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Fury Road revient dimanche soir à la télé.

Ce week-end, TF1 Séries Films reprogramme Mad Max : Fury Road. En 2015, le blockbuster de George Miller avait fait la une de Première et le cinéaste australien avait répondu à nos questions. Une interview à retrouver ici en attendant la diffusion de son film. Ainsi que des nouvelles de Furiosa, le préquel que le réalisateur prépare avec Anya Taylor-Joy et Chris Hemsworth.

 

Première

 

Avant la sortie, on n’a pas encore vu Fury Road, juste ce trailer fou. Que pense George Miller de la bande-annonce du prochain Mad Max ? Fantastique. Elle a été dirigée par un «  creative director » nommé Massey Rafani, qui s’occupe de tous les gros gros trucs Warner, Hobbit, Batman… C’est très dangereux pour les cinéastes de vouloir gérer eux-mêmes leur bande-annonce. Dans l’esprit d’un metteur en scène, chaque plan est dépendant de son contexte, de son sens, de ceux qui viennent juste avant ou juste après. Alors que lui, il parvient à capturer un concentré de l’énergie que tu as cherché à produire. Quand il m’a montré son travail, j’étais carrément ému, il a su distiller l’essence de ce que j’essayais de réussir avec le film entier. Alors deux choses : non seulement, c’est de la pub honnête, pas mensongère, ce qui est appréciable; mais même en tant qu’« œuvre » en soi, ce qu’il a fait est exceptionnel. 

Mad Max Fury Road : un film hybride qui réinvente le cinéma (critique)

Vous avez créé Mad Max il y a 35 ans. Quoi que vous fassiez depuis, c’est une présence qui vous accompagne. Et pas seulement parce que vous avez failli faire le quatrième film plusieurs fois. Oui, c’est un phénomène très étrange. La meilleure analogie qui me vient, c’est les maths. Quand j’ai fini l’école, j’étais bien décidé à ne plus jamais en faire. Mais en médecine, il y avait encore des maths au programme. Ensuite j’ai grandi, j’ai eu des enfants et je me suis entendu leur sortir des trucs du style « les maths sont partout, les gars, dans tous les domaines de la vie. » Ah ah ah ! Je me suis passionné pour les théories de la physique. Le langage qu’on y utilise ? Les maths… Eh bien Mad Max, c’est un peu la même chose. Chaque bout de plan avait été tellement « critique, » qu’à la fin du premier film, j’étais détruit, rincé, sûr d’avoir tout foiré, convaincu de ne plus jamais me retrouver sur un plateau de cinéma, sans même parler de revenir à ce personnage. Et me voilà, 35 ans plus tard. Mais je ne vous ai pas répondu... 

J’ai tout mon temps. Le personnage, et tout ce qui va avec, est toujours là, oui. Pas parce que ma tête est remplie du « monde de Mad Max, » mais parce que c’est dans manature. J’ai grandi dans une petite ville rurale, près de l’outback australien. Il n’y avait pas de télé, juste les « Saturday matinees » (les séances de cinéma du samedi, NDR). Je me suis construit des mondes imaginaires, des jeux mentaux qui m’accompagnaient tout le temps, me nourrissaient l’esprit. Avec le temps, c’est devenu un réflexe, une habitude, comme fumer si vous voulez. J’ai tout le temps des histoires dans la tête. Ensuite, quand une de vos histoires entre en contact avec lezeitgeist, c’est comme si vous entamiez une conversation sur ce qu’elle signifie, ce qu’elle implique, ce que les gens y projettent, ce que vous-même y projetez. Il y a une boucle de feedbacks, qui fait que la conversation ne cesse jamais de rebondir et d’évoluer avec le temps. Alors vous pouvez toujours essayer d’y échapper, ça ne vous quitte jamais. Pas moyen. 

