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Aviateur, industriel, homme d'argent, de pouvoir et de séduction, Howard Hughes, incarné par Leonardo DiCaprio, est le sujet du dernier film de Martin Scorsese, produit par Michael Mann. S'en dégage une figure mythique des Etats-Unis milieu de siècle, dont la grandeur et la décadence forment une force d'attraction qui continue de fasciner les stars contemporaines du cinéma holywoodien.
Martin Scorsese est considéré comme un réalisateur important du cinéma mondial, on va voir ses films sur son simple nom. Si on se souvient de Taxi Driver, de Raging Bull, des Affranchis, on sait déjà qu'on oubliera plus probablement Le Temps de l'Innocence ou Gangs of New York. Qu'en est-il d'Aviator, son dernier film ? Et tout d'abord, peut-on dire qu'il s'agit d'un film de Scorsese ? Rien n'est moins sûr. Le projet serait à l'initiative de Leonardo DiCaprio, qui s'est battu pendant dix ans pour le faire aboutir. De nombreuses stars hollywoodiennes avaient en effet vainement tenté de s'emparer de la vie de Howard Hughes.DiCaprio choisit un angle original et se focalise sur la jeunesse visionnaire, intensément créatrice de cet aviateur, plutôt que sur sa folie. Il propose d'abord l'idée à Michael Mann qui confie le développement du scénario à John Logan - qui avait pourtant déjà commis Gladiator... Acteur principal et producteur associé, DiCaprio s'associe à Graham King, qui convainc bientôt le plus célèbre metteur en scène de Little Italy de diriger ce film. King déclare aujourd'hui : « Marty a un sens aigu du détail et de la reconstitution. Nous avons pensé qu'Aviator lui donnerait l'occasion de faire quelque chose qu'il n'avait jamais tenté à ce jour : une histoire située à Hollywood. » On retiendra donc qu'Aviator s'approche plus du film de commande que d'une création originale et ce, avant même le premier jour de tournage.Tout vient corroborer cet état de fait. A moins de considérer Scorsese comme définitivement vendu à la cause hollywoodienne, peu de chose relèvent de sa signature. Le film se situe entre les années vingt et les années cinquante. La reconstitution historique est parfaitement propre. Un technicolor flamboyant a même été sorti des greniers pour créer une image similaire à la photo d'époque. Les couleurs clinquantes d'une période qu'on connaît surtout en noir et blanc donnent à l'ensemble une fausse profondeur. Le scénario linéaire est sans surprises et l'ennuyeux respect chronologique de la vie de Hughes vient parfaire une touche hollywoodienne des plus commerciales. Selon John Logan, le secret de ce tycoon de l'aviation reposerait dans sa difficile petite enfance. Tous ses troubles remonteraient à cette période originelle, pendant laquelle sa mère le martyrisait... De là à dire qu'il faut se demander d'où viennent les bébés pour résoudre le mystère de toute une vie, il n'y a qu'un pas que Logan franchit allégrement, avec pour béquille une psychologie de bazar offerte à grand renforts de flash-back.Malgré cette lourdeur, Aviator mérite d'être vu. Les premières séquences sont particulièrement passionnantes, tant par leur sujet que par la manière dont elles sont mises en scène. Nous sommes sur un plateau de cinéma et Hughes tourne Hell's Angels. Pari plus que risqué : sa reconstitution des batailles d'avions pendant la première guerre mondiale demande enormément de moyens. Riche fils d'industriel, le jeune Howard est considéré comme fou et tous pensent que ce rêve va le conduire à la banqueroute. Il est passionnant d'assister aux affres du processus créatif confrontés aux froids calculs des comptables briseurs de rêves. Le mépris affiché des producteurs hollywoodiens face aux ambitions de Hughes semble tout droit sorti du vécu de Scorsese, de Mann voire de DiCaprio... D'ailleurs l'acteur et le metteur en scene semblent parler d'une même voix et ce film évoque une sorte de mise en abyme de ce que le cinéma implique...Depuis Titanic, Léonardo DiCaprio semble toujours soigner ses ailes brûlées sur l'autel du succès et on sent une véritable complicité entre les deux hommes. «Les moments les plus forts que j'ai vécus sont les scènes de solitude de Howard Hughes. Là, Scorsese et moi nous retrouvions en face-à-face, pour inventer, improviser, creuser ensemble de plus en plus profond, » confiait Leonardo. Il semble en effet que Scorsese ait pu donner la pleine mesure de son talent dans la direction d'acteurs. Tous sont vraiment épatants. C'est assurément le mot qui convient tant leurs surprenantes performances participent pleinement à l'histoire ici racontée. Ainsi Cate Blanchet, Jude Law et Kate Beckinsale, incarnent de manière troublante Katharine Hepburn, Errol Flynn et Ava Gardner. Un jeu de miroirs s'établit entre acteurs et personnages et tout nous parle de la difficulté d'être : quelqu'un d'autre ou soi-même, un créateur ou une poupée, un réalisateur ou un producteur, Michael Mann, Martin Scorsese ou Leonardo DiCaprio...Aviator
Réalisateur : Martin Scorsese
Avec : Leonardo DiCaprio, Cate Blanchet, Jude Law, Kate Beckinsale...
Durée : 2h45
Sortie le 26 janvier 2005[Illustration : Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio sur le tournage de Aviator. Photo © TFM Distribution]
- Lire la chronique de Gangs of New York (Martin Scorsese, 2002)
- Lire la chronique de A tombeau ouvert (Martin Scorsese, 1999)- Le site du film
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