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(...) en revendiquant pleinement l'artificialité narrative de ce chassé croisé (moyennement crédible sur le plan du réalisme mais joliment plausible dans le registre du romanesque) et soutenue par une interprétation à la modestie efficiente, Paula Hernandez signe une romance délicatement mélancolique et touchante.
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Pourquoi regarde-t-on Lluvia (La pluie) sans déplaisir en dépit de cette impression de déjà-vu ? D'abord à cause de l'actrice, Valeria Bertuccelli, remarquée dans Silvia Prieto, de Martin Rejtman (1999), et dans XXY, de Lucia Puenzo (2007) : elle est de ces femmes qui, sans rien dire, font passer leurs sentiments sur leur visage, captivant paysage.
Paula Hernandez, la réalisatrice, a en outre le talent d'imposer une atmosphère, de distiller deux ou trois choses du passé de ces personnages peu diserts en montrant un décor abandonné. Pour elle, c'est l'appartement conjugal qu'elle a quitté, pour lui, c'est le logis du père, avec ce piano à queue qui l'émeut. Autant de paradis perdus.
L'un et l'autre font le vide, se côtoyant quelques jours, vivant en complicité ces heures de bilan, de transit, de questionnement sur l'avenir, le sens de la vie, la responsabilité vis-à-vis d'un enfant. L'image est habitée. -
Si le scénario n’a rien d’original en contant une énième rencontre amoureuse entre deux individus apparemment radicalement opposés (lui est espagnol et elle hispanique), le charme opère immédiatement grâce à une réalisation racée qui prend le temps d’observer les moindres mouvements des personnages (la réalisatrice aime visiblement beaucoup les figures circulaires). La justesse de ton de l’interprétation (excellent Ernesto Alterio, déjà remarqué dans La méthode), la musique planante de Sebastian Escofett et la superbe photographie de Guillermo Nieto font de ce voyage au bout de la nuit une expérience sensorielle envoûtante. D’un charme fou, Lluvia fait partie de ces oeuvres que l’on n’attend pas, mais qui s’immiscent peu à peu en vous jusqu’à vous transporter dans un ailleurs qui vous hante longtemps après la projection.
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Lluvia (la pluie, en espagnol) est une histoire d'eau, mais sans l'extrait de rose qui embaume parfois les romances de cinéma. Une parenthèse amoureuse dans l'« ultramoderne solitude » d'une grande ville. La météo n'a rien d'anecdotique : de bout en bout, c'est à travers un filtre liquide, vitres et pare-brise ruisselants, reflets de flaques aux couleurs tremblées, que Paula Hernández filme ses personnages aux destins flottants.
Malgré une tendance à abuser de ses (bonnes) idées de mise en scène, la réalisatrice gagne son pari d'un quasi-huis clos, de quelques jours, entre les deux quadras esseulés. Les acteurs y sont pour beaucoup : Ernesto Alterio, grand barbu doux et fébrile (un Adrien Brody dans ses bons jours), et Valeria Bertucelli, troublante garçonne à la voix rauque et aux manières brusques.
Lluvia