L’actrice n’apprécie pas du tout que le film de Michel Hazanavicius utilise la musique de Sueurs froides, et emploie les grands moyens pour le faire savoir.The Artist, hommage au cinéma muet avec Jean Dujardin et Bérénice Bejo, séduit les Etats-Unis : déjà meilleur film de l’année selon les critiques New-Yorkais et selon le Time Magazine, le film de Michel Hazanavicius est même favori pour les Golden Globes… En attendant le trophée du Meilleur film aux Oscars 2012 ? Mais hier, une note dissonante dans ce concert de louanges se faisait entendre.Le site Deadline Hollywood rapporte que l’actrice Kim Novak (79 ans), membre du jury des Oscars en tant qu’adhérente de l’AMPAS (Academy of Motion Picture Arts And Science), s’est emportée à la vision du film. La raison ? L’utilisation d’un extrait de la bande originale de Sueurs froides (1958), l’un des plus célèbres films d’Alfred Hitchcock, où James Stewart tombe raide amoureux de Kim Novak, au sein d’une intrigue perverse entre fantasme et acrophobie.Loin d’apprécier l’hommage à Herrmann, Kim Novak a été profondément blessée, d’après son agent Sue Cameron : "Elle était dans son salon, elle a regardé le DVD, et elle est tombée dans un état de choc, elle était dévastée. Quand vous entendez au cinéma une musique qui engendre des émotions précises venue d’un vieux film, et que cette musique est utilisée pour évoquer ces mêmes émotions, cela peut être douloureux. Nous savons que l’équipe de The Artist avaient légalement le droit d’utiliser la musique de Sueurs froides, mais ce morceau était celui utilisé pour certaines scènes très connues, comme quand Kim et Jimmy Stewart s’embrassent près de l’arbre après avoir conduit le long de la mer. Kim est très, très en colère." Simple souvenir qui ne passe pas ? Kim Novak est pourtant allée jusqu’à acheter une pleine page de publicité dans la presse californienne, afin de publier un communiqué, assez décousu, mais qui explique pourquoi, de son point de vue, The Artist commet une faute en utilisant cette musique : "Je viens dénoncer un viol (…) Une grande oeuvre s’est fait violer par The Artist. Ce film a pris le "Love Theme" issu de la bande originale de Sueurs froides et s’est approprié les émotions que ce morceau engendre. Alfred Hitchock et Jimmy Stewart ne peuvent pas se défendre, mais je peux parler en leur nom. (…) Même si le générique de The Artist comporte le nom de Bernard Herrmann, je considère cette manière de faire comme de la triche. Honte sur eux !"Passons sur le fait que le titre original du morceau est "Scene d'Amour" (en français et sans accent dans le texte) et non pas "Love Theme". L'actrice, dans la conclusion de ce communiqué, finit même par se poser en pasionaria de la cause : "Ce genre d’"emprunts" est dangereux pour l’avenir des artistes de cinéma. Il est moralement répréhensible pour des membres de notre industrie d’user et abuser de célèbres œuvres d’art pour attirer l’attention et récolter de la gloire, tout en détournant ces œuvres de leur sens original. Il est essentiel que tous les artistes s’engagent pour préserver nos œuvres pour la postérité, avec leurs identités intactes et protégées."Dans la foulée, Michel Hazanavicius a lui aussi publié un communiqué, pour se justifier : "The Artist a été conçu comme une lettre d’amour pour le cinéma, et est né de l'admiration et du respect que moi et mon équipe portons pour tous les films à travers l’histoire. Nous avons été inspirés par le travail d’Hitchcock, Fritz Lang, Lubitsch, Murnau et Billy Wilder. J’adore Bernard Herrmann, sa musique a été utilisée dans beaucoup de films différents et je suis très heureux d’avoir pu l’utiliser dans mon film. Je respecte beaucoup Kim Novak, et je suis navré d’apprendre qu’elle n’apprécie pas cet hommage."Ceci étant posé, la réaction de Kim Novak paraît très disproportionnée : l’Académie des Oscars a déclaré valide la candidature de The Artist pour le trophée de la Meilleure musique, puisque celle-ci est originale à 80% et écrite par Ludovic Bource (qui a déjà signé les partitions des deux OSS 117). On est donc très loin d’un pillage caractérisé. Et malgré le foin que fait Kim Novak pour attirer l’attention sur ce faux problème, deux conclusions s’imposent : primo, les chances de The Artist dans la course aux Oscars ne sont en rien diminuées (Kim Novak ayant une voix parmi les 5 800 membres du jury...) ; deuzio, difficile de ne pas voir dans ce mini-scandale autre chose que la colère d’une actrice âgée, dont les souvenirs de son rôle le plus connu sont remontés à la surface avec The Artist. Film qui traite, après tout, de l’éternelle nostalgie d’un passé fantasmé.