Michael, Silent Hill a un univers très particulier dans la galaxie des jeux vidéos. Comment décririez-vous ce jeu ?Silent Hill c'est de la "fantasy-horror", un monde peuplé de monstres, avec une mythologie propre et très complexe... ce n'est pas juste une maison hantée et un fantôme. Le jeu propose l'exploration totale d'un monde dense et traite finalement de la corruption de l'esprit. C'est de l'horreur psychologique. On a souvent comparé les jeux à Resident Evil. Non sens ! Resident Evil c'est de l'action pure, on passe son temps à shooter des zombies et c'est pour ça que les adaptations sont des actioners. L'enjeu pour les adaptations de Silent Hill c'est l'univers. Il faut réussir sa transposition, l'expliquer aux néophytes, tout en ne décevant pas les gamers. Pas facile... Mais du coup, quand vous faites le film, vous pensez à qui ? Au néophyte ou au gamer ?Sur ce coup, j'ai vraiment pensé aux joueurs - de toute façon, on va pas se mentir, j'en suis un (rires). Je voulais surtout donner ma version de Silent Hill. Avec la production on a passé beaucoup de temps à déterminer ce qu'aimeraient voir les joueurs. Sachant qu'il y a en réalité autant de versions possibles que de gamers puisque chacun se fait son film dans sa tête. Vous ne pouvez jamais réellement les satisfaire. Du coup, j'ai surtout essayé de livrer une version qui respecte l’œuvre d'origine.On parle de la 3D ?C'est un choix de la prod.Mais c'était pour l'immersionHmmm… Au départ je n'étais pas très chaud. Parce que je n'ai jamais été vraiment convaincu par les films en 3D - c'était plus une contrainte, genre : « ok, ils le passent en 3D donc je vais le voir en 3D ». Mais au fond, je m'en fous. On ne va pas refaire ce vieux débat, mais de nombreux films ont été tournés en 2D puis convertis en 3D, et du coup c'est devenu un gadget. Et quand c'est fait après le tournage, ça rend la 3D un peu plus moche. Du coup, quand on a parlé de faire le film en 3D, j'ai dit au studio que j'étais partant à condition de tourner en 3D dès le départ. Mais je suis assez satisfait du résultat.Ca change quoi concrètement sur le tournage ?Les caméras sont plus massives ; on ne peut pas bouger aussi facilement. Mais la grosse différence c'est que la 3D est un peu dure à suivre pour l’œil, et il faut prendre ça en compte dans le montage. Sans parler du fait que la plupart des gens verront le film en 2D, et peuvent donc parfaitement penser « c'était cool en 2D, pourquoi ils en font des tonnes sur la 3D ? ». Maintenant, personnellement, je suis heureux d'avoir pu tourner en 3D et je suis content du résultat. C'était une expérience intéressante, du point de vue technique et créatif... même si je ne suis pas sûr que je le referai (sourire).Pourquoi ?Ca vous limite. Tout ce que vous avez appris à faire en 2D, toutes les options, les astuces que vous connaissez, les mouvements de caméra… tout ça disparaît avec la 3D. C'est un autre langage, une autre manière de penser le cinéma, surtout à cause de la taille des caméras... Et puis je ne sais même pas si le public veut vraiment de la 3D. C'est parfois efficace et les spectateurs sont contents, mais est-ce que ça change vraiment la vision du film ? J'ai du mal à me faire un avis définitif.J’ai revu Wilderness, récemment et en découvrant Révélation, j’ai été frappé de retrouver la même idée au coeur des films : personne n'est innocent. Vous avez un problème avec ça ?(rires) C’est vrai ! Je pense que personne n'est jamais totalement innocent. Après, c'est différent de Wilderness, où il s'agissait de détenus qui tombaient sur quelqu'un d'encore plus dangereux : les « gentils » étaient aussi méchants que les méchants ! Dans Silent Hill, le principe c'est que tout le monde est plus ou moins corrompu, parce que c'est le principe de la ville maudite. Mais si Heather (l'héroïne du film jouée par Adelaide Clemens, ndlr) est innocente au début, c’est qu’elle ignore qu'une partie d'elle-même est déjà corrompue. Je crois vraiment à l’idée que pour être une personne entière, on doit avoir des bons comme des mauvais côtés. C'est l'inverse du manichéisme : les gens bien sont capables de faire le mal et les gens mauvais sont capables de faire le bien.Comme Kit Harington, vous avez fait des cauchemars après le tournage ?