Vingt-trois ans après le premier volet, les poulettes de Chicken Run reviennent sur Netflix avec La Menace Nuggets. En juin, au festival d'Annecy, le réalisateur Sam Fell et la productrice Leyla Hobart nous racontaient les secrets de cette suite inespérée.
Première : Dans quelles circonstances vous êtes-vous retrouvés impliqué dans cette suite que plus personne n’attendait ?
Sam Fell : C’était il y a six ans, j’ai croisé Peter Lord [réalisateur, animateur, scénariste et cofondateur du studio Aardman] dans une fête à Londres. On n’avait pas bossé ensemble depuis longtemps. Il m’a proposé qu’on refasse quelque chose tous les deux et m’a invité à venir voir ce sur quoi ils travaillaient. Et il y avait des choses géniales, mais surtout une potentiel nouveau Chicken Run ! Je ne voyais plus que ça. Le premier est plus qu’un film à mes yeux, c’est quelque chose qui s’est installé dans l’inconscient collectif. Et je sentais qu’il fallait lui donner une suite.
Leyla Hobart : Et moi dès que j’ai appris que Chicken Run 2 était une possibilité, je me suis incrustée (Rires.) Aardman bossait sur plein de trucs très alléchants, mais ce film-là était forcément très spécial.
SF : Peter Lord et Aardman ne voulaient surtout pas refaire le premier Chicken Run, il y avait une volonté d’évoluer, d’aller vers un nouveau chapitre. Et d’adopter un autre point de vue avec de nouvelles personnes à la barre. On a mis six ans, mais on l’a fait !
Il aura fallu 23 ans pour Chicken Run 2 puisse enfin voir le jour…
SF : Ouais, mieux vaut tard que jamais ! (Rires.)
Mais vous comprenez pourquoi cela a mis si longtemps, alors que le premier est le film en stop-motion le plus rentable de tous les temps ?
SF : Tout simplement parce que tu ne peux pas te pointer avec une suite de Chicken Run qui ne soit pas à la hauteur. Ça prend du temps, ce genre de choses.
LH : Évidemment, tout le monde leur demandait une suite depuis des années. Et bien sûr qu’ils y pensaient ! Tous les deux ans environ, Aardman fait un grand brainstorming, mais je crois que personne n’avait encore trouvé la façon de faire cette suite avec l’exigence de qualité du studio. Les propositions n’étaient tout souplement pas assez bonnes.
SF : Et puis un jour, on a craqué le code. L’idée centrale s’est vite résumée à un concept : le premier était un film d’évasion, celui-là allait être un film de casse. Immédiatement te viennent en tête des images de poules en mode braquage avec des gadgets (Rires.) Il y a là-dedans quelque chose de profondément comique, mais ça définit aussi tout un univers. Et on y a ajouté un cliché de science-fiction très années 60 autour du lavage de cerveau - à l’époque, le cinéma d’espionnage était obsédé par ça ! Sauf qu’il ne fallait pas que ce soit simplement un pastiche de James Bond, de Mission : Impossible ou des thrillers eurospy comme Danger : Diabolik ! ou Le commissaire X traque les chiens verts. Il y a aussi un peu de Truman Show et du Magicien d’Oz. En fait, on cherchait le juste milieu entre l’émotion et le divertissement pop-corn du samedi soir.
Et comment on le trouve, ce « juste milieu » ?
SF : Ah ! Plus facile à dire qu’à faire. La clé pour donner une résonance à l’histoire, c’était de pousser le personnage de Ginger à réévaluer son confort, de la forcer à se questionner sur ce qu’est la liberté. C’est ce qui nous guidés tout au long de la création du film. Ça, et le fait de ne pas hésiter à mettre en place de vrais enjeux, des questions de vie ou de mort. Dans le premier Chicken Run, ils tuaient carrément une poule, le genre de truc qu’on ne voit jamais dans un film d’animation ! Habituellement on en parle, mais on ne le montre pas. On devait donc être à la hauteur de cet héritage. Une fois que tu as installé la noirceur, alors tu peux te permettre d’être marrant.
Vu de l’extérieur, le stop-motion semble être une vraie torture à réaliser. C’est une technique qui demande une patience infinie. Pourquoi vous y accrocher ?
SF : Parce que c’est intemporel. Les images que tu obtiens grâce au stop-motion ne vieillissent pas. Si vous revoyez le premier Chicken Run, il n’a absolument pas l’air démodé. Au contraire ! Et je suis sûr que ce sera toujours la même chose dans 100 ans. Les nouvelles technologies ne font pas forcément des films meilleurs ou plus beaux. Il y a quelque chose dans le travail manuel du stop-motion qui fait que vous pouvez ressentir ressentir la patte humaine. C’est très concret. Pourtant, à la fin des années 90, quand Aardman faisait Chicken Run, Toy Story était déjà sorti depuis 5 ans. On se disait : « Mince, on est finis. On va devoir apprendre à utiliser des ordinateurs. » Et puis finalement non, on est toujours là, à travailler à l’ancienne. J’ai beau observer le développement de l’intelligence artificielle qui permet de produire des images incroyables sans effort, je crois profondément que l’aspect humain est plus important que jamais.
Chicken Run 2 : La Menace Nuggets, de Sam Fell, avec les voix (en VO) de Thandiwe Newton, Bella Ramsey, Zachary Levi… Disponible sur Netflix le 15 décembre. Durée : 1 h 41.
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