Marcello Mio
ABACA

Marcello Mio, avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Benjamin Biolay, Fabrice Luchini, Melvil Poupaud et Nicole Garcia, a été présenté à Cannes en compétition officielle.

Si, la vielle, lors de la projection, Fabrice Luchini lui volait la vedette, c’est encadré par son amie, Chiara Mastroianni et par la grande Catherine Deneuve, que Christophe Honoré répond aux questions de cette conférence de presse sur Marcello Mio. De ce film, ses acteurs incarnent tous leurs propres rôles. “Je ne peux pas échapper à Chiara Mastroianni,” plaisante-t-il lorsqu’on lui demande où il a trouvé l’inspiration de son dernier film.

“Ça faisait longtemps que j'avais envie de parler du travail et de l'identité des acteurs, dit-il, plus sérieusement. [...] Ce travail de double identification m’intéressait. [...] Qu’est-ce que c’est que de passer sa vie à voler les identités des autres ?”

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Un exercice méta-cinématographique difficile, auquel ses comédiens ont accepté de se plier, avec plaisir, mais non sans questionnements.

“Christophe m’en a parlé avant de l'écrire, précise l’actrice principale. J’ai trouvé que c'était très audacieux, et même que c’était un pari risqué, très excitant.”

Un enthousiasme que réfrène un peu sa mère, Catherine Deneuve :

“A priori, moi, de jouer mon propre rôle, ça ne m'excite pas. C’est pas tellement mon genre. Très vite, Philippe Martin et Christophe m’ont fait lire le scénario. Il m’a beaucoup plus. Il y avait beaucoup d’esprit, d’originalité, de tendresse. Donc j’ai accepté,” rapporte celle qui fête aussi les soixante ans de la Palme d’Or des Parapluies de Cherbourg cette année.

A son habitude, Fabrice Luchini amuse la galerie en admettant n’avoir rien compris à son rôle. Dans Marcello Mio, son personnage est l’un des amis les plus proches de Chiara/Marcello.

“J’ai pas bien compris ce qu’il m’a demandé, bredouille-t-il, faussement penaud. Il m’a mis dans une structure globale. Moi je ne comprends pas trop intellectuellement les choses, je pense très peu quand je joue. Il m’a dit de dire mes répliques, alors j’ai dit mes répliques. Vous dire que je suis comme ça dans la vie serait excessif. Mais c’est le talent de Christophe de révéler des parties de nous qu’on ne pensait pas exister. Il nous dit : “T’es pas un merde à ce point là”, alors on se dit peut-être qu’il a raison.”

Le comédien n’est pas le seul à s’être trouvé différent de son personnage. Melvil Poupaud et Nicole Garcia ne se sont pas non plus econnus. 

“Quand j’ai reçu le scénario, j’avais déjà dit que je ferais le film. Je ne me suis pas du tout reconnu dans ce Melvil-là. J’appelais Chiara, et je lui demandais : 'Tu me trouves vraiment méchant comme ça ?'. J’ai eu l'impression de jouer le rôle d’un autre Melvil, d’un acteur.”

“J’étais comme Melvil, ajoute Nicole Garcia. C’est ça la force de ce film : on est nous mêmes, mais en même temps, je ne crois pas avoir cette brutalité.”

“Elle est brusque mais pas brutale,” plaisante Catherine Deneuve.

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Jean-Louis Fernandez / Jean-Louis Fernandez

Finalement, c’est sa fille qui trouve la formule la plus juste pour décrire les intentions de Christophe Honoré : 

“C’est comme des personnages de fiction inspirés de personnages réels. Au théâtre, j’ai vu comment à partir de l'intime, il [Christophe Honoré] créé de la fiction, du romanesque, avec un onirisme qui arrive. La machine s'emballe et arrive un personnage, inspiré d’une personne réelle mais qui va faire autre chose que le réel.”

L’intrus ? Hugh Skinner (Fleabag, The Witcher), qui joue un personnage purement fictionel. Pour la composition de son personnage, le comédien britannique, très “honoré” de jouer dans un film français, a essayé de comprendre "l’essence du jeu d’acteur”.

“Mon personnage, c’est un vrai personnage, je me glisse dans sa peau. J’ai joué ce personnage comme s'il avait existé”, poursuit-il.

Au tour de Fabrice Luchini de s’essayer à définir le travail de son réalisateur sur ce film : 

“Sans parler de mise-en-abîme, il est un chef d’orchestre. Il nous place à un endroit et nous jouons un morceau de partition. Nous ne sommes que des éléments. Mine de rien, ça scénarise la condition de comédien qui est un peu pathétique : on nous met là et on dit des textes qui ne nous appartiennent pas totalement.”