Mad Max et les femmes : une longue histoire d'amour

Le troisième film, il y a trente ans, bouclait la boucle en faisant du héros une légende éternelle. Le livre était bien refermé, il pouvait rester rangé. Y revenir, c’est reconnaître qu’il y avait une insatisfaction ? Il faut repartir du début. Quand je suis arrivé à la fac de médecine, je peignais et je dessinais. Puis j’ai eu l’opportunité de faire un court-métrage et je n’ai plus touché un pinceau. J’avais le sentiment d’avoir accédé à une notion supérieure : le temps, l’image dans le temps, la quatrième dimension. Dès lors, il n’y avait plus que le cinéma. J’ai essayé de comprendre le langage créé par cette suite d’images en temps réel, leur musicalité – parce qu’il s’agit bien de «musique visuelle, » la façon dont on ordonne les plans comme des notes pour créer un mouvement, une fluidité, des émotions, du rythme. Je suis revenu au cinéma muet, qui représente le langage filmique à son état le plus pur. Globalement, il n’était fait que d’action et de poursuites. Buster Keaton, les premiers westerns... J’ai fait Mad Max pour retrouver ça, l’essence filmique qu’il y a aussi dans l’attaque de la diligence de La Chevauchée fantastique, la scène des chars de Ben Hur, les poursuites de Bullitt ou French Connection. C’est cette quête qui m’a mené à Mad Max.Et puis le film a eu un retentissement pas croyable qui me dépassait, et j’ai eu un choc : j’ai compris qu’il avait tapé dans l’inconscient collectif, dans le sens où l’entend Joseph Campbell (philosophe qui a travaillé sur l’idée des « mythologies » et leur rôle dans le développement de l’humanité, NDR). Par vanité, l’artiste a tendance à penser qu’il « maîtrise » sa création. Mais en réalité il ne fait que dialoguer avec l’inconscient collectif. Ça a été une révélation cruciale pour moi. 

Au point d’en faire l’enjeu de Mad Max 2 et plus encore de Mad Max 3Exactement. Il s’agissait d’explorer cette dimension-là, qui m’avait échappé. Après, il se trouve qu’on a démarré le 3 une semaine après la mort de mon partenaire Byron Kennedy. C’est donc un film un peu titubant, qui a été fait dans le brouillard, on était sonnés. Mais je ne dirai pas que j’ai fait le 4 parce que le 3 était raté ou que la trilogie n’était pas suffisamment bien « conclue ». Ne serait-ce que parce qu’il n’a jamais été question de « trilogie » pour moi. 

C’était quoi, la « première image » de Mad Max ? Je commençais à travailler comme interne à l’hôpital, en traumatologie, j’étais chaque jour confronté aux conséquences de la violence. Et puis j’ai lu un fait divers sur un flic, un highway patrolman qui avait été appelé sur le site d’un accident de la route impliquant sa famille. Sa femme morte, son enfant grièvement blessée… Je me suis interrogé sur ce type qui avait l’habitude de se trouver sur des scènes équivalentes et qui, là, arrivé le premier sur les lieux, reconnaît les siens… A partir de ça, j’ai développé l’histoire d’un homme qui essaie de fuir la violence et le chaos mais se fait rattraper. C’était tellement hyperbolique que je n’arrivais pas à y croire dans un contexte contemporain. De là est venue l’idée d’un monde en ruine, qui me permettait d’aller plus loin, et pour moins cher : tu as besoin de deux cascadeurs et de deux voitures sur une route déserte, c’est quand même plus facile que de tourner dans le bordel d’une artère contemporaine.Ensuite, il y a eu un autre moment décisif. Pendant l’écriture du film, dès que j’étais bloqué, je montais dans mon van et je roulais vers nulle part. On a ensuite démoli ce van pour une scène du film, parce qu’on ne pouvait pas s’en payer un autre… Bref, une nuit au milieu de l’écriture, ce devait être 1977, vers deux heures du mat’, je cruisais sur les longues autoroutes sombres, et les mots « Mad Max » me sont venus comme ça, d’un seul coup. 

Mad Max Fury Road : le trailer qui dit la vérité sur "deux heures de Mario Kart venu de l'enfer"

Des fois, faut juste se mettre en condition… Ah ah ah, oui, ça me rappelle Jerry Goldsmith qui pour la musique de mon sketch de La Quatrième dimension (Nightmare at 20000 Feet, 1983) s’était enfermé plusieurs jours dans ses toilettes pour se mettre dans l’esprit « claustro » du personnage ! Ah ah ah ! Voilà, c’était pareil : la nuit noire, les yeux rivés sur les lignes blanches et les feux arrières des autres voitures… Enfin, il y a eu une troisième « scène primitive » dans la création de Mad Max : quand j’ai vu Mel Gibson dans le moniteur vidéo, pendant les essais, et que j’ai eu le souffle coupé.

