Justine Triet Palme d'Or 2023
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Avec Anatomie d’une chute, Justine Triet s’impose dans un palmarès consensuel, mixant les styles de films et où les favoris sont au rendez-vous.

Les contempteurs du cinéma français sont ce soir en PLS. De 2021 à 2023, depuis la fin de cette fichue pandémie, celui-ci aura donc totalisé un Lion d’Or (L’Evénement d’Audrey Diwan), un Ours d’Or (Sur l’Adamant de Nicolas Philibert) et deux Palmes d’Or. Avec Anatomie d’une chute, Justine Triet succède à Julia Ducournau (membre du Jury qui lui a décerné ce prix, une générosité peu commune dans cet exercice qui tient souvent du panier de crabes) et son Titane sacré en 2021. Un triomphe complété par le prix de la mise en scène pour La Passion de Dodin Bouffant de Trần Anh Hùng. Accueilli avec enthousiasme par la presse étrangère, il a même une voie royale vers l’Oscar du film étranger, récompense dont le cinéma français est privé depuis 30 ans et l’Indochine de Régis Wargnier.

Cannes 2023 : Anatomie d'une chute de Justine Triet remporte la Palme d'or [palmarès complet]

La victoire de Justine Triet n’est cependant pas une surprise. Quand on scrutait les étoiles de la presse française et internationale, Anatomie d’une chute s’imposait comme le favori avec The Zone of interest de Jonathan Glazer. Restait juste à savoir l’ordre - Palme et Grand Prix - entre les deux films qui partagent une actrice commune, l’exceptionnelle Sandra Hüller (vengée ce soir de l’affront de l’oubli de Toni Erdmann au palmarès en 2016), cas unique dans l’histoire du Festival.

Anatomie d'une chute
Le Pacte

Les aficionados de Glazer seront sans doute déçus… mais moins que les Italiens qui repartent bredouille après avoir pourtant sorti l’artillerie lourde (Nanni Moretti, Marco Bellocchio, Alice Rohrwacher qui avait jusqu’ici été récompensée pour tous ses films en compétition) et surtout que les Américains. Car si les représentants du pays de l’Oncle Sam restent les recordmen en nombre de Palmes (13 depuis Marty de Delbert Mann en 1955), ils n’ont plus remporté la récompense suprême depuis… 2011 et Tree of life de Terrence Malick (avec cette année-là un jury présidé par un Américain, Robert de Niro) ! Et ce alors qu’ils trustent les Lions d’Or à la Mostra (pas moins de 4 entre 2017 et 2022 : La Forme de l’eau, Joker, Nomadland et Toute la beauté et le sang versé).

Ce contraste n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour Thierry Frémaux qui s’efforce d’attirer chaque année vers la compétition cannoise le maximum de films hollywoodiens pour s’assurer stars et glamour sur le tapis rouge. S’engager dans la course à la Palme et repartir les mains vides, ça vous plombe une campagne des Oscars avant même de la commencer. Et on imagine que la décision d’Apple TV + et de Scorsese de se contenter de présenter Killers of the Flower Moon hors-compétition n’est pas étrangère à ce constat.

Thierry Frémaux et Martin Scorsese - Cannes 2023
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Ce palmarès 2023 a cependant réussi à ménager la chèvre et le chou, entre films d’auteur pointus (Les Herbes sèches, The Zone of interest…) et cinéma à vocation plus populaire (Dodin Bouffant), entre possesseurs de leur rond de serviette en compétition (Kore-eda, Kaurismäki, Wenders) et ceux qui ne s’y étaient jamais confrontés (Glazer, Tran Anh Hung). Mais aussi en excluant les œuvres plus radicales (Club zéro) ou entourées d’un parfum de souffre (Le Retour de Catherine Corsini, L’Eté dernier de Catherine Breillat). Et à Première, on regrettera que notre Palme à nous, Les Filles d’Olfa, récompensé de l’Oeil d’or consacrant le meilleur documentaire du festival toutes sections confondues, n’ait pas trouvé grâce aux yeux du jury, la proposition hybride de Kaouther Ben Hania ayant donc suscité chez eux plus de rejet que d’adhésion.

Reste désormais à ces films, primés ou non, à trouver leur place en salles. Rares sont ceux – contrairement aux éditions précédentes – à s’y être aventurés pendant le festival. Les démarrages réussis de Jeanne du Barry et L’Amour et les forêts peuvent laisser croire à une erreur de stratégie. L’automne sera forcément meurtrier pour certains et en particulier pour ceux qui ne seront pas auréolés d’une récompense. Pour Anatomie d’une chute, le rendez- vous est déjà fixé. Ce sera le 23 août. A vos agendas !

Cannes 2023 : le palmarès de Première