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Tout le monde connaît la scène de la douche de Psychose. Mieux : tout le monde a quelque chose à dire sur la scène de la douche de Psychose. C’est ce que démontre le réalisateur Alexandre O. Philippe (déjà auteur de l’excellent The People vs. George Lucas, sur la relation d’amour-haine entre le créateur de Star Wars et ses fans) dans son nouveau documentaire, en convoquant un invraisemblable aéropage de gens plus ou moins célèbres, invités à disséquer les 45 secondes qui ont traumatisé l’histoire du cinéma. Il y a ici Guillermo del Toro, Peter Bogdanovich, Elijah Wood, Jamie Lee Curtis, Danny Elfman, Mick Garris, Eli Roth, des critiques, des historiens de l’art, des fans connus, des techniciens inconnus, des people de passage… Le casting n’est pas forcément très cohérent mais, justement, c’est l’idée. 78/52 – les derniers secrets de Psychose (le titre désigne les 78 plans et 52 coupes de la fameuse séquence) privilégie la profusion, le déluge de paroles, le flots d’exégèses, la logorrhée, l’analyse sans fin qu’on peut faire de cette scène révolutionnaire – analyse qui, de fait, dure depuis bientôt 60 ans. Ce flot de commentaires forme l’ossature d’un documentaire de 90 minutes qui file à toute allure, un vrai film de nerd, bourré d’infos, d’archives cool, d’analyses brillantes, et qui entend être aux derniers instants de la pauvre Marion Crane ce que le documentaire zinzin Room 237 est à Shining.

La seule différence étant que, là où Room 237 vise à démontrer que les fans hardcore du film de Kubrick sont un peu fous dans leur tête et racontent à l’occasion n’importe quoi, 78/52, lui, ne propose pas réellement de lecture révolutionnaire ou saugrenue de la scène de la douche. Il privilégie plutôt le geste somme, compilatoire et définitif, cherchant à la scruter sous tous les angles possibles et imaginables : historique (Peter Bogdanovich, présent à l’avant-première new-yorkaise du film, raconte les cris d’effrois des spectateurs et la sensation qu’il a eu ce jour-là d’avoir été « violé »), esthétique (la scène marque l’invention du slasher et les prémisses du cinéma gore), politique (la terreur devient domestique, l’horreur politique des sixties est pour bientôt), anecdotique (saviez-vous que le bruiteur de la scène avait poignardé un avocat et un bifteck d’aloyau ?)… Alexandre O. Philippe veut disséquer la scène jusqu’à épuisement. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à dire dessus, plus rien à distinguer sur les carreaux blancs tachés de sang du Bates Motel. Mais c’est bien sûr l’inverse qui se produit. Après avoir fini 78/52, on n’a qu’une seule envie : revoir Psychose. Et en discuter, à l’infini.

78/52 : les derniers secrets de Psychose, sur arte.tv jusqu’au 22 novembre.