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Thomas Bremond
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Le Festival de l'Alpe d'Huez : un état des lieux de la comédie française

(Mauvais) état des lieux de la comédie française à l'Alpe d'Huez

Assez alléchante sur le papier avec son jury « all stars » présidé par Dany Boon, une sélection remplie de nouvelles tronches et de jeunes réals qu?on imaginait volontiers prêts à faire bouger les lignes, la 17e édition du Festival international du film de comédie de l?Alpe d?Huez - qui n'a d'international que le nom dans la mesure où 90% des films présentés étaient francophones - laisse finalement une impression très mitigée. Mais agit comme un instantané fulgurant et passionnant de l?état (pas terrible) de la comédie frenchy.Reportage<strong>François Grelet</strong>Voir aussi :<strong>Manu Payet triomphe à l'Alpe d'Huez</strong>

Supercondriaque

Passons rapidement sur Supercondriaque, présenté en ouverture et hors compèt. Écriture gonzo (le film lâche son sujet, pourtant senti et étonnamment subversif, au bout d?une demie-heure pour finalement se vautrer dans le confort bourgeois d?un triste quiproquo de boulevard), morceaux de bravoures hallucinogènes (Kad et Dany Boon s?échappant d?une prison slave, mitraillettes en bandoulière - on vous jure que c?est vrai) et absence tétanisante de rythme et de gags : le film donne l?impression d?avoir été improvisé au fur et à mesure de son tournage. Lors de ses apparitions publiques durant le festival (franchement tordantes, surtout lors de la remise des prix), Boon s?est souvent plaint de son absence de reconnaissance institutionnelle et critique : peut-être devrait-il mettre son énergie et ses envies de revanche ailleurs que dans ses discours. Dans ses films par exemple. 

Je te survivrai

Premier film de la compèt?, Je te survivrai s?envisage comme une confrontation psychologique entre un agent immobilier coincé au fond d?un puits (Jonathan Zaccaï, parfait) et sa voisine, une vieille dame flippante qui s?amuse à le regarder souffrir d?en haut. Le premier long du Belge Sylvestre Sbille est un objet foncièrement antipathique croyant trouver dans sa misanthropie rigolarde une certaine hauteur de vue et une férocité "coenniene". Sauf que, dénué de toute intensité et refusant obstinément de considérer ses personnages comme autre chose que de la chair à canon, le film tient in fine debout le temps d?à peine deux bobines. Après ça, le néant et l?embarras. Surtout l?embarras, en fait.

Libre et Assoupi

On fait en sorte d?oublier le CV de Benjamin Guedj (scénariste d?Il reste du jambon ? et de Cyprien) avant d?assister à la projection de son premier film en tant que réalisateur, Libre et Assoupi. Pas de bol, malgré nos efforts, l?éloge de la paresse promise par le titre et le pitch se transforme très vite en un impossible éloge du conformisme. Déconnecté socialement (les héros, carburant au Smic et au Rsa, traînent leur mal être dans un immense appart des beaux quartiers parisiens, mais oui...), terriblement maladroit dans la manière d?énoncer ses références et ses thématiques : on tient là un gros morceau de cinoche bourgeois à la mode de chez nous, comme du Daniel Thompson shooté par un mec de 35 piges qui aime les Feelies et Bukowski. Triste. Reste la perf? de Felix Moati, franchement très bon en glandu perché.

Babysitting

Première réaction entendue en sortant de Babysitting : "Ouah j?ai jamais vu un film comme ça ! Des barres !". Deux hypothèses : soit le mec en face de nous vit effectivement à l?Alpe d?Huez toute l?année, perché au sommet des massifs là où même les télésièges refusent de s?aventurer, soit il se fout un peu de notre gueule. Pompage éhonté de la comédie façon <em>found footage</em> (de <em>Jackass</em> à <em>Projet X</em>, en passant par les déjà pas franchement originaux <em>11 commandements</em> ou autres sketches Youtube signés Rémi Gaillard), le film fait tout de même mine de poser le pied sur un territoire inexploré et explosif. La meilleure vanne du film. Pas de raison de lui en vouloir outre mesure si au moins il mettait son concept bituré (un babysitting vire à l?orgie alcoolique) au service d?une identité punk, vaguement subversive. Problème : Babysitting tient aussi à faire du gringue aux mamans en nous expliquant très tranquillement que oui, c?est important d?aimer ses enfants. OK. Le calcul a néanmoins payé : le film a été le triomphe public du festival, s?offrant une standing ovation monstre. On a préféré partir manger une raclette plutôt que d?assister à ça.

