Toutes les critiques de Dogville

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Tous attendaient l'arrivée de Nicole Kidman à Cannes. La grande star avait déjà séduit les photographes lors de la présentation de Moulin Rouge il y a deux ans. Cette année, après avoir reçu son Oscar de la meilleure actrice pour The Hours, elle revient dans le dernier film de Lars Von Trier Dogville.
    Une esthétique extraordinaire
    Le film se passe aux Etats-Unis pendant la crise de 1929 pourtant rien de l'esthétique de cette période ne transparaît. Seul un grand plateau de tournage, sur le sol duquel est dessiné un village avec ses rues, ses maisons et leurs intérieurs. L'austérité des décors évoque mieux la pauvreté qu'une reconstitution hollywoodienne à la lettre. De plus, il y a là quelque chose de la ville universelle. Le village fonctionne comme une métonymie : situé dans les montagnes rocheuses, il représente tous les villages perdus au fin fond de toutes les contrées improbables. Dogville, la ville des chiens, dans laquelle on se laisse aller à ses pulsions quitte à pervertir ses propres conceptions morales.Malgré cette abstraction, nous ne sommes pas dans un cinéma de l'idée. Le travail sur le son, le cadrage des acteurs en plan rapproché nous ramène sans cesse aux conventions ordinaires du cinéma. « Quand on fait un film avec un côté étrange (on ne voit que les marques des maisons au sol par exemple) tout le reste doit être "normal". Si l'on superpose trop d'éléments, cela éloigne d'avantage le public du film. » expliquait Lars Von Trier en conférence de presse. Les bruits de portes qui claquent et grincent, la présence de quelques éléments de mobilier, nous amènent à voir cette ville comme une métaphore de toutes les sociétés. Peut-être assiste-t-on à la "formulation d'un concept" ? On dit souvent que le concept de chien n'aboie pas : au cinéma, le concept de ville n'a pas de visage, s'éprouve en dehors de toute figuration. Le hors-champs, l'extérieur, n'a qu'un nom, celui de la ville voisine, celui de Georgetown.En employant une kyrielle de grands acteurs pour jouer des seconds rôles, le cinéaste donne une dimension réaliste à son village. Tout ses personnages sont très précisément dessinés, chacun remplit son rôle social sans jamais donner dans la caricature. Lauren Baccal est la riche commerçante, un peu harpie, un peu méchante, un peu serviable. Ben Gazzara joue le rôle de l'asocial, Chloé Sevigny celui de la jeune innocente un peu séductrice... Paul Bettany est le jeune Thomas Edisson. Il se prétend philosophe, pense beaucoup et agit peu. Il provoque des réunions afin que l'ensemble du village parle de démocratie, et que chacun améliore la vie de tous en le considérant mieux. On ne le dit jamais, mais le spectateur le pense : c'est le politicien de la ville. Idéaliste, il parle aux citoyens de vie meilleure sans se rendre compte qu'eux se portent très bien comme ils sont.Un Conte, une Légende
    L'histoire est racontée par une voix-off au charme ténébreux. Dès le premier chapitre, le jeune homme rencontre Grace. On pourrait tout aussi bien dire qu'il rencontre la Grâce incarnée, tant la jeune femme poursuivie par des méchants le tire de l'ennui. Il l'aime dès le premier regard, veut la protéger et la défendre, il se bat pour qu'elle soit recueillie et protégée par les gens du village en échange de menus services.Là commence une impitoyable réflexion sur le pouvoir de l'amour et l'arrogance de l'abnégation. Von Trier place ses personnages dans un bocal et regarde ce que la peur cachée toujours inavouée, mâtinée de bonne morale, produit. Grace finira esclave et bouc émissaire, chargée de porter toutes les perversions de ses concitoyens. Subissant toutes les humiliations, le personnage de Grace pourrait faire partie de la trilogie des coeurs d'or. A la différence des personnages de Bess dans Breaking the Waves, de Selma dans Dancers in the Dark ou même de Karen dans Les Idiots, elle agit sur son destin après avoir subit les pires outrages.On comprend que le réalisateur souhaite explorer d'avantage ce personnage. Il prévoit en effet de tourner une trilogie selon une esthétique similaire. Lors de cette conférence de presse, il tentait de faire dire publiquement à Nicole Kidman qu'elle accepter dores et déjà d'incarner le personnage principal. L'actrice n'a pas dit non... Peut-être devrait-on dès maintenant se faire à l'idée que le réalisateur danois reçoive plus d'une fois la Palme !Dogville - Compétition officielle
    Réal. : Lars Von Trier
    Italie-Danemark-France... - 2002- 2h 57mn. Interdit aux moins de 12 ans
    Production : Zentropa Entertainments
    Distribution : Les Films du Losange
    Avec : Nicole Kidman, Paul Bettany, Patricia Clarkson, Jeremy Davies, Siobhan Fallon, Ben Gazzara, Jack McKay,
    Chloë Sevigny, Liz Benzen,
    Stellan Skarsgard,
    Lauren Bacall, Ma Ginger, Zeljko Ivanek...

    Sortie nationale le 21 Mai 2003
    - Le site officiel du film.
    - Le mini-site Cannes 2003.
    - Le mini-site Cannes 2002.
    - Le site officiel du Festival de Cannes.