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Notre critique du deuxième épisode de la trilogie de Peter Jackson, à revoir ce soir sur TMC.

La 10e chaîne rediffuse La Désolation de Smaug, ce soir. A sa sortie, en 2013, Première avait beaucoup apprécié le spectacle.

Des nains qui chantent sous les étoiles, des traversées de steppes kiwis à n’en plus finir, pas une seule décapitation d’orque… Un voyage inattendu avait déçu les fans. Pour beaucoup le film prenait (trop) son temps et jouait la dilatation au point de flirter avec l’ennui. Son ampleur, ses visions de fantasy étourdissantes et son impressionnante maîtrise narrative n’avaient pas séduit la critique. Mais un milliard de dollars plus tard et, suivant la logique crescendo que Jackson avait imposée sur la trilogie du Seigneur (chaque épisode était plus spectaculaire, plus nerveux et plus dark que le précédent), ce deuxième volet mettra tout le monde d’accord. Violent, épique et mystérieux : La désolation de Smaug tient toutes ses promesses de grand spectacle digitalisé, évitant les travers de la grosse machinerie pour garder, chevillé au corps, un supplément d'âme, un souffle humain (merci Martin Freeman et Luke Evans) qui fait la suprématie du king Jackson.

Le Hobbit ou la quête inachevée (critique)

King of Kong
Avec ce deuxième opus - pendant évident des Deux Tours - Jackson rappelle l’évidence. A savoir : à Hollywood il est désormais le meilleur storyteller, un raconteur d’histoire à l’ancienne qui sait imprimer au récit un dynamisme ébouriffant, réinvente la rythmique binaire du montage alterné (OMG l'entremêlement du combat de Gandalf contre les orques et la visite de la caverne de Smaug par les nains), réussit à mêler ses monstres, ses nouveaux personnages et son fantasme de cinéma total (il croise le film d'aventure, l’épopée fantastique, la comédie et le voyage initiatique) avec un talent sidérant. Chaque scène est pensée sous le seul angle du morceau de bravoure et met à mal l’idée reçue selon laquelle un film se doit de ménager son spectateur avec des moments de flottement et des « respirations ». Ici, pas le temps de dire ouf et l’évasion du royaume des Elfes enchaîne immédiatement avec la traversée du lac.

Trop ? Pas assez plutôt : son génie suprême du découpage, sa gestion toujours lisible des scènes d’action (les réalisateurs d’Hollywood devraient sérieusement se mettre à étudier la descente de la rivière) et le sens du fun et du merveilleux confirment qu’il est bien le leader indéboulonnable de l'entertainment. L’échec (relatif) de Pacific Rim cette année permet de mesurer que personne, aujourd'hui, ne lui arrive à la cheville.

Bon : on reconnaîtra que le cinéaste et ses co-scénaristes ont mis toutes les chances de leurs côtés. A poil, à peau, à écaille, à cuir et à oreilles pointues c'est tout un monde de créatures grouillantes et fantasmatiques qui s'anime avec une profusion délirante. Les araignées de Mirkwood (la séquence la plus poétique et flippante du film), les raids d’orques infernaux, 40 minutes (QUARANTE putains de minutes) de duel dément avec un dragon, une (désormais classique) descente de rivière dans des tonneaux, un loup-garours… On frôle à plusieurs reprises la rupture d’anévrisme rétinien, mais la magie opère ; car tout est clair, galvanisant, surexcitant comme dans les serials 40’s.

Comment Peter Jackson a-t-il filmé la descente en tonneaux du Hobbit 2 ?

Dans l’épisode précédent…
Reprenons. Le film s’ouvre dans une taverne. Thorin, le leader des nains, rencontre Gandalf le gris qui lui explique qu’il doit reconquérir sa terre, son trône, et unifier les 7 armées pour sauver le monde des puissances infernales. Pour ça, il va falloir trouver son « cambrioleur » et une équipe de casse-cous prêts à risquer leur peau pour affronter un dragon. Flashforward : 12 ans plus tard. Bilbo et les 12 nains sont toujours à la recherche de la montagne solitaire et de la caverne de Smaug. Inspiration... En chemin ils : perdent Gandalf partis dans une autre direction, se retrouvent pourchassés par des orques furieux, doivent traverser une forêt maléfique, tuent des araignées géantes, combattent des elfes vengeurs, rencontrent les hommes et affrontent finalement le dragon. Ouf !

On l’a dit : avec ce deuxième épisode Jackson reprend du poil de la bête. Mais il récupère surtout le contrôle de la saga. Un voyage inattendu était un film de transition. Entre la trilogie du Seigneur et Le Hobbit ; entre la version de Del Toro qui avait laissé traîner un peu de son ADN dans quelques plans sublimes comme le combat des montagnes de pierre et les visions de Jackson. Les théoriciens du cinéma prendront ça pour une piste : le premier visage à apparaître dans le film, juste après les logos des studios, est celui du cinéaste qui s’offre un caméo hitchcockien. Comme si PJ voulait affirmer que la récré est finie. Que c’est bien lui qui est in charge et qui reprend les manettes de sa saga… Ironie de la situation : ce nouveau film ne raconte que ça. Le dévoilement progressif des personnages principaux, leur affirmation identitaire. Thorin n’est pas seulement un leader charismatique, c’est aussi un homme dévoré par ses propres démons ; Barde n’est pas qu’un pauvre marchand qui vit de contrebande ; et Bilbo n’est plus le comic relief, un personnage maladroit et rigolo. Il se révèle bien plus courageux que tous les hobbits de la Comté et possédé par un pouvoir qui le dépasse…

Sans surprise, presque comme promis, Jackson introduit de nouveaux personnages et densifie le récit de Tolkien. Il impose surtout définitivement sa vision d’homme de spectacle total. En plus d’être un extraordinaire récit mythologique, Le Hobbit 2 rappelle au fond que, depuis ses premiers films, Jackson est un cinéaste forain, obsédé par le spectaculaire. Il livre ici, peut-être pas son chef d’œuvre, mais l’expression la plus limpide, la plus évidente, de son cinéma. Galvanisant on vous dit.
Gaël Golhen

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