Une déclaration à laquelle Christophe Honoré répond d’une moue dubitative, faisant le constat que les parties les plus improvisées du film viennent de Fabrice Luchini. Notamment une scène de piscine, que le réalisateur français utilise comme l'exemple d'un des principe fondamentaux du cinéma selon lui :

“Le moment idéal dans la fabrication d’un film, c’est le tournage. Il y a deux éléments sur un tournage qu’on ne contrôle pas : la météo, et l’humeur des acteurs. Je bénis toujours le moment où je vois que les acteurs arrivent avec autre chose, et qu'il va se passer quelque chose. C’est un grand plaisir de cinéaste et de spectateur : soudain la vie est là, ré-éclaircie par le cinéma.”

Au-delà de ces considérations métas, le film semble porté par la figure de Marcello Mastroianni, acteur légendaire, ex-mari de Catherine, père de Chiara, et ici interprété par sa fille. Un héritage lourd, mais que Chiara Mastroianni n’a jamais repoussé, selon Catherine Deneuve : “Toute sa carrière du cinéma, elle ne s’est jamais irritée, elle a toujours été intelligente là-dessus,” reconnaît l’actrice chevronnée.

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Jean-Louis Fernandez / Jean-Louis Fernandez

C’est véritablement par Chiara que Christophe Honoré a cherché à faire transparaître son père. Le cinéaste avoue s’être interdit de lire des biographies dédié à l’acteur italien

“Le film n’est en rien un biopic ou un dévoilement de la vie privée. J’aurais l’impression de trahir la complicité avec Chiara. Catherine ou Nicole n’auraient pas voulu. Le film crée un mystère supplémentaire sur ces gens, j’ai plutôt rêvé la vie de Marcello, en demandant juste des choses très concrètes à Chiara.”

Par contre, Christophe Honoré ne s’est pas interdit le plaisir de redécouvrir les films de Mastroianni, qui appartiennent, selon lui, à “un moment où le cinéma était magique”.

“J’ai espéré d’une manière assez tranquille, créer quelque chose qui soit aussi une sorte de sortilège, de magie, avec laquelle tous les acteurs finissent pas devenir des êtres de fantaisie aux frontières mouvantes.”

Mais alors, qu’a ressenti Chiara Mastroianni en portant le rôle de son père ? On imagine un trouble, un bouleversement, une crise existentielle. Mais non, rien de tout ça.

“J’ai mis beaucoup les choses à distance, explique-t-elle. C’était la moindre des élégance par rapport au public de me détacher comme si je jouais un personnage. La force du film est dans le scénario et la mise en scène, il n’était pas question que ma propre dévotion prenne le dessus. C’est un jeu.”

“Pour nous autour de la table c’était quand même très troublant,” réplique tout de même Honoré.

“Ça fait tellement d'années que j'entend dire que je ressemble à mon père, rétorque son actrice. Par contre, ça m’a beaucoup plu. Ce qui était troublant c’était que je ne voulais plus revenir en moi même. c’est là qu’est le trouble. C’est troublant de se préférer en quelqu’un d’autre qu’en soi-même.”

Pour elle, les enjeux du film vont au-delà du microcosme Mastroianni-Deneuve :

“Dans la vie on se dispute parfois. C’est la profondeur du personnage de Catherine. Elle est au dessus de tout. C’est quelqu'un qui ne s'abaisse pas à aller vers une dispute ou un conflit alors qu’il y a une solution ailleurs. Alors que pour cette mère, ce n’est pas évident de voir sa fille choisir son père à ce point. C’est dans toutes les familles. [...] Finalement ça raconte des liens de famille qu’on connaît tous. C’est universel cette question de l’appartenance au parent via la ressemblance.”

Mais alors, a-t-elle eu l’impression de découvrir quelque chose sur ses parents ?

“Non pas vraiment. Peut être que je me suis rendue compte que c’était par le travail que j’ai réussi, dans le manque d’une relation, à continuer ce lien silencieux, interne, avec mon père."

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Ad Vitam

Le mot de la fin ? On demande à cette "galaxie d'acteurs" (comme les désigne Christophe Honoré) de citer une réplique de leurs personnages qu’ils pourraient reprendre dans la vraie vie. Nicole Garcia se souvient du petit “oui” que son personnage jappe alors qu’elle se fait sermonner par Fabrice Luchini. Quant à Benjamin Biolay : “Moi je rêverais de dire à quelqu’un : ‘C’est très moche ce que vous avez fait ici !’ comme Catherine,” ironise le chanteur.

Mais ça ne bat pas le “Je mangerais bien des lasagnes” de Melvil Poupaud.

Marcello Mio est à découvrir en ce moment dans les salles de cinéma. En voici la bande-annonce :