Première
par Christophe Narbonne
Imaginez un film au budget pharaonique rassemblant les meilleurs techniciens à chaque poste, du moindre machino aux stars locales, sous la coupe d’un cinéaste légendaire. Voilà à quoi ressemble Les 3 Royaumes, fresque historique à la direction artistique d’une ampleur rarement égalée et à la mise en scène virtuose (depuis Peckinpah, qui, mieux que Woo, maîtrise aussi bien le ralenti ?) Au passage, les stratégies guerrières utilisées, splendidement reconstituées, agissent comme une métaphore du métier de cinéaste, qui consiste à exploiter au mieux le potentiel de ses troupes. On ne voit guère que Gladiator à avoir rassemblé tant de qualités et d’enjeux en un seul film. Cette histoire de guerre fratricide permet à Woo d’explorer ses thèmes de prédilection : l’héroïsme et ses limites (l’orgueil, le renoncement à certains idéaux...), l’ambiguïté du mal (sa définition varie selon les points de vue), les jeux de masques et de dupes. Film-étendard de son cinéma en même temps que renouvellement – il n’avait pas tourné de wu xia pian (film de sabre chinois) depuis trente ans –, Les 3 Royaumes illustre le retour en grande forme de John Woo. Bonne nouvelle.