(rires) En fait après le tournage, Kit s'est cassé la cheville et il a dû aller à l'hôpital. Le truc c'est que dans le film aussi, il a cette scène où il est dans un hôpital, attaché à un brancard, complètement entravé, encerclé par des infirmières monstrueuses qui veulent le charcuter. La réalité a rattrapé la fiction, et ça a dû lui rappeler des souvenirs pas très agréables. Quand je l’ai vu après, il m’a dit que « c'était comme retourner à Silent Hill ! ». C'est vrai que pendant un tournage de film d'horreur on est immergé dans une ambiance où à peu près tout est censé être monstrueux et flippant. Si on y reste trop longtemps, ça vous marque inconsciemment. Je rêvais juste de refaire certaines scènes différemment, de partir dans d'autres directions. Mais je vous le confirme, c'est une bonne chose de ne pas rêver de Silent Hill ! (rires)Le film est parfois très gore, notamment toutes les scènes à l'hôpital. C'était une manière sadique de réaliser votre ancien rêve, devenir vétérinaire ?Ahahha, oui je voulais être vétérinaire, et vu que j'habitais la campagne étant jeune j'ai pu être assistant vétérinaire, donc je disséquais des animaux. C'est sans doute pour ça que le côté gore qui dégoûte généralement les gens me semble parfaitement normal (rires). Je suis très heureux d'aller loin dans ce registre dans mes films. Bon par contre je ne pense pas que les scènes sanglantes à l'hôpital de Silent Hill reflètent mon ancienne vocation (rires).Toujours sur le plan personnel, j’ai l’impression que vous aimez bien les lieux creepy. Si vous aviez le choix entre passer une nuit à Silent Hill, sur l'île de Wilderness ou sur le terrain de La Tranchée (son premier film, où des soldats se font tuer par une force surnaturelle, ndlr) vous choisiriez quoi ?Question difficile ! Hmm... l'île de Wilderness, avec les détenus, le cinglé et ses chiens d'attaque qui bouffent tout le monde, ça ce serait des sacrées vacances... Le décor de La Tranchée se rapproche beaucoup des rues de Silent Hill finalement. Je dirais que c'est pire dans La Tranchée parce qu'il fait froid, il pleut. Finalement je choisirais Silent Hill, parce que j'irais là-bas avec l'espoir que mes démons intérieurs ne me rattrapent pas.Le film a reçu un accueil mitigé chez les critiques américaines, vous le prenez comment ?Certains cinéastes diraient que de toute façon les critiques détestent les films d'horreur, que c'est un genre difficile. Mais c'est une excuse : au fond, on fait un film pour qu'il plaise et c'est toujours très décevant d'avoir une mauvaise presse. On se demande forcément ce qu’on a fait de travers. Silent Hill, c’est encore plus compliqué parce que les fans vous attendent aussi au tournant. Certains ont apprécié, d'autres ont vraiment détesté. Avec du recul, je m'aperçois qu'à chaque long-métrage que je fais, pour les uns c'est le pire film de l'histoire du cinéma, pour les autres le meilleur de tous les temps. C'est évidemment faux dans les deux cas et la vérité doit être entre les deux. Mais effectivement les critiques américaines étaient plutôt mauvaises. Je sais juste que j'ai fait ce que je pensais être la meilleure version au moment du tournage, peut-être qu'en le revoyant dans plusieurs années je serai consterné par mes choix artistiques, ou peut-être qu'au contraire je me dirai que c'est très bien.Votre version du monstre nommé « Missionary » s'éloigne de celle du jeu, et bizarrement, se rapproche de l'apparence d'un autre personnage de jeu vidéo : Voldo de Soulcalibur, ça m'a un peu perturbé.Sérieux ? Ah mince. Je ne savais pas. Il a les lames qui lui sortent de la tête ?Ça se rapproche surtout de cette apparence très SM en règle générale.Wahou, Je ne savais pas. Cool, je vais me renseigner ! Il est dans quel Soulcalibur ?Je crois qu'il est là dès le début.Je vais voir ça avec Patrick Tatopoulos, c'est lui qui a fait tous les design. Je connais le jeu mais je ne vois pas bien le personnage. Personnellement dans Silent Hill mon préféré reste le « brain monster » (monstre dont on voit le cerveau à nu, ndlr). Et mon monstre préféré de tous les temps est celui de Alien le 8e passager, c'est ce qui m'a donné envie de faire ce métier, même si en terme de film d'horreur je crois que je préfère The Thing.Finalement, vous êtes dans votre élément au PIFFF (Paris International Fantastic Film Festival) ?J'ai commencé à faire des films parce que je suis un fan de ce cinéma, et je trouve que l'ambiance de ces festivals, le public… il n'y a pas mieux. J'écumais moi-même ce genre d'événements quand j’étais jeune. Là-bas les spectateurs peuvent être très cruels, mais quand ils aiment, ce n'est pas qu'à moitié. Je crois que le PIFFF est encore assez récent, j'espère que Silent Hill a su trouver son public, et qu'il le trouvera en France. Sinon un nouveau film Silent Hill reviendra dans quelques temps avec une nouvelle histoire, une nouvelle approche. Ce serait intéressant de développer des histoires qui ne soient plus du tout des adaptations directes des jeux, mais simplement des intrigues inédites qui prennent place dans l'univers de Silent Hill.Vous vous voyez récidiver ?Pas forcément. De toute façon je ne sais pas du tout ce qui se décidera pour l'avenir de la franchise. En fait je suis assez curieux de voir ce qu'un nouveau réalisateur pourrait apporter, avec une nouvelle vision. Le monde de Silent Hill est suffisamment riche pour que d'autres en tirent des choses intéressantes.Propos recueillis par Yérim Sar
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