Alors qu’il travaille en France depuis dix ans, Samba, Sénégalais, risque l’expulsion. Il fait alors la connaissance d’Alice, qui soigne son burn-out en faisant du bénévolat auprès des sans-papiers. La jeune femme va lui venir en aide... et plus si affinités. Samba ? A priori, le titre du cinquième long métrage d’Olivier Nakache et Éric Toledano ne nous enchantait guère. Ça sentait la joie forcée, cette ivresse du bon sentiment qui menace toute leur filmographie et à laquelle "Intouchables", franchissant le cap entre mièvrerie et feel-good movie maîtrisé, échappait de justesse. On avait finalement tout faux. Car le défi que le précédent film relevait avec ambition – sauver la comédie française de la caricature en lui insufflant une belle énergie de cinéma – est ici exécuté avec un incontestable brio. Comme si "Intouchables" avait servi de laboratoire aux deux compères pour intégrer désormais leur recette de base (passer le film social hexagonal au tamis de la comédie américaine) et qu’ils pouvaient jeter le livre de cuisine. Dès le plan-séquence d’ouverture, qui traverse justement les coulisses d’un grand restaurant, on voit que Nakache et Toledano ont encore gagné en ampleur et en souplesse. Vouloir décrire le quotidien d’un sans-papiers à Paris, entre galères matérielles et trouille permanente, tout en racontant sa rencontre amoureuse avec une cadre sup épuisée par le système, témoigne d’une exigence que le film, en deux heures d’une remarquable densité, met en œuvre sans flancher. Alors qu’"Intouchables" était encore engoncé dans les codes du buddy movie, "Samba" assemble ceux de la comédie romantique hollywoodienne et du réalisme sociologique, en n'oubliant pas la fausse légèreté de la comédie italienne (l’amitié façon pieds nickelés de Samba et de Wilson, son compagnon d’infortune). C’est la synthèse réussie entre "La Faute à Voltaire", "Nous nous sommes tant aimés" et un film de Nora Ephron. Avec tact, les deux réalisateurs passent en effet de l’émotion ténue à l’artillerie lourde (la soul revigorante), de l’éclat de rire à la drôlerie douloureuse, slalomant entre les clichés sans toutefois oublier leur fonction de repère. Confier le rôle-titre à Omar Sy, c’est ainsi jouer avec nos attentes (en réponse aux suspicions de racisme émises à l’époque d’"Intouchables", il incarne un type prénommé Samba qui, cette fois, ne sait pas danser), tout en utilisant notre complicité avec lui pour nous emmener plus loin, là où il pourra nous surprendre. Et surprenant, le comédien l’est constamment, composant un Samba attachant mais pas simple dont l’humanité tout en nuances déjoue le stéréotype du « bon » immigré. Un visage idéal pour ce film populaire et politique où un sans-papiers devient héros de comédie romantique, et dont le happy end donne envie, en ces temps bleu marine, de crier très fort l’injonction qu’on trouvait bébête deux heures plus tôt : Samba !