C’était quoi ? Sa façon de bouger, ce regard dément ? La vérité. La vérité de la performance. Et puis une sorte de charisme qu’on ne trouve que chez certains animaux. Une fois, j’assistais à une représentation au Royal Theater de Sydney et un chat s’est pointé sur la scène. Croyez moi, il y avait de très grands acteurs dans cette troupe, mais le public ne regardait plus que le chat. Tout le monde. Scotchés, suspendus à ce qu’il allait faire, parce que ce serait forcément honnête et imprévisible… Les grands acteurs ont ça. Mel n’avait pas 21 ans, mais il l’avait. Et puis techniquement, il était surpuissant. Très très fort. 

Le « vrai » Mad Max, c’est le 2 ? Pour beaucoup de gens, oui, j’imagine. J’étais sonné par le premier film, je commençais juste à mesurer combien j’avais été naïf. Jusque-là, mon idée du cinéma était que si on avait une image dans la tête, il n’y avait plus qu’à la mettre en œuvre, une simple question d’exécution. Je n’avais pas réalisé combien le monde réel interfère, un acteur, le mauvais temps, un mauvais jour : la vie vient se mettre en travers de ta vision. Pour le 2, j’avais compris ça. Peter Weir, qui avait fait deux longs-métrages, m’a dit : « tous les films sont atrocement difficiles, tu dois les traiter comme si tu allais à la guerre; tu ne sais pas où sont les mines ni d’où vont venir les balles, mais tu dois accomplir ta mission. » Ça m’est resté. J’avais davantage conscience des aspects allégoriques du film, je pouvais mieux m’en emparer, d’autant que j’avais plus de moyens. Par exemple, je pouvais utiliser du vrai cuir plutôt que du vinyle pour les costumes des personnages. 

Mad Max : du mythe inconscient au messianisme en cuir noir

Pourquoi toutes les visions post-apocalyptiques ressemblent-elles à Mad Max ? Pourquoi personne n’a réussi à avoir une autre idée depuis trente ans ? Parce qu’on était les premiers, non ? C’est comme les films de SF, personne n’arrive à se débarrasser de l’influence de 2001 ou Star Wars. En tout cas, moi j’y pense à chaque film que je vois... Alors que moi, de fait, je n’avais aucune référence pour Mad Max 2, à part quelques westerns. 

Le poids de votre propre influence était un problème à résoudre, cette fois, au moment d’y revenir ? En tout cas, j’en étais TRES conscient, et j’espère que ça se sent dans la bande-annonce. Beaucoup de choses ont changé. Le genre « post-apocalyptique » est devenu, eh bien… un genre, déjà. Dans les romans graphiques, les films, les séries, les jeux vidéo surtout… Et puis le cinéma a évolué, l’outil lui-même, le langage, la syntaxe. Mad Max 2 date de 1981, le cinéma avait moins d’un siècle, il a 120 ans aujourd’hui, la différence est colossale. Tout est plus rapide, plus tronqué, plus tranché, il fallait une intransigeance totale sur le plan esthétique. La moindre chaussure, la moindre roue, le moindre accessoire, le moindre truc dans un coin du cadre doit s’inscrire dans le monde qu’on est en train de créer. Surtout que le film est, comme le 2, conçu comme une course-poursuite sur deux-trois jours. Tout va très très vite, il y a des détails que l’on ne fait qu’entrapercevoir, et ils doivent être d’une authenticité à toute épreuve. Sinon, tu auras juste une suite de scènes d’action sans queue ni tête, aucun intérêt. Chaque geste, chaque parole doit être d’une cohérence absolue, comme si tu te retrouvais téléporté au milieu d’une autre culture pour y tourner un doc. On avait su faire ça dans le 2 et le 3, mais pas avec autant de rigueur. 