Les Gazelles

Le lendemain, on zappe le film italien de la compèt pour cause de panne de réveil, avant de s?installer devant Les Gazelles de Mona Achache. Déjà vu à Paris, le film nous avait fait forte impression. C?est peut-être dû au niveau des films précédemment évoqués, mais la seconde vision est encore meilleure. Antidote parfait aux maux qui rongent la comédie frenchy (si vous avez lu attentivement ce texte vous les connaissez déjà à peu près tous), <em>Les Gazelles</em> est un drôle d?objet à la fois complètement lunaire, férocement contemporain, mû par une vraie envie de cinéma et porté par une énergie comique stupéfiante. Sa botte secrète, c?est son interprète principale, l?épatante Camille Chamoux (également coscénariste avec Achache et Cécile Sellam). Portant sur ses épaules les tourments sentimentaux d?une génération paumée entre recherche quotidienne du plan cul et quête éternelle de l?amour fou, elle électrise littéralement le film de sa moue tristoune et de ses accélérations <em>slapstick</em> foudroyantes. C?est d?autant plus remarquable que le reste du cast (Audrey Fleurot, Joséphine de Meaux,  Franck Gastambide, Naidra Ayadi, Olivia Cote, Anne Brochet?) est unanimement parfait. La réception à peine polie du public et son absence du palmarès n?ont fait au fond que renforcer la beauté singulière de ces <em>Gazelles</em>. On en reparlera plus en détail au moment de la sortie. Forcément.

Situation amoureuse : c'est compliqué

Dernier film de la compèt, Situation amoureuse : C?est Compliqué (hum, ce titre?) de Manu Payet et Rodolphe Lauga tient autant du tour de force ultra spectaculaire que du petit objet anecdotique. Comparé au tout venant de la rom com française (20 ans d?écart, Amours et Turbulences, et tous les autres qu?on a préféré oublier), le film détonne fort. Bien écrit, impeccablement interprété, joliment manufacturé, souvent tordant, le film se regarderait presque comme un miracle : c?est donc possible de savoir faire ça ici ; ouf, enfin, putain merci les gars. Débarrassé de tout contexte, <em>C?est compliqué</em> se mate aussi vite qu?il s?oublie. C?est le propre des festivals de nous faire perdre le sens de la mesure et des échelles à force de nous noyer sous les films, et l?envergure de celui-ci nous échappe encore un peu. Ceci dit, il se sirote tellement bien qu?on a déjà un peu envie de le revoir, et si son Grand Prix est à interpréter comme le symbole d?une marche à suivre pour la comédie française et la manière dont elle doit se réformer, alors il est amplement mérité.

Spéciale cassdédi

Un dernier mot doux enfin à l?égard de l?équipe trop choupinette qui s?occupait de la sécurité du festival. Une dizaine de cerbères à l?accent chantant, au tutoiement facile, à la vanné féroce, tous moulés dans de sublimes bombers circa-<em>Top Gun</em> : la vraie attraction du festival, c?était eux et personne d'autres.Bisous les gros, et, promis, je paye ma tournée de Genepi l?année prochaine.<strong>François Grelet</strong>

Assez alléchante sur le papier avec son jury « all stars » présidé par Dany Boon, une sélection remplie de nouvelles tronches et de jeunes réals qu’on imaginait volontiers prêts à faire bouger les lignes, la 17e édition du Festival international du film de comédie de l’Alpe d’Huez - qui n'a d'international que le nom dans la mesure où 90% des films présentés étaient francophones - laisse finalement une impression très mitigée. Mais agit comme un instantané fulgurant et passionnant de l’état (pas terrible) de la comédie frenchy.ReportageFrançois GreletVoir aussi :Manu Payet triomphe à l'Alpe d'Huez