui nous entourent
Santa & Cie a donc dû compter énormément pour vous ?
Oui et, pourtant, les gens ne m’en parlent pas beaucoup dans les interviews. Or ce film et ce rôle ont constitué un vrai moment pivot dans mon parcours. Alain a finalement été le premier à voir en moi ce que Ridley avait perçu. Ce potentiel de comédie. Comme un nouveau terrain qu’on m’autorisait à explorer.
Mais on vous voit souvent comme un étendard, un symbole. Et cela passe forcément par des personnages plus dramatiques et non spontanément par le rire…
J’en ai bien conscience. Je sens bien que les gens veulent m’enfermer dans cette position de symbole. Comme si je devais correspondre à la vision qu’ils ont de moi. Même dans Paterson, beaucoup ont fini par oublier que je joue un personnage très joyeux. On a une image de moi qui me renvoie sans cesse au drame, à la souffrance. Comme s’il était impossible pour certains de me voir rire ou sourire à l’écran. Vous pouvez l’imaginer, je n’ai aucune envie de ce carcan. Au fil des années, j’ai compris que mon parcours est le fruit de mon travail, pas celui des sujets que les films que j’interprète traite. Ma mission est de jouer. Que ce soit Paterson, Santa & Cie, Un divan à Tunis, Syngué Sabour ou Les Filles du soleil ! J’ai conscience que, dans la tête de beaucoup, il est difficile d’aller contre ce qu’on projette sur moi. Mais je rêve vraiment aujourd’hui d’une comédie burlesque.
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