 

DR

 

Les autres films « post-apo » vous les avez vus ? Non. La période où je voyais tout, c’était à la fac. Mon frère jumeau allait prendre le cours en notes, il écrivait très bien, beaucoup mieux que moi, et moi j’allais au cinoche. Je me tapais tout, bon, nul, bof, grindhouse, classiques, tout. Je ne le fais plus. Mais j’ai aimé La Route (John Hillcoat, 2009) qui est très différent du style maniaque de Mad Max – j’avais déjà trouvé le bouquin bouleversant. Pour Fury Road, je me méfiais comme de la peste des techniciens qui seraient tentés de faire des trucs ressemblant aux trois premiers films, à ceux qui les ont imités et aux jeux vidéo qui s’en sont inspirés. Tout ce côté « le monde est un grand dépotoir. » 

L’écueil à éviter, oui. Terrifiant. J’ai passé beaucoup de temps dans le tiers monde, dans des endroits frappés par des catastrophes ou ayant des ressources limitées. Et j’ai constaté que ça n’empêche pas une expression artistique très forte. Les gosses fabriquent une voiture avec un bout de fil de fer, ils prennent une boîte de conserve pour en faire une rose ou un poulet qu’ils vendent dans la rue. Notre principe était que l’apocalypse n’a aucune raison de signifier qu’il n’y a plus d’artisans ou de sensibilité esthétique. Il devrait même y en avoirplus. Dans un monde où les livres, les ordinateurs, les smartphones n’existent plus, le moindre artefact du passé devient potentiellement une relique religieuse. Un volant peut avoir une valeur poétique ou esthétique. Dans le film, les war boys dont fait partie Nicolas Hoult sont ce qu’on appelle des « half life, » des « demi-vies», parce qu’ils ont été contaminés par des produits toxiques qui ont entamé leur espérance de vie. Ils font preuve d’une adoration fétichiste pour les voitures et se sont scarifiés des dessins de moteur sur la poitrine. Pour chaque objet du film, je devais donc savoir comment il avait pu survivre à l’apocalypse et être encore là. Une arme, une botte, une paire de lunettes, il fallait que mes techniciens puissent m’expliquer comment et pourquoi ça n’avait pas été détruit. C’était une règle absolue.

Chaque détail est vecteur de récit. Aucun ne relève exclusivement du design. Voilà. Rien n’est que du design. C’est pour ça que je n’avais pas besoin de voir les films post-Mad Max. Je ne suis pas dans la dynamique de « réinventer le genre. » Je ne le traite justement pas comme un genre. 

Qui tweete les meilleures photos de Mad Max Fury Road : la doublure de Charlize Theron ou celle de Tom Hardy ?

Mad Max, selon vous, c’est plus un personnage, un univers, une imagerie, un mythe, une idée de cinéma, du mouvement brut ? D’un film à l’autre, on sent que vous hésitez entre toutes ces options.Non. Au centre, il y a Max. Et ce n’est pas forcément évident, vu qu’il parle très peu. Ça a toujours été comme ça. En quatre films, il ne décroche pas plus de cent-cinquante mots. Mais tout passe par le personnage. Ce qui doit être authentique, dans cet univers, ce n’est pas seulement le monde physique mais le comportement des hommes, comment ils se positionnent moralement les uns par rapport aux autres. Tout est différent dans un contexte où survivre est mutuellement exclusif. Par exemple – je vous révèle un bout d’intrigue – au tout début, Max et Furiosa, joués par Tom Hardy et Charlize Theron, essaient de s’entre-tuer. Parce qu’ils n’ont pas le choix. L’univers moral doit être consistant, même si l’on plaque dessus une esthétique psychotique. 

