Cloud Atlas
Warner Bros

Réponse dimanche soir sur TFX.

Aventure maritime au XIXe siècle, enquête journalistique 70's, rébellion d'esclaves futuriste ? Cloud Atlas, le film de Lana et Andy Wachowski (devenu Lilly depuis) et Tom Tykwer sera de retour à 21h sur le petit écran. C'est un ovni follement ambitieux et halluciné difficile à cerner. A sa sortie en 2013, Première vous aidait à le décrypter avec l'aide de ses trois créateurs.

 

 


Un roman réputé inadaptable

Aux origines de Cloud Atlas, il y a Cartographie des nuages, roman britannique de David Mitchell publié en 2004 qui multiplie les styles, les narrateurs et les époques. Tour à tour journal de bord, échange épistolaire, roman policier, biographie et science-fiction, les 672 pages de Cartographie des nuages; constituent une oeuvre à la structure déconcertante, longtemps réputée inadaptable.

Un film trip

L'altération de la perception, l'expansion de la conscience, des notions chères aux Wacho, qui renouent dans Cloud Atlas avec une vision du cinéma comme trip, comme expérience, poursuivie par une poignée de francs-tireurs (Jan Kounen, Gaspar Noé, Darren Arnofsky) mais globalement en berne depuis la fin des années 1970. A la fin de la décennie précédente, Stanley Kubrick livrait le mètre étalon du genre, 2001 l'Odyssée de l'espace. "C'est le film qui nous a donné envie de faire du cinéma, il fait partie de notre ADN, explique Tom Tykwer. Tous les cinéastes de notre génération lui doivent quelque chose. L'intrication d'une quête philosophique et d'une quête esthétique, l'ambition de voir les choses en grand... Tout part de là." Plus prosaïquement, Andy fait le lien entre leur cinéma et 2001 : "C'était le film culte des amateurs d'acides. Ce sont eux qui ont fait son succès à l'époque. Nous aussi, on compte sur nos fans." Speed Racer nous ayant valu une certaine popularité chez les fumeurs de joints, on s'est dit qu'on n'allait quand même pas les laisser tomber !"

Lana Wachowski : "L'idée de Cloud Atlas est d'approcher les états de conscience modifiée"

Un film (de) révolutionnaire

Complexe, mutant, tripal, sans limites (même pas celles du bon goût), Cloud Atlas n'est pas le genre de film qui peut mettre tout le monde d'accord. Il est à l'image de ses créateurs, romantiques et anarchistes, idéalistes et incorruptibles, tendance révolutionnaires. Le public français y sera-t-il réceptif ? Lana Wachowski se pose justement la question : "J'espère que ça leur plaira. De toute façon, vous autres Français avez un faible pour les révolutions, non ?"

Le film indépendant le plus cher jamais produit

100 millions de dollars. Pour produire ce film hors norme dont aucun studio n'a voulu, les trois cinéastes ont dû lever des fonds auprès d'un peu plus de 170 producteurs à travers le monde. Si Warner a finalement mis 20 millions sur la table, ce financement éclaté explique en partie le cafouillage marketing et de distribution (Cloud Atlas est sorti en salles aux Etats-Unis six mois avant le reste du monde) et sans doute l'échec du film au box office US.

Un échec au box office

Une bonne fan base, pourtant pas assez large pour assurer le succès du film. Après une mauvaise stratégie marketing et une distribution éclatée, Cloud Atlas s'est planté au box office américain, où il ne rapporte que 27 millions de dollars. Même si le reste du monde assurera son remboursement (130 millions de dollars engrangés au final), le film qui devait faire oublier le flop Speed Racer est globalement considéré comme un échec.

Un projet invendable

Cloud Atlas aurait pourtant mérité une stratégie forte et des reins solides. Une fable « pluritemporelle » de 2h45 que le synopsis résume ainsi ne se fait pas toute seule : "A travers une histoire qui se déroule sur cinq siècles dans plusieurs espaces-temps, des êtres se croisent et se retrouvent d'une vie à l'autre, naissant et renaissant successivement. Tandis que leurs décisions ont des conséquences sur leur parcours, dans le passé, le présent et l'avenir lointain, un tueur devient un héros et un seul acte de générosité suffit à entraîner des répercussions pendant plusieurs siècles et à provoquer une révolution."

Pour tenter de convaincre Warner d'investir dans leur film, les réalisateurs ont fini par réduire l'ambition folle de cette histoire à un simple parcours évolutif, comme le relate le New Yorker : "Au début, Tom Hanks est méchant, mais se transforme au fil des siècles en gentil." De quoi rassurer également les spectateurs perdus.

Le premier blockbuster transgenre

Car bien sûr, Cloud Atlas est beaucoup plus complexe que ça. Des mêmes acteurs qui interprètent des personnages d'âge, de race, et de sexe différents, un voyage dans le temps et dans les genres cinématographiques : le film des Wachowski/Tykwer est le premier blockbuster transgenre. "Nous nous sommes entichés du livre de David Mitchell parce qu'il embrassait et transcendait un tas de styles littéraires différents, explique Lana. Nous voulions faire la même chose avec le film, explorer la gamme la plus large des genres cinématographiques que nous aimons. Cloud Atlas est un long métrage de science fiction, un film d'époque, un thriller, une comédie... Autant de formes classiques que nous avons agrégées et réagencées pour donner une sensation proche des états de conscience modifiée."

OMMENT DONNER VIE À L’INADAPTABLE ROMAN DE DAVID MITCHELL, CARTOGRAPHIE DES NUAGES ? [CRITIQUE]

Un film à six mains

C'était donc un job pour les Wachowski. Cinq ans après Speed Racer et plus de 10 ans après Matrix, l'ambition des cinéastes mégalos n'a pas faibli. Mais pour être à la hauteur, les Wacho s'adjoignent tout de même les services de l'Allemand Tom Tykwer, le réalisateur de Cours, Lola, cours et du Parfum. Mais qui a fait quoi ? "Nous avons fait ce film ensemble, insiste Tykwer dans les pages de Première. On a écrit le scénario ensemble, cherché les financements ensemble, préparé chaque détail ensemble? On s?est effectivement séparés au moment du tournage, mais ça représente quoi, trois mois sur un processus de quatre ans ? A la fin du montage, à force d?avoir le nez sur nos images, on était incapables de dire qui avait tourné quoi."

Making-of :