Le film événement de James Cameron revient dans les salles en version remasterisée.
Fin 2009, Avatar était attendu comme le film messie qui devait révolutionner le cinéma. James Cameron y brassait des influences diverses (le manga, le western, la SF), alors en attendant de revoir son blockbuster, Première vous propose de refaire le tour des influences d'Avatar.
Par Gaël Golhen
Terrence Malick
La trame d'Avatar (une histoire d'amour entre un marine et une sauvage) reprend la légende de Pocahontas transfigurée par Malick dans son Nouveau Monde. Mais c'est d'abord en terme de mise en scène et de thématiques que James Cameron marche clairement sur les traces du cinéaste de La Ligne Rouge. Plus que le film de guerre ou les délires SF, ce qui intéresse Cameron, c'est ce qui est au coeur de la Ballade sauvage et des Moissons du ciel : le lien invisible qui unit les choses, l'harmonie entre l'homme et la nature que des centaines de mechas ne suffiront pas à rompre. La mise en scène de Cameron est tout entière définie par cette idée : quoi que puisse faire les Na'vi, ils sont toujours compris par leur environnement, inclus dans un système panthéiste qui les (nous) dépasse... A mi-chemin entre le zen (la sérénité contemplative), l’animisme (pour la vie qui bouge dans tous les coins de cette forêt magique) et le new age (la quête d’un paradis primitif), Avatar développe une esthétique du choc des contraires (yin et yang) et une mise en scène du religieux stupéfiantes... Ce que Malick a poussé le plus loin dans La Ligne Rouge et... son Nouveau Monde.
Danse avec les loups
Danse avec les loups influence d'Avatar ? Il suffit de dire que les deux films sont des épopées de trois heures marquées du double sceau de l'action et de la contemplation, que Danse avec les loups comme Avatar part à la recherche des fondements de la nation américaine en rendant hommage au peuple indigène pour voir ce que le chef d'oeuvre de Cameron doit à Kevin Costner. Hommages respectueux de la langue et des coutumes de civilisations disparue ou inventée, les deux films sont aussi, d'abord, des hommage moraux, puisqu'ils témoignent de l'horreur d'un génocide... Et, même s'il utilise des outils technologique de pointe, Avatar est, comme le film de Costner, un grand film classique.
La flèche brisée
Marines en Cowboys et Na'vi en Indiens. Des flèches, des flingues, la charge d'une cavalerie hi-tech et des dinos-bisons... James Cameron le confiait en conférence de presse : "Avatar est très influencé par les westerns classiques". C'est dit. Le film fait, de fait, beaucoup référence à La Flèche brisée western chéri des cinéphiles. Ce chef d'oeuvre de Delmer Daves, raconte l'histoire d'un cowboy qui, pour éviter la guerre que se livrent les blancs et les peaux rouges, décide de tout apprendre sur les indiens et tombe amoureux d'une indienne. Toujours la même histoire, mais comme James Cameron, le lyrisme de Daves, son immense talent plastique, lui sert d'abord à exprimer la dualité du sujet au coeur du film : ce qui aurait pu être (le bonheur parfait des deux héros) et ce qui se passe finalement (le conflit, la guerre). Et bien avant l'ère du digital, Daves flirte entre ultra-réalisme (le traitement de la civilisation indienne) et une part de rêverie, de fantasme, indispensable à l'homme.
Miyazaki
Au-delà de l'imagerie parfois similaire (les îles flottantes ou l'arbre magique qu'on dirait sortis de Laputa), Cameron et Miyazaki partagent une mystique du détail, un émerveillement écolo et une quête d’harmonie visuelle étourdissantes. Si Avatar ressemble autant à un animé du géant nippon, c'est que Cameron comme Miyazaki savent par leur génie graphique donner vie à un univers totalement imaginaire. Ils parviennent à nous faire percevoir la clarté d’un ciel ou d’une rivière, la respiration d’une forêt ou d'un animal comme personne. Dans Avatar, on ressent le souffle d'un dragon, la fureur d'un fauve animé d’une façon beaucoup plus palpable que dans 90 % des films live. C'est cette dialectique (l'animation et le monde Naavis plus réel que le monde humain et live) qui est au coeur du projet d'Avatar. Par ailleurs, comme tous les films de Miyazaki, Avatar développe un discours écolo warriors particulièrement offensif, Cameron rejoignant sur le sujet (et sans se forcer) le pessimisme radical de Princesse Mononoké.
Star Wars
On aurait pu choisir Matrix (pour le glissement entre deux mondes dont l'un serait virtuel), mais George Lucas a inventé le space opera dans lequel s'inscrit tranquillement Avatar : les citations (Homère, la Bible, Shakespeare), le mix parfait entre western, jeux vidéo et influences asiatiques, la compil de mythes (ici se mêlent la Grèce, l'hindouisme, le zen), le défi technologique, l'ampleur (Lucas et Cameron sont deux enfants de David Lean).
Lawrence d'Arabie
Dès qu'on parle de cinéma épique, on pense forcément à David Lean, figure essentielle du cinéma d'aventure. Avatar, sur le terrain du gigantisme s'inspire très clairement du cinéaste anglais. Par la durée (2h50), le format (IMAX 3D VS 70 mm à l'époque), l'ampleur et le tour de force technique. James Cameron le confiait d'ailleurs au magazine Empire : "Avatar prend ses racines dans la SF des 40's / 50's. Mais le film doit beaucoup au storytelling des récits d'aventures de Rudyard Kipling ou à Lawrence d'Arabie. Le film est bourré d'archétypes qui appartiennent à cette tradition : la frontière, le conflit entre une civilisation technique et militaire et une population indigène et rebelle..." Au-delà de ces références ce que Cameron reprend à Lean c'est surtout l'ambiguité du héros et son projet de déconstruction morale. Comme Lawrence, le Jack Sully d'Avatar est un homme complexe qui n'est jamais plus lui-même, ni plus héroïque, que lorsqu'il reste impénétrable. Les deux hommes sont des déracinés moraux qui tentent de prendre leur destin en main en se créant une seconde identité, virtuelle (El urens pour Lawrence et son avatar pour Sully). Mais c'est aussi dans la mise en scène que Cameron se réferre à Lean. Pour lawrence, David Lean voulait créer un nouveau réalisme spectaculaire, atteindre une dimension cosmique par un style à la fois sobre et grandiose. En terme de cinéma, c'est ce que réalise Cameron, 45 ans plus tard...
James Cameron
La dernière partie du film où les marines se mettent à sortir les guns et les méchas rappellent évidemment l'obsession de Cameron pour les uniformes et la baston. Dans le genre, il n'a pas fait mieux qu'Aliens. Et de fait, Avatar est aussi (surtout) une compil de toutes ses obsessions : la technologie, les femmes warriors, la peur du nucléaire, les délires mythologiques et une love story qui n'est pas sans rappeler Titanic (3D).
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