Il y a une sensation hallucinatoire dans chaque image qu’on a pu voir du film. Au-delà des postures, c’est comme si chaque photogramme vibrait d’une fureur et d’une démence insensées plutôt que de ressembler à un storyboard animé, ce qui est souvent le cas. Comme si tourner ce film vous permettait de vous libérer de la frustration d’avoir attendu si longtemps de revenir à Mad Max et au cinéma live après près quinze ans d’animation… Ah ah ah, comme c’est vrai !! Le premier jour de tournage, après le premier plan, j’ai dit « coupez ! » et bon sang, c’était là. Rien à retravailler, le plan était fait, dans la boîte. L’animation, c’est comme évoluer dans le brouillard et voir les choses au ralenti. Sur dulive action, ce qu’il faut filmer est là, devant toi, tu dois avoir les sens en éveil pour ne pas rater le truc à l’instant où il se produit. C’est comme une partie de foot ou une bataille à mort, tu n’as plus le temps de penser, tu n’es plus que réflexe. Par moment, l’intellect intervient, mais c’est l’instinct qui domine. 

C’est pour ça que vous insistez tant sur le fait d’avoir tourné la majeure partie du film de façon « old school, » en dur ? Oui. J’ai fait beaucoup de CGI ces dernières années. Mais tout ce que vous avez vu dans la bande-annonce est du vrai. 

 

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Même les plans hallucinants où ça explose de partout et où les personnages sont projetés à plusieurs dizaines de mètres en l’air ? Tout. 

Incroyable. Tu peux faire des choses folles avec un niveau de sécurité au-dessus de tout soupçon. Quand je regarde deux cow-boys en train de se battre sur un train dans un vieux western, je vois des cascadeurs faire des trucs dingues, mais cadrés par le danger. Sur Fury Road, Tom et Charlize sont vraiment sur des véhicules lancés à pleine vitesse, avec des systèmes de câbles et de harnais sophistiqués qui leur permettent de se mouvoir très librement en toute sécurité. S’ils tombent, ils ne sont pas morts, et ça change tout. A la place d’un cascadeur qui essaie de rester en vie, tu as l’acteur lui-même avec un harnais, qu’on efface ensuite en post-prod.

Même sans les effets spéciaux, Mad Max Fury Road est très impressionnant

Le script a beaucoup changé, depuis les productions avortées de ces dix dernières années ? Non, c’est le même.

De manière générale, pourquoi avoir fait si peu de films, si vous avez tant d’histoires en tête ? J’aime écrire mes propres scripts, c’est un processus lent. J’aime aussi prendre mon temps en post-production. Et je dois être motivé par la curiosité, un défi technique à relever. J’ai acheté les droits de Babe dix ans avant de lancer la production du premier film (1996), parce que je sentais que ça ne devait pas être de l’animation conventionnelle. Même chose pour Happy Feet (2005), il a fallu que je voie le Golum du Seigneur des anneaux pour être convaincu qu’avec la motion capture, je pourrais faire danser les pingouins. Alors oui, ça fait peu de films. Mes proches ont l’habitude. Quand ils me voient les yeux dans le vague, absorbé en moi-même, ils savent que je suis perdu dans un film qui ne sera sans doute jamais tourné. C’est la raison pour laquelle je ne lis pas de fiction, ou presque. J’ai trop de storytelling dans ma tête.

Je vous ai rencontré pour Happy Feet 2 en 2011. Vous aviez un nœud pap’ et cette allure d’oncle excentrique qui raconte des histoires au coin du feu. Ça cadrait bien avec l’auteur de dessins animés, moins avec l’image du réal possédé qui sort Fury Road de son système. C’est de la schizophrénie ? Mais c’est notre nature à tous, non ? D’un côté laisser s’exprimer sa rage et ses pulsions, de l’autre s’efforcer de les maîtriser. C’est une lutte morale vieille comme le monde. On y est confronté dans les moments les plus intimes de la vie. Et c’est ce qui crée la peur qui pousse tant d’entre nous vers les croyances religieuses.

Y a-t-il une esthétique de la sauvagerie ? Oui. Et c’est très dangereux. Les histoires sont ce qui nous permet de donner un semblant de sens au monde chaotique qui nous entoure. Certaines d’entre elles sont tellement puissantes qu’elles deviennent des mythologies. Et certaines mythologies sont si fortes qu’elles deviennent des religions. Toutes ont en leur centre une part d’ombre et de sauvagerie, du conte primitif à la pop culture en passant par la Bible ou le Coran. Toute tentative de raconter une histoire devrait être accompagné d’un avertissement « Attention, danger. »

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Interview Léonard Haddad

 

 


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