Elle est devenue mainstreamAu milieu des années 90, Noémie Lvovsky faisait son entrée dans le cinoche français avec Oublie-moi et l’expérimental Petites, cut-up tv halluciné de gamines. L'adolescence au coeur de sa recherche : être une fille qui grandit, travaillée par ses hormones avec tout le mauvais goût de l'âge ingrat. La Vie ne me fait pas peur ressemblait à ça aussi. En gros, du post Desplechin, mal dégrossi et un peu autiste. 2000. Elle continue la mise en scène mais se mue parallèlement en actrice. Tendance Shiva : elle passe de l’arty (Desplechin, Bruni-Tedeschi, Bonello) au mainstream (Attal, Pascal Thomas, et surtout Les Beaux gosses) ce qui l’a sans doute nourrie dans son travail de réal. Avec Les Sentiments, elle mettait un orteil dans le registre de la comédie… Mais Camille Redouble est de loin son film le plus accessible et le plus populaire, qui flirte avec la comédie américaine, les paradoxes spatiotemporels et lorgne moins vers la nouvelle nouvelle vague (jamais césarisée et pour cause) que du côté JaBac ou Resnais (régulièrement sacralisés). Au fond, Camille redouble, mais réussit l’improbable grand écart entre Coppola (c’est un remake non officiel de Peggy Sue) et Patrick Schulmann (la comédie 80’s à cheveux gras). Vu comme ça, elle a forcément toute ses chances.Son film est calibré pourDes acteurs. Méconnus (Samir Guesmi) ou stars (Podalydes, Amalric ou Yolande Moreau) ils jouent vraiment ici. Camille Redouble montre d’ailleurs que le cinéma de Lvovsky a évolué vers un cinoche plus soucieux de ses comédiens ; moins fixée sur le naturalisme brute de ses débuts, elle offre un terrain de jeu idéal à Guesmi, Poda ou Moreau qui sont parfaits. Idéal pour les récompenses lors d’une cérémonie qui aime célébrer les acteurs.Ensuite, sa petite ritournelle nostalgique fait péter les barrières intellos. Le charme du film tient moins à son concept cool (un voyage dans le temps) ou à ses ambitions de cinéma (un film de SF littéraire et sans trucages), qu’à son énergie juvénile, à ces effluves de nos années lycée qui laissent passer l’idée que dans un monde en crise, la révolution arrive toujours par (le retour de) la jeunesse. Dis comme ça, c’est moins effrayant pour l’Académie… Enfin, c’est une comédie. Si l’Académie n’est pas une grosse fan de LOL (surtout populaire - voir le scandale Boon), ici, il s’agit d’une comédie d’auteur qui a eu le mérite de remporter un vrai succès public. Tout ça devrait facilement effacer les défauts de Camille redouble – le film n’est pas très bien réalisé, mais après tout, on s’en fiche et Lvovsky la première ("sur le plateau je préfère rester avec mes acteurs qu'avec mon chef op'" déclarait-elle au magazine Technikart)Audiard pourrait repartir bredouilleJamais deux sans trois ? Avec De Rouille et d’Os, Audiard vise donc un troisième sacre. Mais pas sûr que ça se passe comme ça. D’abord parce que son film est plus fragile, moins évident qu’Un Prophète, plus étrange aussi (un mélo social enrobé dans une fable onirique sur la relation père-fils ; La Nuit du chasseur chez les Dardennes en gros). Ce qui lui a valu le désaveu cannois pourrait bien lui coûter ses César. Marion Cotillard est immense, certes, mais elle est presque étouffée par la dimension « perf » du rôle – et elle est parasitée par ses meme Dark Knight, sans parler du sketch de « l’ours » lors de la récente soirée « Débarquement » de Canal. Mathématiquement, ce sera de toute façon très compliqué pour le grand Jacques. Aucun cinéaste n’est parvenu à réaliser trois grands Chelem d’affilée (meilleur réal + meilleur film + meilleur acteur/actrice). Et de Cannes jusqu’aux nominations aux Oscars, l’année 2012 aura marqué le triomphe de l’Amour – le film d’Haneke lui sera passé devant avec une constance et une régularité toutes autrichiennes pendant toutes les remises de prix. Sans Audiard, Lvovsky a ses chances. Mais des chances d’outsiders parce que…2013, c’est Amour, à mort. Normalement…Le vrai problème de Lvovsky, c’est l’aspirateur aux récompenses franco-autrichien. Amour. Triomphe à Cannes, sacre aux Golden Globes, hold up des multiples prix américains (Las Vegas Film Critics Award, NYFCCA etc etc)… On ne voit pas bien comment Haneke pourrait échapper au César du meilleur film, et Trintignant et Riva à ceux des meilleurs acteurs. Pour la réalisation, ça devrait se jouer entre Haneke et Audiard. Alors, c’est plié ? Rideau ? Non, il reste une chance à Camille : et si, comme l’année dernière, les Français voulaient encore faire les petits malins ? Alors que tout le monde donnait le Duj’ vainqueur, l’Académie avait décidé de refiler le César du meilleur acteur à Omar. Comme un pied de nez à l’international et à Cannes, comme pour affirmer cette fameuse exception culturelle… Réponse le 22 février.Gaël GolhenCésar 2013 : Noémie Lvovsky vole la vedette à Audiard et Haneke
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