Ressortie d'Avatar
20th Century Studios

Le film de SF révolutionnaire revient cette semaine dans les salles obscures.

A l'occasion de la ressortie en salles d'Avatar, en version remasterisée 4K, nous repartageons des articles sur le film de James Cameron, véritable coup de coeur de la rédaction fin 2009. Il avait d'ailleurs été deux fois en couverture de Première ! Comme ce mois-ci, où c'est sa suite, La Voie de l'eau, qui est à l'honneur de notre nouveau numéro.


Avatar ou la révolution technologique de James Cameron

Article initialement publié en décembre 2009.
Révolution technologique, monument sensoriel, Avatar est d'abord le nouveau film de James Cameron, traversé par des obsessions qui sont toutes à l'oeuvre dans sa filmographie. La preuve par six, par François Grelet. 

1/ Revivre un trauma
Si certains films écrits ou réalisés par Cameron (Aliens, Terminator 2 et Rambo 2, que des suites, évidemment) imposent à leur protagoniste principal de revivre de plein fouet un trauma originel pour en sortir renforcé, Avatar, lui, avec son paraplégique redécouvrant les joies de la course à pied, propose précisément l'inverse: goûter à nouveau à des plaisirs qu'il croyait révolus, pour se rappeler à quel point c'était bien. Bizarrement, cette figure de l'handicapé moteur se shootant aux drogues virtuelles pour sentir à nouveaux ses jambes, était déjà présente dans l'excellent script de Strange Days (écrit par James pour son ex, Kathryn Bigelow) via un personnage secondaire. Alors ? Un hasard, vraiment?

2/ Seuls contre tous
Profondément antisocial, le héros cameronien se caractérise par son opposition constante à l'ordre établi. C'est évidemment le cas du personnage de Leonardo DiCaprio dans Titanic ou celui de Michael Biehn dans le premier Terminator... et en fait, ça marche avec presque tous, sauf Arnold dans True Lies. Frondeur et déconnecté de la bienséance sociale, le héros cameronien possède constamment un temps d'avance sur des institutions aveugles, l'ayant d'ailleurs généralement relégué au ban de la société (remember Sarah Connor à l'asile dans T2 ; John Rambo au bagne dans Rambo 2, ou Jack coincé au troisième sous-sol du Titanic). Dans Avatar, rebelote: après avoir découvert les secrets de Pandora, le GI Jake Sully se rebelle immédiatement contre ses supérieurs militaires, et décide alors de combattre aux côtés des Na'Vis quitte à passer en cour martiale pour trahison.

Titanic : l’interview de James Cameron par Première

3/ Les personnages secondaires
Si Jake représente donc un archétype du héros selon Cameron, plusieurs personnages d'Avatar font eux aussi échos à d'autres protagonistes déjà rencontrés dans la filmo du réalisateur. C'est le technocrate à la solde du Grand Capital, interprété par Giovanni Ribisi, qui renvoie immédiatement au Paul Reiser d'Aliens ou au Charles Napier de Rambo 2. C'est Stephen Lang, le boss des marines, qui rappelle autant le premier Terminator par sa morphologie et son caractère quasi indestructible, que le Michael Biehn de Abyss par sa fonction et sa folie belliciste. Enfin c'est Michelle Rodriguez, dont la badass attitude, la fougue latina, et le sens du sacrifice, renvoie directement à l'inoubliable Vasquez (Jenette Goldstein) dans Aliens.

4/ Edens et apocalypses
On court souvent à la recherche de paradis perdus chez Cameron. Ça peut être une photo (en l'occurrence celle, jaunie, de Sarah Connor tenue par Kyle Reese dans T1) synonyme d'un bonheur passé que la grâce d'un voyage dans le temps a fini par transformer en promesse du futur. Ça peut être aussi la découverte d'une cité extra-terrestre dans les fonds marins, découverte au détour d'une mission kamikaze (Abyss). Mais c'est également la crainte d'une apocalypse quasi-inéluctable (l'ouverture de T2, la menace atomique de True Lies). Mieux, chez Cameron, l'utopie est intrinsèquement liée au cauchemar, que ce soit la splendeur technologique du Titanic qui se met à tanguer sévère au premier iceberg venu, la jungle luxuriante de Rambo 2 qui se transforme en terrain de chasse impitoyable, ou la planète LV 426 d'Aliens, ex repaire hi tech pour colons terriens, rapidement transformée en cantine pour aliens énervés. Avatar et sa planète Pandora, Eden mirifique réduit en poussière par des militaires un peu trop zélés, s'inscrit pile dans cette mouvance, tout droite héritée du western.

5/ Les Méchas
Énorme fan de japanime, Cameron "exporte" la figure du mécha à Hollywood dès Aliens (1986) et son climax, qui voyait une reine E.T se prendre une rouste par une Sigourney Weaver engoncée dans une armure robotisée. La scène marque au fer rouge une génération de gosses biberonné par Goldorak et qui a toujours rêvé de voir ça en "live". En 1989, avec Abyss, Cameron remet le couvert en montrant une sorte de mécha-aquatique conduit par les ouvriers de la station pétrolière Deepcore. Avec Avatar, il lâche complètement la bride et met des méchas à chaque coin du cadre, et les intronise "bad guys" suprêmes de son western écolo.

Avatar raconté par James Cameron dans Première [partie 1]

6/ Les écrans de contrôle
A l'origine il y avait la fameuse vision subjective (rouge !) du Terminator qui traquait ses victimes à l'aide d'une interface complexe et méchamment excitante. Alors, on a compris que chez ce cinéaste tout ne serait qu'une histoire d'effets miroir par écrans interposés. Confimation avec Aliens où l'on assiste au massacre d'un escouade de Marines à l'intérieur même d'une salle de contrôle (une caméra ayant été placé sur chaque casque desdits marines, à chaque fois qu'un des moniteurs de la salle s'éteint, on comprend que l'un d'entre eux y est passé). Abyss poussera le bouchon encore plus loin, en essayant de transmettre une émotion bien palpable à travers ce procédé de distanciation. D'abord dans une scène troublante où Mary Elizabeth Mastrantonio assiste, impuissante, à un mano a mano homérique entre le gentil Ed Harris et le méchant Michael Biehn, par le biais d'un écran de contrôle; puis dans une scène stupéfiante, peut-être la plus belle de son auteur, où la même Mary Elizabeth reçoit par texte, sur un moniteur bourdonnant, les derniers mots du même Ed Harris. On pourrait pousser le bouchon presque trop loin, en rappelant que dans Rambo 2, lorsque John Rambo revient sain et sauf après avoir été abandonné par l'armée US, les premières choses qu'il explose dans le QG des marines, sont évidemment des écrans de contrôles (manière de revendiquer son droit à la liberté ?). Du coup on ne s'étonnera pas que dans Avatar les moniteurs soient pour le spectateur, et par le biais de fréquents inserts, la principale source d'information quant à l'état de santé de Jake lorsqu'il arpente Pandora dans son costume de Na'Vi.

Avatar raconté par James Cameron dans Première [partie 2]