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Deux films Netflix seront en compétition au Festival, du jamais vu. 

Cette année, la Palme d’Or pourrait bien ne pas être visible au cinéma.

Des 16 films pour l’instant en compétition à Cannes, Okja est sans aucun doute un de ceux qui excite le plus les cinéphiles. Problème, le long-métrage de Bong Joon-ho qui réunit Tilda Swinton et Jake Gyllenhaal est une production Netflix qui doit être mise en ligne sur la plateforme le 28 juin prochain. Chronologie des médias oblige, le film ne sera donc pas diffusé dans les salles françaises.

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Et il pourrait en être de même pour The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach, également en compétition, dont Netflix a racheté les droits de diffusion. Une situation inédite qui pourrait déboucher sur une aberration : une Palme d’Or visionnable uniquement sur petit écran.

La perspective fait bondir une partie de la profession, comme Jean Labadie du Pacte qui s’en est offusqué sur Twitter, mais est saluée par Vincent Maraval, pour qui c’est le sens de l’histoire.

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Ted Sarandos, le directeur des contenus de Netflix, qui attend toujours sa première nomination cinéma aux Oscars, s’est lui félicité de la nouvelle dans un communiqué :

"L’engagement du Festival de Cannes à offrir une place exceptionnelle aux films des auteurs les plus reconnus est unique. Nous sommes très honorés d’avoir l’opportunité d’y présenter, pour la première fois, deux de nos films les plus attendus réalisés par Noah Baumbach et Bong Joon-Ho".

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Lors de la conférence de presse présentant la sélection cannoise, on a interrogé Thierry Frémaux sur ce cas de figure inédit :

"Les deux films sont deux cas différents, le Baumbach a été acquis, il est produit par Scott Rudin, le grand producteur newyorkais qui est un habitué de la sélection cannoise, donc on va voir ce qu’il va se passer", a réagi le délégué général du Festival dans un premier temps. "Quant au film de Bong Joon-ho, c’est en effet une production Netflix, mais dont je crois savoir qu’un distributeur essaie de faire en sorte qu’il puisse sortir en salles."

Rappelons que Netflix, contrairement à Amazon, est en guerre ouverte avec les salles de cinéma. Son PDG Red Hastings a récemment envoyé un nouveau tacle à l’industrie (qui le lui rend bien) avec une déclaration provocatrice dont il a le secret: "En quoi le business de la distribution des films a-t-il innové ces 30 dernières années ? Eh bien, le popcorn est meilleur, à part ça rien."

Dans ce contexte, le plus grand festival de cinéma du monde ne fait-il pas une erreur en sélectionnant des films qui ne sont pas destinés pour le cinéma ? Pour Frémaux, la question ne se pose pas, Cannes se doit aussi d’innover, et pour le Festival un film est un film :  

"Je vais essayer de ne pas faire l’innocent et de répondre à votre question. Il y a deux opérateurs qui sont apparus ces dernières années, Amazon et Netflix, qui sont deux opérateurs nouveaux pour les cinéastes et pour les producteurs, et deux opérateurs nouveaux pour les Festivals.

Amazon a des films qui sortent en salles, le film de Jarmusch et le Park chan-wook étaient en compétition l’année dernière. Netflix c’est une situation unique et inédite pour nous. On en a beaucoup parlé avec Pierre Lescure, et quelques administrateurs du Festival. Je vous disais le Festival de Cannes est un laboratoire. Et ce n’est pas un film de plateforme, c’est un film de cinéma. Même les séries, jusqu’à preuve du contraire, utilisent l’art classique du cinéma et de la narration cinématographique.

Nous, on a vu un film, qui fait 1h50-2h, qui est un produit de cinéma, et dont nous ne disons pas que le choix est un choix acté, définitif et représentatif ou symbolique de quoi que ce soit. Boon Jon-ho est un grand cinéaste contemporain, il fait un film, il nous montre le film, on aime le film, le film est montré."

Présenté ainsi, ça parait simple. Cannes "valide" une mutation déjà en cours, et qui résonne fortement quelques semaines après l’annonce de l’achat de The Irishman de Scorsese par Netflix. Le cinéma ne se passe plus forcément au cinéma, mais aussi à la télévision, sur ordinateur, tablette ou même smartphone. Le 7e art survivra-t-il sans la salle de cinéma ? Il faudrait surtout le demander aux cinéastes. Mais, à l’image du cas Martin Scorsese, ouvertement pro-salles mais contraint de s’allier à Netflix, il semblerait qu’ils ne puissent plus s’offrir le luxe de dire non.